Jésus : seule vérité, seul chemin

 

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par Thierry SEEWALD

 

 

A la question d’un Pilate bien post-moderne : « Qu’est-ce que la vérité ? » Jn 18.38), Jésus répond quelques heures plus tôt : « Je suis le chemin, la vérité et la vie » (Jn 14.6) et ajoute « nul ne vient au Père que par moi », se montrant par là bien exclusif.

 

 

Enjeux

 

Cette idée de vérité est centrale chez Jean et revient sous de multiples aspects. Nous en citerons plusieurs facettes. Mais notre préoccupation principale sera de comprendre ce que signifie qu’une personne, le Christ, soit la vérité et ce que cela implique pour nous. En cela, un des objectifs de cet article sera d’apporter des éléments de réflexion concernant la question évoquée par John STOTT : « Pensez-vous qu’il y a une discontinuité radicale entre le christianisme et les autres religions, au point que le premier contient toute la vérité et que les autres n’en ont pas la moindre parcelle ? »1

 

 

La vérité révélée

 

L’affirmation de Jésus ne nous apprend pas premièrement quelque chose sur la justesse de son enseignement, mais sur Jésus lui-même. Par cette affirmation, il caractérise qui il est, il ne dit pas seulement la vérité, il « est » la vérité. Pour Jésus, la vérité n’est pas seulement un ensemble d’affirmations, Dieu est la vérité. Il est le seul vrai Dieu et le seul qui fonde toute idée même de vérité. Connaître la vérité, c’est donc connaître Dieu, ce qu’il révèle de lui, ce qu’il révèle de sa volonté et ce que Dieu déclare vrai.

 

C’est pourquoi il s’affirme être lui-même la vérité. Car il vient du sein du Père, il est lui-même le vrai Dieu, et il vient nous montrer le Père, car le Père l’a envoyé pour cela.

 

Jean, quant à lui, met l’accent sur la parole de Dieu qui est la vérité. Les paroles de Jésus sont vérité, parce qu’il est Dieu et lui-même est vérité car il est Parole de Dieu, la Parole faite chair (Jean 1.14) : « la Parole est devenue homme et a vécu parmi nous. Nous avons contemplé sa gloire, la gloire du Fils unique envoyé par son Père : plénitude de grâce et de vérité ! » et 1.17-18 : « la grâce et la vérité sont venues par Jésus-Christ. Personne n’a jamais vu Dieu : Dieu, le Fils unique qui vit dans l’intimité du Père, nous l’a révélé ». Par ses paroles, Jésus explique Dieu aux hommes, parce qu’il est la Parole, il montre Dieu aux hommes.

 

Nous avons indiqué le caractère exclusif de l’affirmation de Jésus. Et cette affirmation n’est pas isolée. Ainsi : « Nul ne connaît le Père si ce n’est le Fils, et celui à qui le Fils veut bien le révéler » (Mt 11.27) et « Nul n’a jamais vu Dieu ; le Fils Unique-Engendré, qui est dans le sein du Père, lui, l’a fait connaître » (Jn 1.18) « Allez dans le monde entier, proclamez l’Evangile à toute la création. Celui qui croira et sera baptisé, sera sauvé ; celui qui ne croira pas, sera condamné » (Mc 16.15-16).

 

Et l’on sait que dans la pensée biblique en général, et dans celle de Jésus en particulier, croire ne désigne pas une simple croyance en une divinité, mais la foi en Jésus-Christ Fils de Dieu Sauveur, adhésion à l’Evangile évoqué dans le début du verset, conversion au seul vrai Dieu. Et Pierre enfonce le clou : « le salut ne se trouve en aucun autre ; car il n’y a sous le ciel aucun autre nom donné parmi les hommes, par lequel nous devions être sauvés » (Ac 4.12).

