Unité et Trinité de Dieu

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par Christopher SINCLAIR1

 

 

Dieu se révèle et nous fait connaître de lui tout ce qui est nécessaire à notre salut et à une pleine communion avec lui. En même temps, il reste l’Etre absolu, l’Eternel, que la raison humaine ne peut cerner : « Dieu habite une lumière inaccessible ; nul ne l’a vu, et nul ne peut le voir »2. Le rapport entre l’Unité et la Trinité fait partie de cette essence de Dieu, qui nous est dévoilée en partie par la révélation, mais qui reste en même temps un mystère infini.

 

 

1) Unicité et Unité de Dieu

 

La Bible nous révèle cette réalité fondamentale que Dieu est Un. L’Ancien Testament affirme, au cœur de la Loi divine donnée à Moïse et Israël : « Ecoute Israël, le Seigneur est notre Dieu, le Seigneur est Un. Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de tout ton être, de toute ta force ».3 Cette parole solennelle est adressée au peuple juif alors que celui-ci est entouré de peuples païens polythéistes.

 

La même vérité est affirmée dans le Nouveau Testament. Lorsque Jésus parle du premier commandement (Marc 12.29-30), il reprend mot à mot le passage de Deutéronome 6.4-5. Le Nouveau Testament est donc fidèle à la doctrine du Dieu unique de l’Ancien Testament. Cela se confirme dans Jean 17.3, où Jésus s’adresse à Dieu avec ces mots : « Toi, le seul vrai Dieu ». C’est également confirmé par l’apôtre Paul, qui affirme cinq fois : « II y a un seul Dieu » (Rom. 3.30 ; 1 Cor. 8.4 + 6 ; Eph. 4.6 ; 1 Tim. 2.5).

 

« Dieu est Un » veut dire deux choses complémentaires. D’abord, que le Dieu de la Bible est l’unique vrai Dieu, donc que tous les autres « dieux » sont des idoles. Il s’agit là de l’unicité de Dieu. Ensuite, que le vrai Dieu est unifié. Il ne peut pas être divisé en plusieurs morceaux, par exemple en plusieurs dieux. Tout son être est solidaire et indivisible, en étroite harmonie avec lui-même. Il s’agit là de l’unité de Dieu. Le christianisme est-il un monothéisme ? La réponse doit sans hésitation être « oui ». 4

 

 

2) Un Dieu inter-personnel

 

Parce que Dieu est vivant et personnel, Dieu est inter-personnel comme l’être humain est inter-personnel : une personne n’est pleinement une personne que si elle est tournée vers une autre personne, un vis-à-vis, quelqu’un en face. Autrement dit : communiquer pleinement veut dire communiquer avec d’autres personnes. Aimer pleinement, c’est aimer quelqu’un d’autre que soi.

 

Selon la Bible, Dieu est une personne et Dieu est amour. Cela implique qu’il est inter-personnel, relationnel et communicatif dans sa nature même. Et au sein du Dieu personnel et d’amour qu’est le Seigneur, il y a celui qui aime et il y a, en même temps, l’ » autre » qui est aimé et qui aime en retour. Au sein du Dieu vivant circule une énergie d’amour infinie, de toute éternité, avant même la création du monde, entre l’un qui aime et l’autre qui est aimé. Et quand Dieu crée le monde et tous ses habitants, c’est la manifestation visible, le prolongement, la multiplication de la nature aimante et relationnelle de Dieu.

 

Comment Dieu peut-il être l’un et l’autre tout en restant Un ? Comment Dieu peut-il être à la fois unité et pluralité ? Cela dépasse notre compréhension logique. Et pourtant, quand nous lisons la Bible, nous sommes conduits à admettre que c’est bien cela qu’elle enseigne. Dans l’Ancien Testament, le mot Elohim, qui désigne Dieu, est grammaticalement un pluriel.

 

Par exemple la traduction littérale du passage de Deutéronome 6.4-5 donne ceci : « Ecoute Israël, le Seigneur nos Dieux, le Seigneur Un ». Cette rencontre étonnante entre singulier et pluriel se retrouve dans bien d’autres passages de l’Ancien Testament, par exemple Gen. 1.1 : « Au commencement les Dieux créa… » ; Gen. 33.20 : « Dieu, les Dieux d’Israël »; Ex. 20.5 : « Moi l’Eternel, tes Dieux, (suis) un Dieu jaloux » ; Deut. 4.35 et 39 : « L’Eternel, lui (est) Dieux ».5

 

 

3) Tri-unité et Trinité de Dieu

 

