Le Christ inconnu

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par Gaston RACINE

 

 

Gaston Racine a été un fidèle collaborateur de Marc Ernst pendant de très nombreuses années. Sous la rubrique « Vie chrétienne », SERVIR a publié régulièrement ses articles. Celui que nous publions aujourd’hui a paru dans le numéro de Janvier 1956. Quarante ans après, le message n’a rien perdu de son actualité. Il fut suivi d’une série qui constitue aujourd’hui le livre « Le Christ Inconnu », disponible en librairie.

 

Au seuil de l’An nouveau, le vœu ardent de notre cœur est que Dieu fasse de tous les abonnés à ce journal des hommes et des femmes qui non seulement lisent, mais servent véritablement le Seigneur en L’attendant.

 

Nous demandons à Dieu que cette nouvelle série d’articles ait pour résultat de faire redécouvrir à nos lecteurs, pour leur salut, le vrai visage du Christ, que Dieu a établi juge des vivants et des morts et devant qui tous, tôt ou tard, nous devrons comparaître (Ac 10.42 ; 2 Co 5.10).

 

Les hommes aujourd’hui sont dans l’attente. Nous n’essayerons pas d’analyser longuement cette attente, car si elle est universelle, elle varie à l’infini dans son objet. Pour les uns, nous allons inévitablement au devant d’une nouvelle guerre plus effroyable que les précédentes. Si toutefois ce terrible cataclysme n’était pas déclenché cette année, d’aucuns prévoient de nouvelles révolutions, de nouveaux troubles à l’intérieur des nations.

 

D’autres, plus optimistes, attendent fermement la paix, cette paix durable qui doit donner au monde une ère de prospérité, grâce à la mise en commun de toutes les ressources des peuples et à l’emploi des dernières inventions utilisées à des fins pacifiques.

 

A l’apogée de la civilisation, le monde anxieux et angoissé ne verra-t-il pas surgir soudainement un homme, un surhomme capable de faire entendre raison aux hommes et d’unir tous les chefs des peuples dans une seule et même pensée ? (Ap 13 et 17).

 

Parmi les chrétiens, un nombre toujours croissant d’âmes vivent dans l’attente d’un grand réveil religieux. Pour y tendre et le voir éclater, on organise de plus en plus l’oeuvre de Dieu. On sort des chemins battus. Des méthodes de travail nouvelles et hardies, des moyens financiers importants sont employés pour faire connaître et triompher l’Evangile. Ainsi l’on voit surgir des techniciens du réveil, de l’évangélisation des masses, des spécialistes de la prière qui créent un peu partout des « cellules de prière », qui mettent au point des « chaînes de prière », persuadés qu’une fois le mécanisme mis en marche, inévitablement nous aurons des résultats proportionnés aux efforts accomplis et à l’argent dépensé pour la cause par excellence.

 

Pour les uns, le réveil sera avant tout la réalisation de la grande espérance œcuménique, l’unité des églises ; pour les autres, une extraordinaire moisson d’âmes, des conversions en masse sans précédent dans les annales du monde. N’entendons-nous pas dire que « nous vivons l’heure la plus passionnante de l’histoire de l’église, l’âge d’or de l’évangélisation » ?

 

Ainsi, on multiplie les rencontres religieuses pour donner au réveil l’occasion de se manifester, soit par l’unité tant souhaitée des chrétiens entre eux, soit par de nombreuses conversions d’âmes perdues.

 

N’est-ce pas au cours de telles manifestations ou comme résultat de nos efforts sincères, que l’Esprit de Dieu soufflera soudain avec puissance ?

 

Pourtant, partout, après ces grandes heures d’émotions religieuses, après l’euphorie spirituelle du moment, à l’exception d’un tout petit nombre, les hommes restent étrangement les mêmes, et la croix dans la vie est plus prêchée que réalisée.

 

D’autre part, à moins de vivre dans l’illusion et de vouloir rester à la surface des choses, nous devons constater que nous n’atteignons pas le peuple déchristianisé de nos villes et de nos campagnes, et que, malgré notre propagande et nos moyens publicitaires, nous ne jouissons pas, comme l’église primitive, de la faveur de tout le peuple (Ac 2.47) qui est beaucoup plus attiré par les doctrines matérialistes que par nos prédications, qu’elles tombent des lèvres de libéraux ou de fondamentalistes.

 

Si nous voulons courir, il faut connaître le but ; si nous voulons combattre, non comme battant l’air (1 Co 9.24-27), il est temps de nous arrêter pour suivre l’exhortation divine : « considérez bien vos voies ! » (Ag 1.5 et ss).

 

Pour beaucoup, le réveil est devenu quelque chose d’assez spectaculaire qu’on attend pour aujourd’hui ou demain, oubliant trop hélas que le réveil, envisagé dans l’un ou l’autre de ses aspects, sanctification, unité des croyants ou conversion des pécheurs, n’est pas quelque chose, mais quelqu’un, le Christ qui est venu, qui est en nous, qui est là tout près, que nous ne saisissons pas, ou que nous ne voulons pas connaître comme II est.

