Jeunes en mal d’être

 generation-JEUNES

 

par Matthew Glock1


 

 

Qui sont ces jeunes en face de nous et comment leur transmettre la foi que nous avons reçue ? On ne trouve pas la réponse dans un nouveau style d’étude biblique ou dans un appel à plus de consécration. Certes ces choses sont importantes, mais nous avons besoin d’aller beaucoup plus loin. Les mutations qui se dessinent devant nos yeux ne sont pas simplement une question de génération. Non, nous sommes en train de vivre un changement d’époque. Les sociologues et les A philosophes en sont conscients, nos jeunes aussi. Si nous voulons les aider nous devons y penser.

 

 

« L’époque n’est pas sans intérêt. En tout cas pour ceux qui s’amusent à en observer les convulsions. » Nous vivons dans un temps de profondes mutations où les valeurs d’un âge s’effondrent et où d’autres valeurs essayent de leur prendre la place. Le sociologue par vocation se trouve dans une position d’observateur. Il a le droit de « s’amuser ».

 

Les responsables de nos Eglises et surtout ceux qui ont un ministère auprès des jeunes considèrent ces convulsions avec un autre regard.

 

 

Qui sont ces jeunes ?

 

J’ai choisi de souligner trois valeurs qu’on trouve chez les jeunes d’aujourd’hui.

 

1. Ils baignent dans le pluralisme et la tolérance.

 

Chacun a sa vérité et nous n’avons pas le droit d’imposer notre vérité à une autre personne.

 

2. Ils se méfient de tout système de pouvoir.

 

Les institutions séculières ou religieuses sont toutes suspectes. Cette attitude suit logiquement la première. Si nous acceptons que toute croyance individuelle est valable, toute institution qui cherche à exercer une hégémonie sur les autres est à éviter.

 

3. Ils désirent se trouver dans une communauté authentique.

 

Même s’ils pensent que tout le monde a le droit de croire ce qu’il veut, ils ont besoin que quelqu’un valide leurs propres croyances. Ils cherchent une tribu, un endroit où ils se sentent « chez eux ».

 

On aimerait bien croire que cette analyse s’applique à ceux qui sont en dehors de nos communautés. Malheureusement ce n’est pas le cas. Pour le meilleur ou pour le pire, le monde est comme ça aujourd’hui. Le choix d’épouser ces valeurs trouve une partie de sa raison dans la réaction contre la rigidité de la pensée moderne, l’intolérance des institutions et les excès de l’individualisme. Si au lieu de lutter contre ces valeurs, nous les acceptons comme une réalité, elles peuvent être utiles pour l’annonce de l’Evangile.

 

Le pluralisme et la tolérance cherchent à rectifier les attitudes de la suprématie de certaines idées et l’assurance qu’un groupe détient la connaissance de la vérité. Certes il y a des dangers. Mais si nous gardons un langage qui est contre tout, nous risquons de perdre toute possibilité de dialogue.

 

Je pense aux paroles de Jésus quand il dit : « Venez à moi, vous tous qui êtes accablés sous le poids d’un lourd fardeau, et je vous donnerai du repos ». (Mt 11.28). Il nous offre le repos et non pas le jugement. Nous devons faire la même chose. La vérité se trouve dans une relation avec Jésus-Christ. Peut-être que ce serait mieux de dire « nous connaissons Jésus-Christ » au lieu de dire « nous connaissons la vérité » ?

 

Concernant la méfiance de tout système de pouvoir, je trouve cette attitude très rafraîchissante. C’était celle de Jésus-Christ. Tout au long de son ministère, il a lutté contre le contrôle des pharisiens sur le peuple juif. Il a aussi montré une autre manière de servir. Matthieu nous rappelle ce que le prophète Esaïe a écrit : « Voici mon serviteur, dit Dieu, celui que j’ai choisi, celui qui j’aime et qui fait ma joie. Je ferai reposer mon Esprit sur lui et il annoncera la justice aux nations. Il ne cherchera pas querelle, il n’élèvera pas le ton. On n’entendra pas sa voix dans les rues. Il ne brisera pas le roseau qui se ploie, et il n’éteindra pas la lampe dont la mèche fume encore. Il agira encore, jusqu’à ce qu’il ait assuré le triomphe de la justice. Tous les peuples mettront leur espoir en lui » (Matt. 12,18-21). Là encore nous devons suivre son exemple.

 

La recherche d’une tribu est la conséquence logique de l’excès d’individualisme du 20e siècle. Personne n’est capable d’être autonome et suffisant en lui-même. Les grandes institutions ne donnent pas une identité. Mais je me sens bien dans mon clan, ma tribu. Cette valeur est proche de la réalité du caractère communautaire de l’Eglise.

 

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Ci-dessus, je vous ai donné quelques pistes de réflexion. Certainement il faudra des livres, des conférences et d’autres formes de réflexion afin de baliser le terrain devant nous. Pour conclure j’ajoute deux remarques qui concernent nos jeunes.

 

Premièrement si nos jeunes tiennent à ces trois valeurs, il n’y a n’en d’étonnant qu’ils quittent nos Eglises aussi rapidement qu’ils le peuvent. Je suis certain que beaucoup parmi eux désirent fortement vivre leur foi d’une manière réelle et cohérente auprès de leurs amis.

 

La difficulté est qu’ils n’appartiennent pas à une Eglise dont ils peuvent être fiers.

 

 

Deuxièmement nous avons besoin de repenser la manière dont nous travaillons avec nos jeunes. Ils ont besoin non seulement d’entendre qu’ils sont l’Eglise de demain, mais de le voir et de l’expérimenter. Il y a quelques semaines, j’ai discuté avec deux jeunes en terminale. Je leur ai demandé : « Est-ce que vous pensez que notre Eglise peut s’adapter pour donner une place pour les jeunes et faire des cultes répondant à vos besoins ? » La réponse était : « Non. Car si les responsables voulaient vraiment faire cela, ils l’auraient fait depuis longtemps. »

 

 

Est-ce que nous avons confiance dans la capacité de Jésus-Christ par son Esprit Saint de nous saisir et nous changer profondément et de faire la même chose chez nos jeunes ?

 

– Est-ce que nous croyons qu’il va leur donner la capacité d’incarner la réalité de leur foi au sein de leur culture ?

 

– Est-ce que nous avons le courage d’aimer nos jeunes comme nous-mêmes ?

 

– C’est-à-dire de leur donner la place et les moyens de vivre la foi que Dieu leur donne auprès de leur génération et dans nos Eglises ?

 

M.G.

 


 Note

 

 

1. : Matthew travaille parmi les jeunes et les étudiants à Grenoble.