Temoignage

 

Comment je suis devenu éducateur

 

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par Marc BUCKENHAM

 

 

 

 

J’avais 19 ans et j’allais passer mon baccalauréat. La vie se déroulait plutôt agréablement : je m’entendais bien avec ma famille, j’avais de bons camarades au lycée. Entre les Centres Aérés où je travaillais et les cours d’anglais que je donnais, j’avais assez d’argent de poche. A l’église j’avais trouvé ma place et je m’occupais du groupe de jeunes. Et enfin depuis quelques mois j’étais amoureux… Je regardais l’avenir avec optimisme !

 

Il y avait cependant un domaine où je m’interrogeais : Quel avenir professionnel ? Quelles études, pour quel métier ? Je n’avais pas d’idée bien précise sur ce que je voulais faire…

 

Quelques dix-huit ans plus tard, je suis éducateur, chef de service. Comment s’est opéré ce choix ?

 

Mon enfance a été sans doute l’un des éléments déterminants dans mon cheminement. Jusqu’à l’âge de 15 ans, j’ai grandi dans la maison d’enfants que dirigeaient mes parents. Aussi loin que remontent mes souvenirs, j’ai toujours été entouré d’enfants, de jeunes, et d’adultes plus ou moins en difficulté. J’ai pu connaître de grands moments de bonheur et de joie dans cette maison pleine de rires, de voix, de vie ! J’aimais cette force que nous avions entre nous, cette connivence lors des soirées, des jeux, des promenades, des activités en commun.

 

J’ai aussi ressenti des aspects plus difficiles. Je me souviens par exemple de mon frère qui avait, lui, du mal à partager ses parents ! Et je ne suis pas près d’oublier cet été 1973 où mes parents, sans doute épuisés, sont tombés malades tous les deux, et où j’ai cru pendant plusieurs semaines perdre mon père. Comment, à l’âge de 15 ans, ne pas remettre en cause l’engagement professionnel quand celui-ci conduit à un tel état de fatigue ?

 

Malgré tout, ce que je retiens de ces 15 ans, c’est d’avoir vu des enfants et des jeunes arriver à la maison avec des besoins affectifs et psychologiques à combler. J’ai été témoin de l’amour, du soutien apportés, j’ai ressenti la chaleur et l’ambiance de la maison. Je vivais Matthieu 25. 34 à 46 : « J’ai eu faim et… ». J’ai aussi ressenti ce plaisir, ce bien-être qu’il y a à aider, à donner de ce que l’on est.

 

Plus tard, j’ai été animateur de jeunes dans l’église, animateur en Centre de Vacances et en Centre Aéré. J’ai apprécié ces expériences et j’ai compris que je pouvais être utile. Cela a sans doute constitué un pas de plus vers un travail social. A cette époque-là je me promettais malgré tout de ne jamais faire comme mes parents !

 

Mon bac en poche, il fallait choisir I une orientation. Mes idées étaient encore floues : pourquoi pas instituteur – orthophoniste – éducateur – infirmier ? Bien sûr, vous l’aurez remarqué, ces pistes étaient quand même déjà orientées ! J’avais envie d’aider les autres et de travailler auprès d’enfants : j’aimais observer, écouter, « sentir » les choses… Et puis la vie nous guide et nous aide à faire nos choix.

 

A l’âge de 20 ans, j’ai décidé de me marier, et pour permettre à ma femme de finir ses études en attendant de commencer les miennes, j’ai postulé pour une place d’éducateur dans un foyer pour cas sociaux. Ceci m’était indispensable pour entrer en formation et je souhaitais vérifier si c’était vraiment le métier qui correspondait à mes convictions et à mes aptitudes. Ces deux années ont passé très vite, j’avais la conviction d’avoir trouvé ma voie et j’ai donc entamé ma formation d’éducateur spécialisé.

 

Le métier d’éducateur peut être un heureux métier, avec ses joies mais aussi ses peines. Si l’on souhaite appliquer le second commandement que nous donne Jésus : « Tu aimeras | ton prochain… », le champ d’action est alors très vaste et varié. Je mettrais toutefois en garde ceux qui voudraient devenir éducateurs « par défaut » : c’est un travail où l’on peut apprendre beaucoup de choses, mais où l’on a aussi et surtout besoin d’ETRE. Je crois sincèrement que l’on a besoin d’avoir en soi des dispositions pour un travail de relation où l’on montre et où l’on donne beaucoup de soi.

 

M.B.