 

 

 « La Vérité est plus forte que l’éloquence, le savoir supérieur à l’érudition. » Martin Luther

 

 

Cela signifie-t-il qu’il n’y ait rien de vrai dans les religions ? Peut-on imaginer quelqu’un se trompant sur tout, tout le temps ? Bien sûr que non ! D’ailleurs Paul lui-même affirme que quelque chose de Dieu est connaissable par la raison (notamment son éternité et sa divinité), Dieu se rendant en partie connaissable par ses oeuvres dans la création (Ro 1.19-20). Rien d’étonnant à ce que ces vérités puissent être présentes dans des livres religieux, d’autant que certaines religions, comme l’Islam, se sont inspirées d’écrits chrétiens. L’homme par sa réflexion peut s’approcher de l’idée de Dieu. Un certain nombre de données d’autres religions peuvent ainsi être justes.2

 

Peuvent-elles pour autant nous conduire au salut ? Non, car le salut n’est pas croyance, adhésion à un dogme, mais foi, confiance en une personne. Comme le dit Henri BLOCHER3  : « Si le salut résultait de l’acquisition de connaissances, de la pénétration de la sagesse, de la constance dans la vertu, de l’exécution de rites, (…), il ne pourrait y avoir entre le christianisme et les religions que des différences de degrés. Mais il n’en est pas ainsi.

 

Jésus s’affirme aussi le (seul) chemin. Non seulement lui seul peut nous révéler qui est Dieu comment arriver à lui, non seulement lui seul est la porte (Jn 10.9), mais il est lui-même le parcours. L’auteur de l’épître aux Hébreux présente l’oeuvre de Jésus-Christ ainsi : « II nous a ouvert le chemin du lieu très-saint, un chemin nouveau et vivant à travers le rideau du sanctuaire, c’est-à-dire à travers son propre corps » (Hé 10.20).

 

Ainsi que l’a dit le théologien Visser’t HOOFT : « II est grand temps que les chrétiens découvrent le fondement essentiel de leur foi, à savoir que Jésus-Christ n’est pas venu apporter sa contribution à l’effort religieux de l’humanité, mais qu’en lui Dieu réconciliait le monde avec lui-même »4

 

 

Vérité divine et limites humaines

 

Dire qu’une personne, fut-t-elle le Fils de Dieu, est la vérité, n’est-ce pas tomber dans un subjectivisme d’où il sera difficile de tirer une quelconque vérité concrète ; surtout si cette personne n’est pas visible aujourd’hui ? Non, car Jésus, citant le Psaume 119 dit : « Sanctifie-les par la vérité : ta parole est la vérité » (Jn 17.17). Or cette parole nous l’avons, c’est la Bible, la vérité est encore appréhendable aujourd’hui. Mais évitons de tomber dans la sacralisation de la Bible. Le centre de notre foi est Jésus-Christ ; la Bible, Parole de Dieu, rend un témoignage véritable à cette vérité. La Bible est donc essentielle pour connaître cette vérité, mais comme Jean-Baptiste, qui lui aussi rend témoignage à la vérité (Jn 5.33), elle pointe seulement son doigt et dit : « Voici l’Agneau de Dieu, qui ôte le péché du monde » (Jn 1.29) et nous invite à le suivre.

 

Dieu ne nous a pas révélé toute vérité. La Bible n’est pas un recueil exhaustif de toutes les vérités. Elle ne traite pas des « vérités » scientifiques par exemple. Dieu étant lui-même la vérité, un livre pourrait-il contenir toute vérité ? Mais tout ce que Dieu révèle est vrai.

 

Dieu veut-il encore nous faire connaître des vérités ? Hébreux 1.1-3 présente le Fils comme la révélation finale et la plus complète de Dieu, par laquelle il nous parle et se fait connaître à nous (voir aussi la parabole des vignerons (Mt 21.33)). Avant le retour de Christ, où nous connaîtrons comme nous avons été connus (1 Cor 13.12) Dieu ne se révélera pas de nouvelle manière. Par son Esprit qui habite le croyant, il peut faire connaître sa volonté pour une personne ou un groupe, mais il ne délivre pas de nouvelle connaissance ou révélation sur lui-même. Par son Esprit et sa Parole, il a sans doute aussi beaucoup de vérités à nous apprendre sur nous-mêmes, mais pas de révélation nouvelle.

 

Cette vérité révélée est-elle entièrement connaissable ? J’ai la grâce d’être dans une Eglise fermement ancrée dans la Parole et se tenant dans la vérité. Malheureusement, cela signifie que votre Eglise ne l’est pas, car elle diffère de la mienne sur quelque point de doctrine ou de pratique. Cette dernière phrase vous froisse sans doute, mais elle est la conséquence logique de la précédente et souvent nous adhérons à la première affirmation pour notre propre Eglise (voire pour nous-mêmes).

