Force et faiblesse entre oeuvres et églises

 

Par Alain Soudrain

 

 

L’articulation entre églises et œuvres

 

            Force est de constater que tout au long de l’Histoire, l’église locale s’est généralement plus souvent investie dans une dynamique d’engagement spirituel (évangélisation, enseignement biblique de base, pastorat) au détriment du social et même de la mission. Probablement en réaction à cela, quelques chrétiens ont tenté de pallier ou de combler ces lacunes en développant des «actions» (auprès des étudiants, missions, oeuvres sociales en tout genre), en marge, voire même en concurrence avec les églises. Ces «oeuvres», comme on les appelle, ont parfois pris tellement d’importance qu’elles se sont souvent substituées à l’église. L’articulation entre Eglises/OEuvres a été pendant de très nombreuses années inexistante et voire même concurrentielle.
 
 
Aujourd’hui, avec la revalorisation de la place de l’église et surtout de l’église locale, un rapprochement entre les deux parties existe, mais cette recherche d’une bonne articulation ne se fait malheureusement pas sans difficulté.
            Cette articulation Eglises/OEuvres peut se faire par délégation (GBU, mission) ou/et par intégration via la création  par ces mêmes églises locales ou union d’églises de départements internes répondant à ces besoins(aide humanitaire, aide aux défavorisés, diaconie en tout genre). Cependant, il restera toujours ceux que nous appellerons les «francs tireurs» qui continueront à mener leurs propres actions en dehors de l’église.
 
 

 La force de cette articulation Eglise/OEuvre :

elle permet :
 
 
 De revenir au modèle biblique de l’église qui, à l’origine avait la charge, la responsabilité de s’occuper de la personne toute entière et pas seulement de l’âme de ces personnes. Revenons au modèle suprême, Jésus, qui considérait toujours la personne qu’il rencontrait dans sa globalité et qui a toujours travaillé en tenant compte de la personne toute entière. N’a-t-il pas donné cet ordre de mission à ses disciples : «guérissez les malades, chassez les démons et annoncez le royaume de Dieu» ?
 
 
 De responsabiliser l’église dans son ensemble L’église souffre malheureusement parfois d’un manque de vision; s’engager et agir dans un domaine qu’on ne maîtrise pas forcément fait peur. Que des membres de l’église s’impliquent dans des oeuvres diverses peut justement décoincer et encourager l’église à s’impliquer dans différents secteurs d’activités de la société.
 
 

D’occuper le terrain dans notre société De même que notre Seigneur nous a demandé d’être une lumière pour les nations et que Dieu a demandé à Israël au travers de Jérémie de «rechercher le bien de la ville», les différentes oeuvres permettent souvent aux chrétiens et donc aux églises de s’impliquer dans la ville et d’influencer les choix et les comportements de nos concitoyens au travers de notre témoignage et de nos vies.

 
 
De mettre en valeur toutes les compétences et les dons dans l’église L’église est composée de personnes ayant de nombreux talents. Malheureusement pour diverses raisons, ces talents restent cachés, voire ignorés et donc peu ou pas utilisés. Au travers des différentes oeuvres, ces mêmes personnes arrivent à exprimer ces nombreux talents que Dieu leur a donnés et l’église y gagne parce que ces chrétiens s’épanouissent.
 
 
De ne pas disperser les forces tant individuelles que collectives tout en travaillant dans la globalité de la personne toute entière. Il est souvent difficile pour une église de s’engager dans tous les secteurs d’activités. Mais lorsque des membres de l’église s’impliquent dans certaines oeuvres, celles-ci offrent aux églises la possibilité d’agir sans en porter toute la responsabilité logistique.
 
 

 Les faiblesses de cette Articulation 

 
L’histoire qui pèse encore Les oeuvres dites para-églises ont souvent été taxées de «voleuses de membres, de compétences et de finances». Les choses sont en train de changer certes, mais ces vieux réflexes demeurent et sont encore bien vivaces.
 
 
L’individualisme De plus en plus souvent, sous l’impulsion d’une personne ou d’un petit groupe de personnes ayant une vision ou des contacts avec «quelqu’un quelque part dans le monde», ou encore sous le couvert de la liberté personnelle d’entreprendre («ce n’est pas le problème de l’église») des «oeuvres» ou ONG voient le jour. Mais ces mêmes oeuvres, un jour ou l’autre, viennent chercher l’aide dont elles ont finalement besoin dans leurs églises locales qui n’avaient même pas été consultées au départ.
 
 
 Le manque de vision de l’église Un certain nombre de chrétiens ne se retrouvent pas dans le mode de fonctionnement de nos églises qui restent focalisées sur les problèmes internes ou sur une vision étriquée de leurs responsabilités. Ils préfèrent alors s’engager dans des oeuvres en dehors de l’église locale, mettant celles-ci en concurrence (et surtout en ayant un oeil critique sur l’église locale). Cette attitude peut malheureusement amener certains à quitter l’église locale pour se consacrer entièrement à ce qui leur semble être le but de leur vie ou de leur vocation.
 
 
 Le manque d’investissement des chrétiens Aujourd’hui, et probablement en réaction à certains excès, beaucoup de chrétiens mettent un accent de plus en plus accru sur leur vie familiale, leur loisirs, et autres préoccupations personnelles ce qui entraine automatiquement un désengagement dans certains domaines de la vie d’église. D’un autre côté, la vie trépidante actuelle et les exigences professionnelles rendent la disponibilité de chacun encore moins évidente. 
 
 
La concurrence entre les oeuvres La multiplicité des oeuvres d’une part et la rareté des intervenants d’autre part, provoquent dans bien des cas ce que j’appellerai «la ruée vers les candidats », entrainant dans son sillage une certaine compétition entres les oeuvres elles-mêmes mais aussi entre les oeuvres et les églises. La conséquence de cette compétition est qu’une forme de surenchère s’exerce allant jusqu’à choisir le ministère au plus offrant.
 
 
 Les oeuvres qui ne collaborent pas avec l’église La collaboration entre les oeuvres et les églises est parfois délicate. Une certaine incompréhension, un défaut de communication, un sentiment de concurrence accroissent la difficulté de collaboration.
 
 
A.S.