Berger, ancien, pasteur.  Une affaire de vocabulaire ?

 

disciples

par Jean-Pierre BORY

 

 

 

Berger ou pasteur ?

 

 

Le passage d’une langue à l’autre n’est pas toujours simple. Une lecture intelligente n’est jamais automatique. L’usage du terme « pasteur », au sens sociologique moderne (le responsable d’une Eglise) est très rare dans le Nouveau Testament. Le mot poïmèn signifie dans son sens premier et le plus commun : « berger », celui qui prend soin, nourrit, protège, soigne, conduit les brebis de son troupeau (ex.: Luc 2.8 ; Jn 10.2).

 

Une seule fois (sur 18 emplois dans le N.T.) le mot poïmèn est employé avec le sens figuré de « berger de l’Eglise » (pasteur) en Ep 4.11. Et le verbe correspondant à ce nom : ‘ poïmaïno (paître, faire paître), utilisé 11 fois dans le N.T, ne l’est que 3 fois dans le sens de « faire paître l’Eglise », c’est-à-dire exercer le ministère de pasteur de l’Eglise (Jn 21.16; Ac 20.28 ; 1 Pi 5.2), Plusieurs fois Jésus se présente comme Berger de ses brebis (Jn 10; 1 Pi 2.25 ; Hb 13.20).

 

On ne peut donc pas dire que le terme de « pasteur » ait été couramment utilisé dans les premières Eglises pour désigner leurs responsables !

 

Pourtant le verbe poïmaïno illustre bien la tâche des « pasteurs » de l’Eglise : comme le font les bergers pour leur troupeaux, les pasteurs doivent « nourrir » les membres de l’Eglise (alimenter leur esprit, les enseigner), les avertir s’ils s’écartent spirituellement du Bon Berger, les exhorter, les encourager s’ils sont fatigués, les soigner s’ils sont blessés dans leur cœur ou leur âme, les protéger s’ils sont agressés par des doctrines erronées…

 

« Pasteur », dans son emploi néo-testamentaire n’est jamais un grade, ni un titre ; le pastorat décrit un ensemble de démarches diverses, toutes nécessaires au développement, à la sécurité, au bien-être des membres de l’Eglise. Ces démarches requièrent des qualités particulières, et nombreuses, qui se trouvent rarement toutes chez une même personne ! C’est probablement pourquoi, les épîtres, quand elles parlent des anciens utilisent toujours le pluriel1 : les Eglises pauliniennes avaient toutes plusieurs anciens chargés du ministère pastoral, plusieurs « bergers ». Le principe d’une responsabilité collégiale de l’Eglise est absolument biblique !

 

 

Ancien

 

En Israël, les anciens dirigeaient le peuple, rendaient la justice (Dt 22.15 ; Jos 20.4), et cette fonc-tion se maintint même sous la royauté (1 R 8.3). C’étaient des sortes de magistrats au rôle à la fois civil et religieux. La fonction a survécu à l’exil (Esd 10.8) et jusqu’au temps de Jésus (Mt 26.3).

 

Tout naturellement, les responsables de la nouvelle Eglise furent appelés de ce titre (presbuteros : Ac 11.30) ; ce groupe de responsables subsistait à côté de celui des disciples-apôtres (Ac 16.4). Et Paul en fit nommer dans les nouvelles Eglises (Ac 14.23).

 

Leur rôle est précisément celui de bergers (pasteurs) : Ac 20.28 et 1 Pi 5.1-2. Ils sont aussi appelés « évêques » (« ceux qui veillent sur » : Ac 20.28), « dirigeants » (1 Tm 5.17) et « conducteurs » (Hb 13.7,17,24).

 

Le terme «ancien» rappelle la dignité de l’office, le rôle « judiciaire » qu’il a à exercer dans l’Eglise (discipline), celui « d’évêque » souligne sa responsabilité de veiller sur l’Eglise, celui de « pasteur » la charge de la nourrir et d’en prendre soin, et les termes « dirigeants » et « conducteurs » sont clairs !

 

 

N’était pas Ancien qui voulait !

 

Christ « donne » les anciens et pasteurs à l’Eglise (Ep 4.11), Dieu « établit » les fonctions de responsabilités dans l’Eglise (1 Co 12.28), le Saint-Esprit « établit » les anciens comme évêques à Ephèse (Ac 20.28). Mais comment la trinité divine, invisible et spirituelle, procède-t-elle ?

 

En accordant déjà aux croyants des dons particuliers (1 Co 12), un esprit de service (2 Co 8.16)… et en déléguant à l’Eglise la responsabilité d’observer, de « tester » et d’estimer la valeur des hommes (Ac 15.22 ; 16.2-3 ; 1 Tm 3.10), de ceux qui « aspirent » à cette responsabilité (1 Tm 3.1). Des responsables plus anciens ou expérimentés sont parfois chargés de les installer (Tt 1.5 ; Ac 14.23).

 

Et cette nomination au ministère est plusieurs fois approuvée par un vote à main levée (cheirotonéô : Ac 14.23 ; 2 Co 8.19). Parfois l’Eglise « recherche » (Ac 6.3) et « élit » directement (Ac 6.5) ceux qu’elle estime dignes de se voir déléguer une responsabilité particulière.

 

J-P.B.

 


NOTE

 

1. : A deux exceptions près : lorsqu’il s’agit de ne pas accepter d’accusation à la légère contre « un » ancien (1 Tm 5.19), et lorsque Pierre se dit ancien comme les autres (1 Pi 5.11) : mais ces deux emplois aussi suggèrent la pluralité des anciens.