Conte de noel

  Winter_Beauty_by_Dante121-2

 

Lili 

 

par Annick WAECHTER

 

 

 

Lili ne bouge plus. Elle est raide, dans son lit ; le souffle court, tendue. Elle ferme les yeux de toutes ses forces, pour ne surtout pas voir l’immense araignée accrochée au plafond, exactement au-dessus de sa tête. Oppressée, la petite fille a du mal à avaler, et des larmes coulent lentement, silencieusement, de ses paupières. Si l’araignée pouvait partir…

 

 

Alors Lili se réfugie, en pensée, ailleurs : dans l’univers qu’elle préfère, celui qui la rassure et lui fait du bien à chacun de ses voyages. Et elle tourne les pages de son livre préféré, rempli d’images colorées et peuplé de personnages connus. Rapidement, elle retrouve le visage de son ami, l’homme en blanc, si gentil avec les enfants. Elle voit ses bras ouverts, et elle s’y jette.

 

Un peu détendue, Lili respire mieux. Elle décolle son dos du lit, quand elle se rappelle, en un éclair ; que l’araignée est la, qui la guette, pour se laisser tomber sur elle ! Les poings de la fillette se resserrent, la grosse bête velue est toujours au-dessus de sa tête ; Lili grimace et referme les yeux, tétanisée.

 

Il faut s’enfuir, ailleurs… C’est dans le groupe d’enfants, à l’école du dimanche, qu’elle a entendu pour la première fois son histoire. Il s’appelle Jésus, et il fait du bien, rien que du bien. Il aime tout le monde, et surtout les petits enfants ou les personnes malades. Alors Lili a demandé à Jacqueline si Jésus l’aimait aussi ; évidemment, a-t-elle répondu, Jésus aime Lili ! Alors Lili s’est mise à aimer Jésus, qui ne l’a plus quittée depuis.

 

Quand elle n’arrive pas à faire ce qu’elle devrait, qu’elle est trop triste d’être comme elle est, trop consciente de sa différence, elle met sa main dans sa poche, et elle serre ; et Jésus lui prend la main aussi, bien fort. Ensuite elle ferme les yeux, et peu à peu, les obstacles autour d’elle, les gens méchants, disparaissent.

 

Quand elle est avec les autres enfants, Jacqueline est toujours là pour s’occuper d’elle, que d’elle, et l’aider à faire des bricolages ou de la peinture. Lili imagine alors la maison de Jésus, avec une grande chambre pour elle, et plein de chaises : une pour elle, une pour Jésus, ainsi que pour ses parents et son frère, et pour tous ceux qu’elle aime. Elle dessine plein de bonheur, avec des couleurs douces ; et longtemps, longtemps, elle vit dans sa peinture une histoire où elle fait tout comme les autres…

 

Ces derniers temps, Lili est très heureuse. Il y a des décorations dehors, et dans la maison : assise, la fillette a regardé sa mère suspendre des guirlandes multicolores, des étoiles brillantes, des lumières. Il fait froid, et comme elle ne peut pas toujours sortir, sa maman lui raconte très souvent l’histoire de Jésus. Au début du livre, il y a un bébé, très beau, qui sourit. Il paraît que c’est aussi Jésus, mais ça, c’est bizarre pour elle.

 

Parce que Jésus, il est grand et fort, et quand il lui sert la main dans sa poche, elle a du mal à croire qu’un jour il a été un bébé. En tout cas, il a l’air gentil aussi. Alors Lili l’observe, et attend surtout les pages où Jésus regarde les malades, les enfants, et leur sourit. Tout son corps s’apaise, elle se sent en sécurité. Mais avant la fin du livre, elle le referme ; parce qu’elle n’aime pas du tout quand Jésus a mal et saigne, la tête de côté.

 

Et même quand le bois est tout seul, elle y pense encore et elle ne comprend pas pourquoi on a fait tant de mal à un homme si gentil. Elle préfère quand il sourit. C’est pour cela qu’elle a arraché des pages. Maman n’a pas compris, ni papa. Mais Aurélien, son petit frère, avait l’air content aussi.

 

La porte s’ouvre, doucement. Lili entend des pas, mais n’arrive pas à bouger. Sa maman s’assied au bord du lit, et essuie les yeux de sa fille, grande et si petite à la fois. D’un seul coup, Lili se jette dans ses bras, et hurle toute sa crainte et son angoisse, les yeux toujours fermés, la tête cachée contre sa mère. Sans se lasser, celle-ci la tient bien serrée, tout en la caressant inlassablement, et en lui répétant que tout va bien, tout va bien. Epuisée, au terme de longues minutes de cris, Lili gémit doucement et se laisse bercer. A neuf ans, la fillette sait qu’elle est en sécurité dans les bras de sa mère : un havre de paix dans un monde qui lui est bien souvent hostile et incompréhensible.

 

Dans ces bras tendres, même si elle ne comprend pas tout ce qu’on lui explique, comme son petit frère de quatre ans, elle se détend. Alors sa mère allume la lumière, et ensemble, elles regardent la jolie guirlande rouge ornée d’une grosse boule dorée, suspendue juste au-dessus de son lit, pour qu’elle puisse l’admirer le soir en s’endormant. Plus d’araignée, elle est partie.

 

Alors Lili se lève, va chercher son livre de Jésus et le tend à sa mère. La fillette tourne les pages, et montre du doigt son ami ; et même si elle ne peut pas expliquer avec des mots ce qu’elle ressent, son sourire en dit long, et ses yeux brillent comme l’étoile au-dessus du bébé, sur la page. Lili a un ami qui l’aime comme elle est.

 

A.W.