Le Nouveau Testament nous révèle ensuite que le Dieu Un est l’union de trois personnes : le Père, le Fils et le Saint-Esprit. C’est ce qu’on appelle la « trinité » de Dieu, ou plus couramment la Trinité. Voici quelques-uns des nombreux passages sur lesquels se fonde la doctrine de la Trinité. Au baptême de Jésus (le Fils) dans Matthieu 3.1-17, le Père et le Saint-Esprit sont présents eux aussi. Dans Matthieu 28.19 Jésus commande aux disciples d’évangéliser au nom des trois personnes de la divinité : « Allez, faites de toutes les nations des disciples, les baptisant au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit ». Et dans la bénédiction paulinienne de 2 Corinthiens 13.13 nous retrouvons ces trois mêmes personnes : « La grâce du Seigneur Jésus-Christ, l’amour de Dieu (le Père), et la communion du Saint-Esprit soient avec vous tous ».

 

Toujours selon la Bible, chaque personne de la Trinité joue un rôle particulier. Le Père est le Créateur et le Souverain (« au-dessus de nous ») ; le Fils est le Sauveur (« avec nous ») ; le Saint-Esprit est le Consolateur (« en nous »). Cependant, cette répartition des fonctions n’a rien de rigide : même si chacune des personnes de la Trinité joue prioritairement tel rôle, les deux autres personnes y participent aussi activement. Bien des passages nous montrent que : le Père crée, mais le Fils et l’Esprit aussi (Gen. 1.2 ; Job 33.4 ; Jean 1.3 ; Col. 1.16). Le Fils sauve, mais le Père et l’Esprit aussi (Luc 1.46-47 ; Rom. 1.7 ; Tite 3.5 ; Jac. 1.17). Le Saint-Esprit demeure en nous, mais le Père et le Fils aussi (Jean 14.23 ; Jean 15.4-5). La Bible insiste continuellement sur l’harmonie, la communion et la collaboration qui unissent les trois personnes de la divinité, par exemple dans Jean, chap. 14 à 17.

 

 

4) La formulation de la doctrine trinitaire

 

Sur la base des données bibliques, l’Unité et la Trinité de Dieu sont affirmées dans les confessions de foi des églises et mouvements évangéliques, dont celle des CAEF : « Nous croyons en un seul Dieu […] en trois personnes, Père, Fils et Saint-Esprit »

 

Une bonne formulation de la doctrine trinitaire doit maintenir l’équilibre entre la dimension « triple »et la dimension « une » de Dieu, sinon il est facile de tomber dans l’hérésie. Accentuer trop la dimension « triple » conduit au trithéisme, qui consiste à faire des trois personnes de la Trinité trois Dieux distincts, ce qui est une forme de polythéisme.

 

A l’opposé, accentuer trop la dimension « une » de Dieu conduit au fonctionnalisme ou au modalisme, hérésies qui consistent à faire du Père, du Fils et de l’Esprit de simples qualificatifs de Dieu, au même titre que « saint », « tout-puissant » « créateur », « sauveur », etc. Ou bien encore, cela conduit à l’arianisme (l’hérésie d’Arius) ou à l’unitarisme, hérésies qui considèrent que seul le Père est Dieu, qui voient en Jésus une simple créature humaine, un archange ou un « dieu » inférieur au Père, et qui font du Saint-Esprit un simple mot désignant la force et la présence de Dieu. L’arianisme est encore actif aujourd’hui à travers les Témoins de Jéhovah et certains groupes du New Age.

 

 

5) Trinité, incarnation et salut

 

trinite-2La doctrine de la Trinité est étroitement liée à la doctrine de l’incarnation de Dieu en Christ, et donc au salut par la croix. Le christianisme trinitaire affirme que l’homme Jésus était Dieu, qu’il était l’incarnation de la personne de la Trinité que nous appelons le Fils. Les musulmans croient que pour les chrétiens, quand Jésus est né, Dieu a eu un fils (autrement dit, que Dieu a engendré un fils qui n’existait pas auparavant). Mais en fait ce que nous croyons, c’est que Jésus est le Fils, de toute éternité. Il est « Dieu le Fils », incréé, pré-existant depuis toujours, puis venu en chair pour vivre une vie d’homme et mourir pour les péchés.

 

Si les monothéistes anti-trinitaires – c’est-à-dire les Juifs non-messianiques, les Musulmans, les Témoins de Jéhovah, … – ont raison, alors Dieu n’est pas vraiment descendu pour visiter son peuple. S’ils ont raison, alors Dieu ne nous aime pas assez pour venir s’incarner et vivre notre vie. Leur Dieu préfère rester bien à l’abri dans son ciel ! Nous, chrétiens monothéistes trinitaires, nous confessons que Dieu a aimé l’humanité jusqu’à venir parmi nous en Jésus, vrai homme et vrai Dieu. Cependant, cette confession implique une grande responsabilité : celle d’aimer notre prochain, chrétien ou non-chrétien, trinitaire ou anti-trinitaire, selon l’amour de Dieu venu en Christ.

