En silence devant Dieu

 

Par Marcel Reutenauer

 

 

Quelle est, dans nos milieux1, la place des temps de silence devant Dieu dans la piété chrétienne ? Certes, la pratique de la lecture de la Bible, la méditation et la prière sont enseignées et encouragées… et assez largement pratiquées nous semble-t-il. Mais quelle est la qualité de ces temps ? En particulier, le temps de silence, d’écoute, n’est-il pas souvent le parent pauvre ?

 

 

 

 

Une expérience bénie

Tous, d’une manière ou d’une autre expriment le bienfait qu’apportent les temps de recueillement dans la présence de Dieu. « Combien j’aspire à retrouver la paix auprès du Seigneur. » « Comme ils sont précieux ces moments où je laisse tout de côté pour consacrer du temps à louer le Seigneur, à méditer sa Parole et à le prier. » « Je rencontre mon Père Céleste qui m’aime et veut me faire du bien ! C’est pourquoi je prends plaisir à le rencontrer, à l’écouter par la Parole et à lui parler par la prière. »

 

Et la joie de la communion avec Dieu fait écho à la parole des psalmistes : « Pour moi m’approcher de Dieu, c’est mon bien » (Ps 73.28) et « J’aime l’Eternel car il entend ma voix, il a penché son oreille vers moi, je l’invoquerai toute ma vie ! » (Ps 116.1-2)

 

II est reconnu que « faire silence devant Dieu est indispensable si nous voulons entendre ce qu’il a à nous dire. Bien souvent nous l’oublions. »

 

Même lorsque l’on est éprouvé, le silence devant Dieu exprime notre confiance en Son secours. Une sœur témoigne : « Dans les moments de découragement, face à certaines situations où j’ai l’impression de perdre pied, je me contente de dire : « Seigneur, tu vois, je pose tout cela devant toi, donne-moi la paix. » Puis je fais silence.

 

 

 

 

Prendre le temps et trouver le moment

Malgré les bienfaits ressentis, il est surprenant que pour beaucoup d’entre nous ce n’est pas évident et facile de vivre un temps de recueillement régulier. Les obstacles sont intérieurs : les priorités que je me donne ; et extérieurs : le rythme de vie. « Comme il est difficile de trouver le silence devant Dieu !

 

Les obstacles sont nombreux : l’agitation due au travail, mon stress, la préoccupation pour des personnes proches qui traversent la souffrance, les choses à faire dans un certain délai… » C’est une « recherche – une lutte – de chaque jour pour trouver des moments « en silence devant Dieu », soit seul, soit en couple, soit à quelques-uns. »

 

Cela nécessite de prendre des décisions. « II n’y a pas de piété véritable sans relation et communion avec mon Dieu. Je dois donc à tout prix me discipliner (1 Co 9.27) pour prendre le temps nécessaire pour préserver et approfondir cette communion ! »

 

Pour l’une « le matin est le moment où je lis la Bible et il m’arrive souvent que des versets me parlent. Alors je prends le temps de demander à Jésus ce qu’il veut me faire comprendre, suit alors un moment de silence. Je n’ai pas forcément tout de suite les réponses, mais je sais qu’au moment opportun le Seigneur me dira quoi faire ou dire. Je ne m’impose aucune durée pour ce temps du matin, c’est en fonction de ce que je ressens. »

 

Un autre nous dit : « J’arrive sur mon lieu de travail, bien avant mes collègues pour avoir un moment « en silence devant Dieu ». Je lis la Bible en lecture suivie. La difficulté est de traduire ce que j’ai lu dans la prière et en application concrète pour moi. »

 

Mais la relation avec Dieu n’est pas limitée à des moments particuliers ; tout instant peut être utilisé. « Tout au long de la journée il m’arrive de m’adresser au Seigneur, je n’ai pas de prière précise, ce peut être simplement un merci, une requête ou une intercession précise face à un événement imprévu. » Et « même la nuit durant une insomnie », il est possible et bienfaisant de penser à Dieu sur ma couche et de méditer sur Lui pendant les veilles de la nuit ! (Ps 63.7)

 

Un cadre propice doit être recherché. Le Seigneur a invité à entrer dans sa chambre (Mt 6.6) mais il priait aussi à l’écart sur la montagne (Mt 14.23 ; Lc 6.12 ; Lc 9.28). Une personne sensible aux paysages témoigne : « En tant qu’artiste, je suis très sensible à la beauté de la nature et là, souvent pour ne pas dire toujours, j’ai besoin d’un temps d’échange avec le Seigneur, suivi d’un temps de silence, pour le remercier de sa bonté en me permettant de voir tant de belles choses. »
 

 « II est bon d’attendre en silence le secours de l’Eternel. » (Lamentations 3.26)

 

 

Apprendre et progresser avec les autres

Bien qu’il n’y ait pas de modèle unique pour vivre le temps de silence devant Dieu, on peut « apprendre à rester en silence pour éviter le piège de la conversation avec Dieu à sens unique dans laquelle je lui parle et ne prends pas le temps d’attendre sa réponse. » « Les différents types de rencontres de prière, avec des styles différents, proposés par l’Eglise sont source d’enrichissement mutuel. » Cela peut aider à surmonter la tendance à être « souvent plus dans la demande que dans la reconnaissance et la louange ! »

 

L’une des démarches les plus intéressantes est « en partant d’un texte biblique, le laisser agir dans mon être intérieur et noter les pensées qui me viennent à l’esprit. Cela m’est plus facile de le faire avec deux ou trois personnes proches en se donnant un cadre de lieu et de temps limité pour éviter le vagabondage des pensées. »
 

« L’Eternel est dans son saint temple. Que toute la terre fasse silence devant lui ! » (Habakuk 2.20)

 

 

Ne pas s’égarer

Avec l’intérêt renouvelé que connaît la spiritualité contemplative, il me semble utile de rappeler que méditer dans le silence n’est pas une pratique exclusivement chrétienne. Les religions orientales en particulier l’utilisent activement : méditation zen, position du lotus, incantations, etc. Il faut donc rappeler des caractéristiques de la méditation chrétienne :
 

  • elle est écoute de quelqu’un – Dieu – et non une vacuité ouverte à toute influence
  • c’est une écoute qui doit être alimentée par un arrière-plan de lectures bibliques
  • le fruit de ces temps d’écoute doit être éprouvé quant à sa conformité selon le principe de l’analogie de la foi.

 

M.R.


NOTE

 

1. : Je tiens à exprimer ma reconnaissance aux frères et sœurs de l’Eglise « La Bonne Nouvelle » de Strasbourg qui ont accepté de répondre à ma sollicitation et se sont exprimés sur ce thème pour parler de leur vécu personnel.