 

egliseIl y a plusieurs milliers de dénominations chrétiennes dans le monde.  Qui aura la prétention d’avoir l’entière vérité ? Et si cette vérité est une personne, Jésus-Christ, peut-on la posséder ? Et si cette vérité est Dieu lui-même, est-elle entièrement compréhensible par un esprit humain ? De ce fait il convient de faire la différence entre Jésus-Christ qui est la vérité et la prétention d’une Eglise ou d’une personne d’être détentrice de la vérité ; différence qui fonde la tolérance entre frères en Christ et entre Eglises chrétiennes.

 

 

 II faut se tenir en silence autant qu’on peut et ne s’entretenir que de Dieu qu’on sait être la vérité, et ainsi on se le persuade à soi-même. Blaise Pascal, Pensées 100

 

 

Qu’est-ce qui nous empêche de marcher dans l’entière vérité ? Notre chair sans doute, notre intelligence qui reste en partie obscurcie, tous les a priori que nous avons sur Dieu et sur sa manière d’agir, hérités de notre culture, de nos familles, marqués par notre tempérament. Heureusement, le Saint-Esprit qui est aussi appelé « Esprit de Vérité » (Jn 14.17,15.26,16.13) habite en nous et nous enseigne. Et Jésus nous dit qu’il nous conduira dans toute la vérité (Jn 16.13). Cette vérité sur Dieu et le salut, l’Esprit l’a révélée par les Apôtres dans le Nouveau Testament. Nous pouvons donc être assurés qu’il conduira tous ceux qui cherchent à se tenir dans la vérité dans suffisamment de lumière pour marcher sur le droit chemin.

 

Ce n’est donc pas une vérité qui pousse à l’orgueil, puisque nous ne pouvons jamais croire la posséder, mais c’est une vérité missionnaire et Mc 16.15-16, déjà cité, fait le lien entre l’exclusivité du salut en Jésus-Christ et l’universalité de la proclamation (cf. Aussi Mt. 28.18-20 ; Lc 24.46-48 ; Jn 20.21 ; Ac 1.8  où partout Jésus envoie).

 

Comme le dit John STOTT  : « Un seul chemin, un seul nom, un seul Dieu, un seul Seigneur, un seul médiateur. Ce sont là des affirmations exclusives aux implications inévitables. Ce qui est vraiment unique a forcément une valeur universelle et doit donc être porté à la connaissance de tout le monde ». Si Jésus-Christ seul est vérité et salut, envoyé par un Dieu d’amour pour être et apporter la véritable lumière alors que tous sont dans les ténèbres, le mensonge et la condamnation, il est de notre responsabilité de faire connaître cette vérité. Non pas une vérité qui pousse à l’orgueil parce que « nous avons la vérité ».

 

Ni orgueil national ou ethnique, car il n’y a pas de nation chrétienne, mais un peuple fait de personnes venant de toutes nations et de toutes langues, ni orgueil d’une supériorité de notre « religion » ou d’avoir fait le bon choix, car tout est grâce, cadeau et la prétention est exclue : « Qu’as-tu que tu n’aies reçu ? Et si tu l’as reçu, pourquoi te glorifies-tu, comme si tu ne l’avais pas reçu ? » (1 Co 4.7). Au contraire, vérité qui pousse à l’humilité reconnaissante et à la proclamation persévérante.

 

John STOTT nous a donné la question de départ, écoutons en guise de conclusion le début de sa réponse : « Les chrétiens croient avec raison que Dieu s’est révélé en Jésus-Christ, d’une manière unique et définitive, comme le déclarent les Ecritures, de sorte qu’il n’y a plus rien à ajouter à ce qu’il a déjà communiqué, bien que de notre côté, nous ayons toujours à apprendre. Toutefois, nous ne prétendons pas qu’en dehors de l’Eglise Dieu soit inactif et la vérité absente » .

 

 

T.S.

 


 NOTES

 

1.   Le chrétien à l’aube du XXIè siècle vol.II p.106.

 

2.    Sur cette question, et sur un salut possible pour les croyants d’autres religions, on se référera utilement à l’article Réflexions sur l’annonce del’Evangile et les autres religions paru dans Servir 04/2001 et disponible sur Internet à l’adresse : http://www.caef.net/CEIE/lesautresreligions.htm

 

3. Article Le christianisme face aux religions : seule voie de salut ? Dans Conviction et dialogue (le dialogue interreligieux) sous dir. Louis Schweitzer. Editions Excelsis page 162.

 

4. L’Eglise face au synchrétisme (Genève, Labor et Fidès, 1964)..