Qu’est-ce que la bioéthique ? 

 Question

par Alain LOMBET1

 

 

 

La bioéthique est la morale de la biologie humaine. Elle a pour objet la relation de l’âme vivante avec l’environnement.

 

 

Une éthique humaine

 

 

Quatre siècles avant Jésus-Christ, Hippocrate, un médecin grec, avait proposé plusieurs règles en vue d’établir une morale juste dans le domaine qui le concernait : elles sont à l’origine du serment que prêtent encore aujourd’hui les médecins.

 

Une des règles était de « ne pas nuire » au patient (ce qui pendant plus de 2000 ans a interdit l’avortement et l’euthanasie).

 

Une autre précisait qu’il fallait faire plus : « chercher le bien du patient » car « le salut du malade est le sommet de la loi ».

 

Par exemple, celui qui regarde un aveugle traverser une rue passante ne lui fait aucun mal : il a respecté le premier principe ; mais il a enfreint le second car il n’a pas cherché le bien de l’aveugle en l’aidant à traverser sain et sauf le flot des voitures.

 

Jochum Douma2 ajoute deux autres principes : L’autonomie. la liberté du patient (par exemple la liberté pour un patient de refuser un traitement), ainsi que la justice.

 

 

Paradoxes

 

Ces quelques principes fondamentaux ne sont pas toujours conciliables :

 

– En vue de faire du bien à son patient, de sauver sa vie, un chirurgien lui fera mal en l’opérant (nuira à son bien-être).

 

– La justice voudrait que tous les patients soient soignés équitablement, mais devant la pénurie de greffons, le médecin est nécessairement amené à choisir de sauver certains patients aux dépens d’autres qui mourront.

 

Le principe d’équité, la liberté de vivre, ne peuvent pas être respectés dans tous les cas. Médecins et infirmières témoignent de leur désarroi devant ces choix inéluctables, des choix difficiles.

 

Les chercheurs sont aussi devant des choix, des dilemmes ; et ils ne sont pas toujours préparés à y faire face. Il en est de même de chacun d’entre nous qui peut-être un jour serons confrontés à ces questions. Des réponses préétablies n’existent pas et il faut alors agir avec discernement en sollicitant l’aide et le conseil de Dieu dans chaque cas particulier.

 

« C’est d’abord une double rigueur, la rigueur glacée de la science, la rigueur glacée de la morale. Mais c’est aussi alliées à ces rigueurs, la chaleur, la profondeur d’une discipline tout entière inspirée par l’espoir de limiter cette souffrance humaine toujours présente autour des questions posées, tout entière inspirée par l’amour du prochain. » (Pr. Jean BERNARD3).

 

La Bible n’évoque que très partiellement les problèmes de notre société contemporaine, mais elle peut nous guider à rechercher la volonté de Dieu dans les différentes situations où l’éthique chrétienne doit s’affirmer (1 Co 6.12 ; 10.23 : Tout m’est permis, dites-vous. Certes, mais tout n’est pas bon pour moi. Tout m’est permis, c’est vrai, mais je ne veux pas me placer sous un esclavage.)

 

 

Une course en avant

 

 

 

 

Voici quelques étapes de ce progrès fulgurant du pouvoir biologique :

 

  • A partir de 1937, c’est la révolution thérapeutique avec l’apparition des sulfamides puis des antibiotiques. La médecine devient curative.

 

  • A partir des années soixante, la révolution biologique naît avec le concept de pathologie moléculaire.

 

  • En 1962, Watson, Crick et Wilkins reçoivent le prix Nobel de médecine pour la découverte de la structure en double hélice de l’ADN établie en 1953.

 

  • En 1980, le prix Nobel de chimie est attribué à Berg, Guilbert et Sanger (déjà élu en 1958) pour leurs travaux sur le séquençage rapide de l’ADN et l’introduction des méthodes de génie génétique (publiées en 1977).

 

  • En 1992, D. Cohen (grâce au Généthon), tout le génome humain est découpé et mis en morceaux dans des levures pour être séquence.

 

  • En 1994, cartographie précise du génome humain et séquençage en cours.

 

  • Fin 1999, séquençage complet du chromosome humain 22, et en mai 2000, c’était le tour du chromosome 21.