 

 

6) Des aides pour comprendre

 

Un singulier qui est en même temps pluriel : Dieu nous demande d’accepter cette vérité avec foi, plutôt que d’essayer de tout expliquer rationnellement. Cependant, il n’est pas inutile de chercher à comprendre, à l’intérieur de nos limites humaines ; cela pour notre propre édification, et aussi pour pouvoir répondre aux objections des anti-trinitaires (tout en évitant les polémiques stériles). C’est pourquoi Dieu a placé dans la réalité terrestre et physique des « comparaisons », des « analogies », qui peuvent nous aider à mieux saisir que quelque chose peut être à la fois un et trois.

 

L’analogie du triangle équilatéral

 

Sur ce type de triangle, chacun des trois sommets, ainsi que chacun des trois côtés, est absolument égal aux deux autres. Et chacun d’eux est absolument indispensable : si on enlève un des sommets ou un des côtés d’un triangle, ce n’est plus un triangle ! Enfin, chacun de ces sommets ou côtés a son individualité, c’est-à-dire sa place bien à lui, qui n’est pas la place des deux autres.

 

De cette façon, ils jouent des rôles complémentaires : par exemple, si l’on utilise un triangle en bois pour caler la roue d’une voiture, chaque côté du triangle joue un rôle particulier : le premier adhère au sol, le second est appuyé contre le pneu, le troisième ne touche rien d’extérieur et pourtant il travaille dur en empêchant la cale de s’effondrer sur elle-même ! On retrouve la même complémentarité dans la Trinité, où chaque personne joue un rôle précis en harmonie avec les deux autres et dans un soutien mutuel.

 

L’analogie des trois triangles en un

 

Comme le montre le dessin ci-contre, trois triangles isocèles (représentant ici les trois personnes de la Trinité) agencés ensemble forment un seul triangle équilatéral (représentant le Dieu un) !

 

L’analogie du nombre « un »

 

Curieusement, quand on divise le nombre un par trois, on obtient le nombre 0,33333… avec des décimales à l’infini. Le nombre un est donc assez grand pour contenir trois fois l’infini ! De même, le Dieu « un » est assez grand pour « contenir » trois personnes divines infinies. Et chacune de ces personnes étant infinie, aucune d’elles n’est limitée par la présence des deux autres.

 

L’analogie de la personne humaine.

 

Chacun de nous est un individu unifié, et en même temps composé de trois éléments : le corps (être matériel et physique), l’âme (pensée, sentiments, volonté), et l’esprit (conscience capable de comprendre les choses spirituelles). Nous avons chacune de ces trois choses (chacune peut être considérée séparément), et en même temps nous sommes chacune d’elles (elles sont inséparables et chacune est indispensable pour constituer notre être). Le corps et l’âme/esprit se séparent à notre mort, mais lors de la résurrection Dieu les réunira à nouveau, pour que nous redevenions des personnes à part entière.

 

Comme toute vérité biblique, la doctrine de la Trinité doit être approchée et reçue avec humilité et piété. Humilité et piété devant la grandeur majestueuse de ce que Dieu nous donne de comprendre sur son être. Humilité et piété devant le mystère de ce que nous ne comprenons pas mais que Dieu nous donnera de comprendre un jour s’il le veut (1 Cor. 13.12).

 

Enfin, la doctrine de la Trinité nous enseigne l’amour fraternel. La Bible nous révèle l’harmonie, la communion et la collaboration parfaites qui existent entre les trois personnes de la Trinité. Nous qui sommes enfants du Dieu d’amour, nous sommes par conséquent invités à vivre ces mêmes qualités entre frères et sœurs dans l’Eglise.

 

C.S.

 


 NOTES

 

1. Diacre pour l’enseignement À la bonne nouvelle de Strasbourg, maître de conférences d’anglais à l’université de Strasbourg.

 

2. 1 Tim. 6.16

 

3. Deutéronome 6.45

 

4. Voir EMERY Gilles & GISEL Pierre, éd., Le Christianisme est-il un monothéisme ?, Genève, Labor et Fides, 2001.

 

5. Pour un développement plus complet, voir l’article de Robert SCHROEDER : « Le Dieu unique est-il «un» ? », publié en deux parties dans le journal du Berger d’Israël (numéros du 2e tri-mestre 2003 et de décembre 2003), et disponible auprès de l’Association du Berger d’Israël, 2 rue des Magasins, 67000 Strasbourg, bergerisrael@alicepro.fr.