L’Art dans la Bible

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par Jean-Pierre BORY

 

 

 

Qu’est-ce que l’art ?

 

 

Dès l’antiquité grecque, des philosophes ont tenté de définir les règles qui conduisent à produire une oeuvre d’art. Ils nous ont transmis des tragédies, des fables, des poèmes. Les sculpteurs grecs ont amené leur art à la perfection (Corinthe devait une partie de sa richesse à la production de copies de sculptures grecques dont les Romains ornaient leurs maisons et leurs villes)

 

Malheureusement ces statues représentaient souvent des divinités auxquelles le peuple vouait un culte (Ac 17.16) et que l’apôtre Paul n’appréciait pas ! Homère, que l’on suppose avoir écrit à peine un siècle après Salomon. pensait que la nature était la source de toute beauté. Platon concevait un idéal qui rapprochait le beau du bien.

 

Aristote liait le beau à l’utile… Il est intéressant de noter qu’en latin, et par conséquence en français aussi, beau, bon et bien ont une origine étymologique commune : dans l’histoire de la langue ces trois notions. Bien que le beau ne soit pas toujours bon. ni bien…

 

 

Dieu et la beauté

 

En effet, le texte biblique ne lie pas nécessairement ces trois aspects dans la nature ni dans l’homme : la beauté de la femme peut être factice (Pr 31 :30) ou encore source d’orgueil (Ez 16.7-15). Un animal malfaisant peut être beau par sa force et son apparence imposante (Jb 41.4). La beauté dans la nature n’est que passagère et décevante : la plus belle des fleurs se fane rapidement. (Jc 1.11)

 

Et curieusement les termes « beau » ou « beauté » ne sont jamais associés à la personne de Dieu ou du Christ dans l’Ecriture, à l’exception peut-être du psaume 45 où certains versets peuvent s’appliquer au Messie. Mais l’expression : « parmi tous les humains tu es bien le plus beau »1  figure dans le v.3 au début de la première section du psaume qui décrit le roi d’Israël, et non le Messie. Pourtant peut-on concevoir un Dieu parfait dont la beauté serait absente ?

 

 

La beauté caractérise la création de Dieu

 

arc en ciel 2Dieu se révèle au travers de sa création : que de beauté dans la palette de couleurs d’un coucher de soleil, la splendeur sauvage des paysages alpins, l’émeraude et la blancheur des vagues de la mer. Dieu est un Créateur-Artiste. La Bible révèle comment II sait mettre de la beauté dans ce qu’il crée : ainsi en était-il de ce roi de Tyr, créé par Dieu (Ez 28.13 et 15) : sa beauté parfaite associée à une grande sagesse était un modèle de perfection (Ez 28.12) ; la beauté des pierres précieuses dont ce roi était orné démontrait à tous sa gloire et sa magnificence ; et Dieu créa pour lui des tambourins et des fifres d’or ouvragé (28.13) pour charmer son oreille d’une musique raffinée.

 

Par ailleurs tout le poème qui nous évoque la création en Genèse 1 se termine à chaque strophe par cette constatation de Dieu lui-même : Dieu vit que c’était bon. Il est difficile d’exclure la beauté de ce que Dieu considère comme bon ! Et quand on admire encore aujourd’hui la beauté, la finesse et les formes si diverses des fleurs, la richesse de leurs coloris qu’aucun peintre ne parvient à reproduire, on peut leur appliquer ce que disait David du corps humain : tu fais des merveilles et je le reconnais bien (Ps 139.14).

 

 

Depuis la création du monde, les perfections invisibles de Dieu… se voient dans ses oeuvres quand on y réfléchit (Rm 1.20). Et des perfections et de la puissance infinie de Dieu, il n’est pas possible d’exclure le sens de la beauté et la capacité de créer des oeuvres d’art. Dieu est artiste dans le sens le plus noble de ce terme.

 

 

L’homme, image de Dieu et jardinier de la création

 

creation-2Dieu a créé l’homme à son image. Les premiers chapitres de la Genèse nous montrent d’emblée la supériorité de l’homme par rapport à tous les autres êtres vivants terrestres (Gn 1.26). Jardinier du pays des délices (2.8, 15), l’homme peut semer et faire surgir de la terre arbres, fleurs, fruits…, capacité qu’il a conservée après la chute.

 

Dès l’origine, Dieu le met en position d’inventer des noms pour chaque animal, de reconnaître celle qui sera son épouse, son égale ; et ensemble, ils reproduiront d’autres hommes et d’autres femmes doués des mêmes compétences. L’homme, en image de Dieu, est capable de concevoir et produire ce qui est beau. Et il le pourra aussi bien dans les beaux-arts : la peinture, la sculpture, la musique… où il n’offrira pas un simple reflet du réel mais une suggestion de ce que le modèle lui a inspiré, ou sa propre pensée sur son sujet.