 

Le réveil, c’est Jésus pris au sérieux, c’est Jésus cru et obéi à la lettre, parce qu’aimé d’un grand amour. Il ne s’agit pas de savoir qui nous le fera venir d’Amérique ou d’Afrique, de l’Inde ou du Tibet, ni même qui nous le fera descendre des cieux, car II est descendu.

 

Jésus n’est pas à des hauteurs inaccessibles. Il est plus bas que nous, et si nous ne Le voyons plus, c’est que nous sommes montés trop haut. C’est avec les petits, les humbles, les pauvres, les affamés, les sans-logis, les malades, les prisonniers que Jésus est encore (Es 61.1-3).

 

Nous n’en sommes plus au temps où Job pouvait crier : « Oh ! si je pouvais Le trouver et parvenir là où II est assis ! » (Job 23.3). Ni aux jours d’Esaïe qui disait : « Oh ! si Tu fendais les cieux ! si Tu voulais descendre ! » (Es 64.1).

 

Il est venu ! Emmanuel est descendu ! Depuis si longtemps. Dieu est avec nous, mais, comme Philippe, nous ne L’avons pas connu ! (Jn 14.9).

 

Par les Saintes Ecritures, nous entendons Ses paroles, nous conservons Sa doctrine, mais Sa personne, nous avons appris davantage à La contempler dans la gloire par la foi, qu’à La voir vivre au milieu des hommes de ce siècle.

 

Nous employons la foi pour nous ouvrir une fenêtre au ciel, pour nous créer une vision Imaginative de notre Dieu, pour nous évader à certaines heures de la terre et nous croire déjà dans la gloire. Toute contemplation, toute extase qui n’est pas suivie d’une action parmi les hommes est une séduction. Les heures passées sur les sommets nous sont données pour mieux travailler dans les vallées.

 

La foi qui nous a sauvés en nous amenant à accepter la grâce de Dieu, ne devrait-elle pas aujourd’hui nous servir davantage à découvrir le vrai visage du Christ, tel qu’il se manifeste encore sur la terre, ce Christ inconnu de la grande majorité des hommes qui se réclament pourtant de Son nom ?

 

Ami lecteur, êtes-vous chrétien ?

 

Dieu seul connaît ceux qui sont Siens (2 Tm 2.19). Il ne juge pas aux apparences, ni à l’étiquette religieuse, mais au cœur (I S 15.7).

 

Il ne nous a pas chargés d’écrire ces lignes pour vous juger. La Parole que vous connaissez est votre juge et c’est elle qui vous jugera au dernier jour (Jn 12.48). Il nous pousse à vous rappeler simplement que bientôt, vous qui portez le nom de chrétien, vous allez rencontrer votre Dieu, comme devront Le rencontrer aussi, le Juif, le musulman et le bouddhiste, car pour tous les peuples, nations et langues, il n’existe qu’un seul Dieu, Seigneur des croyants, des athées, des déistes, des panthéistes, des catholiques, des orthodoxes, des protestants libéraux ou fondamentalistes. Son nom est Jésus, nom que Dieu a élevé au-dessus de tout nom, afin qu’au nom de Jésus se ploie tout genou des êtres célestes, terrestres ou infernaux et que toute langue confesse que Jésus-Christ est Seigneur, à la gloire de Dieu le Père (Ph 2.9-11).

 

Le Dieu que nous allons tous rencontrer a été manifesté en chair, II s’est révélé en Jésus-Christ. C’est pourquoi « Dieu ordonne maintenant aux hommes que tous, en tous lieux, se repentent, parce qu’il a établi un jour auquel II doit juger en justice la terre habitée, par l’Homme qu’il a destiné à cela, de quoi II a donné une preuve certaine à tous, l’ayant ressuscité d’entre les morts » (Ac 17.30-31).

 

Ainsi, l’Evangile nous révèle que Celui qui a été établi juge de tous est un homme, un être qui a vécu sur la terre et qui sait tout de la vie humaine, qui connaît tous les secrets des hommes, leurs pensées, leurs paroles et leurs voies, leurs mobiles et leurs intentions (1 Co 4.5).

 

Qu’adviendrait-il de nous si, à notre grande surprise, nous devions l’entendre nous dire comme II le dira un jour aux nations rassemblées devant Lui pour le jugement (Mt 25.31-46) :

 

« J’ai eu faim et vous ne m’avez pas donné à manger ? »

 

Notre réponse ne serait-elle pas identique à celle des âmes rassemblées à Sa gauche : « Seigneur, quand T’avons-nous vu avoir faim… et ne T’avons-nous pas servi ? »

 

Nous sommes chrétiens ! Avec Christ depuis si longtemps, et nous ne L’avons pas encore vu !…

 

Lecteur, à l’aurore de la nouvelle année, où regardes-tu ?

 

Dieu veuille que dans les jours qui viennent, tu découvres le visage de Son Fils dans ta propre maison, dans les rues de ta ville, dans ton bureau, dans ton usine, dans ton école, dans tes champs, dans ce prochain que tu vois tous les jours et qui est ton frère.

 

C’est là qu’il est, tout près de toi, et qu’il a faim, faim de ton amour !

 

G.R.