Le sens de la maladie

 carre-3

par Henri BLOCHER

 

 

La maladie : pour les hommes, devant Dieu, c’est encore l’épreuve commune la plus obscure, celle qui entraîne à sa suite le plus d’énigmes décourageantes, qui fait monter vers le ciel le plus grand nombre de « pourquoi ? ». Le progrès de la science en a fait découvrir les causes prochaines, et le profit qu’en a tiré l’art de soigner a permis de lutter contre la maladie avec une certaine efficacité ; ce n’est pas pour rien qu’une bonne part de l’activité nationale se déploie aujourd’hui dans le secteur médical et paramédical. Mais sur l’origine lointaine, première, et sur la signification, les modernes ne sont pas plus avancés que les pères. L’éclairage nécessaire doit venir de plus haut. L’Ecriture – instruction divine suffisante pour l’apaisement de notre cœur et la conduite de notre vie – touche le sujet assez souvent pour qu’il vaille la peine de rassembler ses indications éparses.

 

 

La question du sens de la maladie est, évidemment, liée de façon étroite à celle de son origine1.

 

 

Sens général

 

Comme la maladie en général est conséquence du péché, elle a pour sens premier de dénoter le caractère anormal de la condition humaine présente. Elle est là pour avertir l’homme de son état mortel et pour l’inciter à désirer autre chose. Cette dissonance, ce dysfonctionnement de l’organisme est comme un voyant lumineux sur le cadran de la vie humaine, par lequel Dieu alerte l’homme en lui rappelant qu’il n’est pas dans une situation normale, que son monde est cassé, que sa nature est altérée, que cela ne va pas… La faiblesse de l’homme, sa maladie, sert à percer la baudruche de sa suffisance, et à lui enseigner combien est illusoire son autonomie. Pour la généralité des cas, la maladie est une sorte de signe de la vraie situation de l’homme.

 

 

Sens particulier

 

Dans les cas particuliers, plusieurs sens sont possibles.

 

1. La maladie peut être une mise en garde salutaire. L’envisageons-nous suffisamment ? Comme le montre l’Ecriture assez souvent, il peut y avoir dans la maladie une correction du Seigneur à ne pas mépriser. Parfois, c’est la sanction d’une simple imprudence en vertu d’une loi immanente. Dans son livre Maladie ou santé, à votre choix, le Docteur McMillan montre la sagesse des lois que Dieu a données à Israël du point de vue de l’hygiène.

 

Mais Dieu peut permettre la maladie à d’autres fins. Lesquelles ?

 

2. Le Docteur Paul Bordreuil, dans un précieux petit fascicule sur la maladie, fait de celle-ci une sauvegarde – thèse paradoxale ! Mais ne vaut-elle pas plutôt pour la souffrance ? La souffrance, en tant qu’elle éveille (ou bien davantage) la sensibilité, joue le rôle de sonnette d’alarme… La maladie, elle, n’a pas cette valeur de sauvegarde. Les pires atteintes sont celles qui ne se font pas sentir au début. Tout au plus, la crainte de la maladie, ou certaines affections bénignes, qui avertissent à propos des faiblesses du terrain, peuvent-elles jouer un rôle protecteur.

 

3. Une autre interprétation est exposée par Elihu, le plus jeune des amis de Job : la maladie a un rôle d’éducation. Cette thèse n’est pas censurée par Dieu (elle n’est pas approuvée non plus puisqu’elle ne convenait pas dans le cas de Job). On doit lui faire place. Dans le Nouveau Testament, l’écharde de Paul a bien un rôle éducatif ; elle devait l’empêcher de s’enfler d’orgueil en raison de l’excellence des révélations reçues ; elle devait lui apprendre à mourir à lui-même et à se contenter de la grâce. Cet aspect éducatif correspond sans doute souvent à l’intention de la permission divine ; c’est grâce à lui que Dieu change en bien le mal mystérieusement inclus dans ses desseins.

 

Mais gardons-nous d’imaginer un effet automatique. Vinet aurait dit : « II faut Jésus-Christ pour que les souffrances nous profitent » ! La souffrance en elle-même, qu’elle vienne de la maladie ou d’autres maux, peut aigrir aussi bien qu’adoucir. Quand la maladie a pour sens de nous façonner à l’image de Jésus-Christ, nous ne vivons ce sens que dans le combat spirituel, et par une grâce qu’il convient de demander.

 

4. La signification particulière peut être enfin la mise à l’épreuve, comme pour Job. La maladie donne l’occasion de démontrer l’authenticité de la foi, de l’amour désintéressé pour le Père Céleste devant les hommes et devant les anges. Sans doute, serons-nous bouleversés quand, passés de l’autre côté, nous verrons à quel point comptait pour les anges ce que nous faisions, vivions, sentions et disions. Il est difficile de ne pas frémir en pensant à cette maladie-épreuve dans le grand théâtre visible et invisible. Chacun se souvient de malades qui ont ainsi glorifié le Seigneur. C’est alors que le mal permis par Dieu se retourne avec le plus d’éclat, en devenant le moyen de l’amour. La maladie, entrée dans le monde à cause du péché, fournit l’occasion de la victoire qui triomphe du monde pécheur, c’est-à-dire notre foi.

 

 

Conclusion

 

Job, champion de Dieu dans l’arène invisible comme sous les yeux de ses amis, n’a jamais su le sens particulier de son affliction. Le fait nous rappelle l’incapacité où nous sommes de pénétrer les vues du Seigneur (peut-être, pour tel ou tel, Dieu permet-il la maladie dans une autre pensée encore que celles que nous avons évoquées ci-dessus ?) et le fait nous avertit de ne pas calquer notre conduite sur ce que nous croyons comprendre des plans de Dieu. Nous sommes des serviteurs : nous suivons les directives de notre Maître, nous n’avons pas à spéculer sur ses intentions plus ou moins cachées. La règle pour nous, c’est le précepte.

 

C’est pourquoi la souveraine permission de la maladie par Dieu, et le service qu’elle rend, par sa grâce, au bien, ne nous autorisent pas à nous relâcher dans la lutte contre la maladie. Elle fait partie du complexe péché-mort, qui est ennemi, elle se rattache à l’influence de l’Adversaire : Dieu nous commande de la combattre.

 

Que Dieu permette la guérison, signe de la victoire future ou, au contraire, qu’il accorde cette autre victoire qui donne à la maladie même – dans la patience, et l’humiliation, et la confiance, et l’amour -un sens de transfiguration… de toute façon, à Dieu la décision, à Dieu aussi l’issue !

H.B.

 


NOTE

 

1. : Ces lignes et celles qui suivent sont extraites d’un article paru dans la revue Ichtus. M. Blocher, dans une première partie, passait en revue les Eléments de vocabulaire biblique concernant la maladie, termes qui suggèrent la faiblesse, la souffrance et une tendance destructive conduisant à la mort ; il envisageait ensuite l’Origine de la maladie : dans la Bible, la maladie est parfois punition d’un péché particulier, quelques passages la rapportent à une action de Satan, mais « en général, (elle) fait partie du cortège du mal qui a envahi la vie humaine à la suite du péché » originel. Nous remercions M. Blocher d’avoir autorisé SERVIR à reproduire cette section de son exposé. Ceux qui désirent lire l’article dans son intégralité peuvent le faire en consultant Ichtus n°81,1979, p.2 à 9.