 

  • Actuellement, 25% du génome humain est déjà séquence. On espère décrypter les 75% restant d’ici 3 à 4 ans.

 

 

 

 

 

Jusqu’en 1937, la médecine était essentiellement empirique avec seulement quelques vaccins d’usage préventif. Mais depuis une soixantaine d’années, la recherche médicale a fait un bond en avant. A tel point que la réflexion morale n’a pas toujours suivi.Le pouvoir croissant de la science médicale nécessitait une réflexion morale particulière que l’on désigne par ce néologisme : bioéthique.

 

 

La réflexion en bioéthique

 

 

 

 

  • En 1971, la modification des gènes du colibacille conduit au colloque d’Asilomar (USA) en 1974 où l’on réfléchit sur le génie génétique. On décide alors un moratoire, c’est-à-dire un délai de réflexion que l’on s’accorde avant de continuer ce type de recherches.


C’est la première prise de conscience publique du pouvoir biologique.

 

  • En 1976, le 1er congrès du Mouvement International de la Responsabilité Scientifique se tient à Paris.

 

  • En 1983, le Comité Consultatif National d’Ethique (CCNE) français est institué.

 

  • En 1992, est déposé un projet de loi sur la bioéthique : 1ère tentative de législation.

     

    • En juillet 1994, on adopte la loi relative au respect du corps humain, dons d’organes, à la Procréation Médicalement Assistée (PMA) et au diagnostic prénatal.

 

 

 

 

 

Une législation nouvelle

 

 

A) Loi relative au respect du corps humain

 

 

 

Loi n° 94-653 du 29 juillet 1994 (J.O. du 30/07194)

 

 

 

Cette loi concerne :

 

 

 

1) Les principes de la primauté de la personne, l’indisponibilité et l’intégrité du corps humain.

 

 

 

2) Les études génétiques des caractéristiques d’une personne.

 

 

 

3) La protection de la filiation en cas de procréation médicalement assistée avec tiers donneur (IAD).

 

 

 

4) Les infractions relatives à la protection du corps humain et de l’embryon humain.

 

 

 

Elle répond aux questions posées par l’accès à l’hérédité individuelle.

 

 

 

B) Loi relative au don et à l’utilisation des éléments et produits du corps humain, à l’assistance médicale à la procréation et au diagnostic prénatal

 

 

 

Loi n° 94-654 du 29 juillet 1994 (J.O. du 30/07/99)

 

 

 

Cette loi concerne :

 

 

 

1) Le principe du don d’éléments et de produits du corps humain anonyme et gratuit.

 

 

 

2) Le don d’organes par une personne vivante.

 

 

 

3) Le prélèvement d’organes sur une personne décédée à des fins thérapeutiques ou scientifiques.

 

 

 

4) L’assistance médicale à la procréation.

 

 

 

5) Le diagnostic préimplantatoire.

 

 

 

6) Les sanctions pénales et administratives relatives à l’utilisation des éléments et produits du corps humain.

 

 

 

7) Les missions du CCNE. Elle répond aux questions posées par les dons d’organes et la procréation médicalement assistée.

 

 

 

En 1995, projet d’amendement à la Constitution : « Chaque être humain a droit à la protection de sa vie, du commencement de celle-ci jusqu’à sa fin naturelle ». Actuellement, en automne 2000, une révision des lois sur la bioéthique devrait être engagée par le parlement.

 

 

 

La législation mise en place pour donner un cadre juridique à la réflexion issue de la bioéthique fait de la France un pays précurseur dans ce domaine.

 

 

A.L.

 


 NOTES

 

1.  Alain LOMBET, chercheur en biologie à l’hôpital Saint-Antoine à Paris, ancien de l’Eglise du CEP à Saint-Maur.

 

2. Jochum douma (professeur d’éthique à Kampen, Pays-Bas) : « Les principes qui gouvernent les choix en bioéthique », dans La Revue Réformée (N°187, mars 1995), p.6ss.

 

3. Jean BERNARD, Préambule, De la biologie à l’Ethique (Buchet/Chastel, 1990). Il fut président du Comité Consultatif National d’Éthique (CCNE) des sciences de la vie et de la santé de 1983 à 1992.