Le quart de sou

 argent

par Alain KITT

 

Marc 12.41-44

 

 

De tout temps l’oeuvre de Dieu a progressé grâce aux offrandes volontaires de son peuple. A l’époque de l’Ancien Testament, en plus de la dîme que chacun devait apporter au Seigneur, il y avait aussi de la place pour les dons offerts librement. Par rapport à des projets précis, les Ecritures nous rappellent que le peuple de Dieu fit parfois preuve de grande générosité.



Trop d’or !

 

Lors de la construction du tabernacle, par exemple, un très beau passage de l’Exode nous décrit la manière dont les matériaux nécessaires à l’ouvrage ont été apportés : Tous ceux dont le cœur était bien disposé et l’esprit généreux vinrent apporter à l’Eternel une offrande prélevée pour l’ouvrage de la tente de la Rencontre, pour tout son service et pour les vêtements sacrés. Les hommes vinrent aussi bien que les femmes ; quiconque avait le cœur généreux apporta une boucle, un anneau, une bague, un médaillon, toutes sortes d’objets d’or (Ex. 35.20-22).

 

 

Rien n’était insignifiant ! Beaucoup ont consacré de leur temps et de leur savoir-faire à ce projet, comme Betsaleel, rempli par Dieu d’un esprit de sagesse et de compétence pour toutes sortes d’ouvrages ; des femmes habiles ont filé du poil de chèvre et d’autres étoffes pour réaliser ce que le Seigneur avait révélé à Moïse. Et nous arrivons à cette surprenante déclaration des responsables des travaux : Le peuple apporte beaucoup plus qu’il ne faut pour exécuter l’ouvrage que l’Eternel a commandé de faire ! (Ex. 36.5). On croit rêver : il faut empêcher le peuple de donner davantage ! Plus d’un trésorier d’Eglise ou d’oeuvre serait content d’avoir un tel problème, je crois.

 

 

Une autre échelle des valeurs

 

La première mention d’un « tronc » se trouve en 2 Rois 12 et 2 Chroniques 24 : un coffre au couvercle percé d’un trou servait à recevoir l’argent apporté par le peuple pour financer les réparations nécessaires du temple, à l’époque du roi Joas. Ce coffre devait être vidé tous les jours, car on amenait de l’argent en abondance.

 

C’est sans doute un tronc du même genre dont il est question en Marc 12.41-44. Apparemment Jésus s’assit exprès en face de ce coffre pour regarder la foule qui y mettait de l’argent. Indiscrétion de sa part ? Pas du tout : n’a-t-il pas appelé plus d’une fois le temple la maison de mon Père ? Il avait donc droit de regard sur ce qu’on y amenait. Ce qui l’intéressait, pourtant, n’était pas le montant de l’offrande de chacun, mais la manière dont l’offrande était donnée. Plusieurs riches mettaient beaucoup, nous dit le texte ; et nous pouvons nous imaginer, d’après des passages comme Mt 6.2, qu’ils ne se privaient pas de faire étalage de leur générosité ! Ils aimaient que les gens sachent qu’ils donnaient beaucoup.

 

La veuve aura probablement agi tout autrement. Peut-être se sentait-elle insignifiante et indigne à côté de toute cette générosité tape-à-l’œil ? Aux yeux des disciples, qui observaient la scène avec Jésus, la somme qu’elle apportait – un quart de sou – a dû paraître risible. Mais Jésus, lui, fit ce commentaire étonnant : elle a mis plus que tous les autres.

 

 

Pourquoi ce jugement qui va à l’encontre de nos idées courantes sur la générosité, selon lesquelles plus on donne, mieux cela vaut ? Nous entendons parfois des appels d’argent qui insistent sur l’importance de donner beaucoup, et nous voyons des donateurs félicités selon le montant de leur don. Ce qui compte pour le Seigneur, ce n’est pas tellement combien on donne, c’est plutôt comment on donne.

 

 

Un état d’esprit

 

Jésus regardait le cœur des donateurs, leurs véritables motivations. Les riches qui mettaient de grosses sommes pouvaient espérer être considérés comme des hommes exemplaires. Mais ils ne prenaient pas de risque : c’est de leur superflu qu’ils donnaient, savait Jésus. Ils auraient donc pu donner encore davantage sans que cela affecte de façon significative leur niveau de vie ; ils ne donnaient que ce dont ils n’avaient pas besoin.

 

 

Le risque du don

 

Mais en ce qui concerne la veuve il en était tout autrement ; elle avait fait un acte déraisonnable : elle avait mis de son nécessaire, tout ce qu’elle avait pour vivre. Et quelle récompense pouvait-elle espérer ? Pas l’admiration des foules, en tout cas : elle passait probablement inaperçue, et on se moquait peut-être de sa pauvre obole. Elle n’avait certainement pas la moindre idée que son geste était observé par l’homme assis en face du tronc, et encore moins que c’est elle, plutôt que les riches, qui serait citée comme exemple de ce qu’est la véritable générosité ! Ce qu’elle faisait, elle le faisait pour Dieu, et elle n’avait pas besoin d’autre récompense que son approbation. Nous pourrions dire qu’elle faisait partie de ces vraies veuves dont parlerait plus tard l’apôtre Paul, celles qui mettent leur espérance en Dieu, qui secourent les malheureux et qui recherchent toute œuvre bonne (1 Tm 5.5 ).

 

 

A nous de conclure

 

La remarque du Seigneur au sujet de cette pauvre veuve doit nous amener à réfléchir à ce que nous donnons et à notre manière de le faire. La question que nous devrions nous poser n’est peut-être pas tellement : « combien donnons-nous ? » mais « combien gardons-nous pour nous-mêmes ? » Dans sa deuxième lettre aux Corinthiens, l’apôtre Paul cite l’exemple des chrétiens de Macédoine, qui ont donné au-delà de leurs possibilités (2 Co. 8.3). Ils étaient pauvres, mais ont demandé avec insistance qu’on leur permette de participer à la collecte organisée en faveur des chrétiens démunis de Jérusalem ! Pour eux, donner, même dans leur pauvreté, n’était ni une corvée, ni un devoir : c’était un privilège, et ils étaient heureux de le faire.

 

Dans ce même passage de 2 Corinthiens, Paul écrit qu’il ne s’agit pas de nous exposer à la détresse pour venir en aide aux autres ; ce qui nous est demandé, c’est d’être généreux avec ce que nous avons, que ce soit peu ou beaucoup. La véritable générosité ne se calcule pas en fonction des moyens, mais selon l’état de notre cœur. Si jamais vous avez pu participer à l’action « Marmites » de l’Armée du Salut à l’approche de Noël, vous aurez peut-être remarqué que ceux qui ont des moyens modestes sont souvent les plus sensibles aux besoins des autres, et les plus prompts à vouloir y mettre quelque chose.

 

Examinons donc notre cœur à la lumière de ce petit incident au temple. Soyons heureux que ce soit la pauvre veuve qui ait été approuvée par le Seigneur. S’il avait cité comme exemples d’hommes généreux les riches qui donnaient beaucoup, nous serions peut-être découragés. Mais du fait que c’est la pauvre veuve, nous pouvons tous, riches et pauvres, donner selon nos moyens en attendant seulement la récompense de notre Père céleste qui voit dans le secret des cœurs.

 

A.K.