 

 

Les artistes de Dieu2

 

Dieu n’a pas attendu la Pentecôte pour accorder des dons particuliers aux hommes : dès le début de l’humanité, certains surent inventer des instruments de musique et créer les premières harmonies (Gn 4.21), d’autres furent à l’origine des arts mécaniques (4.22). Dieu accorda des dons artistiques à certains artisans, comme Betsaleel et Oholiab, des artisans reconnus, à qui Dieu accorda habileté, intelligence et compétence pour exécuter tous les ouvrages à réaliser pour le sanctuaire (Ex 36.1ss). Ils concevaient des projets, travaillaient l’or, l’argent, le bronze, taillaient et sertissaient des pierres précieuses…

 

Nous ne mentionnerons que le chandelier orné de fleurs, de boutons, de calices (entièrement travaillé au marteau à partir d’un seul lingot d’or d’une trentaine de kg). D’autres Israélites avaient reçu l’art du parfumeur (Ex 30.25 ; 2 Ch 16.14). Certains étaient des artisans capables de travailler artistement avec des couturiers (Ex 28.3) pour fabriquer des chaînettes en fil d’or en forme de tresses torsadées (28.6-14) et bien d’autres merveilles.

 

Plus tard, Salomon découvrit un fondeur capable de fabriquer pour le temple de Jérusalem des colonnes avec chapiteaux décorés de figures géométriques, de guirlandes, de fleurs de lys (1 R 7.15-22), des cuves de bronze avec des pieds en forme de lions, de boeufs, de chérubins et des chariots décoratifs ornés de palmes, de guirlandes et portant des bassins…

 

Les chanteurs et les musiciens furent nombreux (1 Ch 25.3). Et que dire de la poésie (un tiers des Ecritures est de ce style) : psaumes, proverbes, chants et complaintes prophétiques. La prosodie sémite avait ses propres règles : parallélismes répétitifs ou antithétiques (Es 1.3 en encart), allitérations, poèmes alphabétiques, infinie richesse des métaphores, des images, des rythmes (Gn 2.23), qu’il n’est malheureusement pas possible de faire paraître dans une traduction.

 

 

Les limites de l’art

 

Mais Dieu avait fixé des limites à ses artistes : il était interdit d’imaginer et de représenter le Seigneur ou des êtres célestes, sous forme de statue ou d’image, de fabriquer des animaux ou des personnages de bronze ou de bois susceptibles de devenir des objets d’idolâtrie (Lv 26.1 ; Dt 4.16). Hélas, Israël tomba dans ce travers et il fallut des décennies d’exil pour qu’il comprenne et accepte cette exigence divine.

 

 

Le boeuf connaît son possesseur

Et l’âne la crèche de ses maîtres ;

Israël ne connaît rien,

Mon peuple ne comprend pas.

(Es 1.3)

 

Celle-ci, cette fois, os de mes os.

Chair de ma chair, A celle-ci on dira «femme».

Car de l’homme est prise celle-ci.

(Gn 2.23)3

 

 

Plus tard l’Eglise elle-même se fit des statues ou des images du Seigneur, de personnages bibliques qui devinrent objets de dévotion pour des foules de fidèles, au détriment du message simple de l’Evangile de la grâce.

 

De tout temps, l’image (ou toute oeuvre d’art, musicale, lyrique…), si artistique soit-elle, peut représenter un danger, un obstacle à la découverte du vrai Dieu qui ne peut être réduit aux formes d’une statue d’or, d’argent ou de marbre (Ac 17.29) même née de l’imagination d’un artiste de génie. Aucune oeuvre d’art ne doit voiler la réalité de notre Seigneur et Sauveur. Aucune musique, aucun texte, si inspiré soit-il, ne doit déformer le message de la grâce.

 

 

La liberté de l’artiste !

 

La Nouvelle Alliance nous a libérés de la loi. Rien n’est impur en soi (Rm 14.14), pas même une oeuvre d’art ! Pour autant qu’elle contribue à glorifier le Seigneur, ou à transmettre le message de la grâce, ou tout simplement à donner de la joie, une joie pure, source de paix et de bien-être, des cadeaux de Dieu. Toutes les peintures, musiques ou sculptures, anciennes ou modernes n’y concourent pas !

 

Alors, que de nombreux artistes chrétiens s’exercent, travaillent leurs oeuvres, les «remettent cent fois sur le métier» et excellent dans leurs créations en retenant ce qui est bien (Hé 5.14) et fait grandir dans la foi (Rm 15.2) !

 

 

J.-P. B.

 


 NOTES

 

1. Les citations bibliques sont tirées de la version du Semeur.

 

2. Il faut lire le petit livre de Francis Schaeffer : Art and the Bible (Edit. Hodder and Stoughton, coll. « L’Abri-spécial », 1973) malheureusement il n’existe qu’en anglais. L L’auteur cherche à définir quelle est la place de l’art dans la vie chrétienne. Il part du sens de la Rédemption où le Christ renouvelle l’homme dans sa totalité et exerce alors sur lui son autorité. L’art est un moyen d’expression de l’homme, donc à ne pas exclure de la vie chrétienne, mais au contraire à exprimer sous l’autorité du Christ (courte recension de cet ouvrage dans Ichthus n°44 p.2-5).

 

3. La poésie dans la Bible », Henri Blocher, dans « Fac Réflexion n°38, 1997/1, p.4 à 13.