Je suis déjà un grand !  Les 9 à 11 ans

 enfants-etoile

 

par Claire-Lise de BENOIT

 

 

L’étape des préadolescents, de neuf à onze ans, est peut-être la période la plus importante de la vie. C’est la maturité de la première phase de l’existence. L’enfant devient capable de réflexion cohérente et personnelle. Il ne connaît pas encore les problèmes de transformations physiques et psychologiques de la puberté. Le cours du fleuve est encore en amont des rapides de l’adolescence.

 

Ce que je vis maintenant est très important

 

A cet âge, l’enfant affirme de plus en plus- son indépendance, mais il continue à avoir besoin de la compréhension et de l’affection de l’adulte. Il lui faut un guide qui l’aide à bien gérer sa liberté grandissante et qui sache susciter sa participation active. Ainsi se créera en lui le sentiment d’être accepté. Il a besoin de l’être et par l’adulte et par le groupe de ses pairs ; cela lui permet d’accepter aussi les autres.

 

De l’avis d’un pédagogue : « Si quelqu’un ne peut pas trouver son identité par les voies de l’amour et du sentiment d’une valeur personnelle, il essaiera d’y parvenir en se lançant dans la délinquance et en se repliant sur lui-même, ce qui le conduira aussi à une forme d’identité : celle de l’échec. »

 

Dans la société d’abondance de l’Occident, l’enfant est trop souvent laissé à lui-même. Résultat : il se joint à d’autres copains de son âge, et ils se constituent en bandes. Celles-ci créent leurs propres lois, ce qui pour eux devient l’autorité remplaçant celle de ses parents démissionnaires. Dans les grandes villes, ils finissent par devenir les trop célèbres gangs, dangereux pour la société.

 

Les préadolescents ont besoin qu’on leur consacre du temps, individuellement aussi bien que collectivement. C’est la raison pour laquelle le camp est une meilleure formule que celle de la mission d’évangélisation, où l’on ne peut les réunir qu’une heure par jour. Lorsqu’on vit avec eux une ou plusieurs semaines, ou qu’on s’occupe d’un groupe régulier, il est possible d’apprendre à les connaître par leur nom, de trouver l’occasion de parler à chacun en particulier, de prier avec l’un ou l’autre. Beaucoup d’enfants ignorent l’enrichissement du dialogue avec un adulte, n’ayant pas d’aîné qui prenne le temps et la peine d’écouter ce qu’ils ont à dire, de s’intéresser à leurs idées, de prendre leurs questions au sérieux.

 

 

J’ai beaucoup changé

 

Rappelons l’arbitraire de l’analyse d’une tranche d’âge d’après les cinq plans choisis, ceux-ci étant étroitement liés et, à vrai dire, inséparables. Cette classification n’est qu’une aide pour mettre un peu de clarté dans la foison des observations.

 

Au lecteur de compléter ces remarques.

 

 

Plan physique

 

– C’est un temps d’arrêt de la croissance, mais d’augmentation de poids, et de grande endurance.

 

Les grands et petits muscles sont bien coordonnés, ce qui permet à l’enfant des performances sportives et manuelles parfois étonnantes. Il réagit avec promptitude et exactitude.

 

– C’est l’âge de la plus grande résistance à la maladie. Le taux de mortalité baisse environ de moitié par rapport à la période précédente.

 

L’énergie de l’enfant est quasi illimitée. Il est plus fatigant, à mon avis, de s’occuper d’un camp d’une centaine de garçons et de filles de cet âge que du double d’adolescents. Le préadolescent s’attachera à qui saura le mieux entrer dans sa vie.

 

Il aime vagabonder, aller à la découverte : c’est un vrai Robinson Crusoé. Il jouit des jeux en plein air, des aventures. Il est heureux près de la nature. Il aime rompre les conventions, d’où la joie du camping, par exemple, de la pêche. Heureux l’enfant accompagné d’adultes qui l’entraînent dans de telles activités et qui encouragent des amitiés saines avec d’autres enfants du même âge.

 

Il est très actif et curieux, prêt à se lancer sans cesse dans de nouvelles expériences. Savoir à la fois lui en donner la liberté et la possibilité, tout en limitant sagement cette liberté, est tout un art.

 

Il est audacieux, souvent téméraire, inconscient du danger ou se faisant un plaisir de le défier parce qu’il se sent sûr de lui et se fie à son adresse.

 

Le garçon de cet âge aime la bagarre, souvent pour s’amuser, mais cela peut facilement dégénérer en querelle sérieuse.

 

 

Plan émotif

 

Un équilibre heureux est atteint par l’enfant de neuf à onze ans.

 

Il n’aime pas être cajolé. Une manifestation exagérée d’affection l’irrite. Il ne se laisse pas facilement émouvoir, comme l’adolescent, par l’ambiance d’une réunion.

 

Il a besoin de s’affirmer, de se vanter, de montrer ce qu’il sait faire. Il désire se surpasser.

 

Il est impulsif. Ses réactions vives et imprévisibles ne sont pas à brimer mais à canaliser.

 

Il admet avec peine s’être trompé, avoir tort (caractéristique qu’il n’est pas le seul à posséder I). L’aider, quand cela est justifié, fait partie du mandat de la famille et des enseignants.

 

Il aime se rendre utile, organiser. Cherchons à lui confier des tâches à sa portée, à solliciter son aide ; c’est une manière de l’éduquer et de le valoriser. Il apprécie la collaboration avec l’adulte.

 

Son sens de la justice est très développé. Il exige impitoyablement la vérité. Se tromper en reprenant ou punissant le faux coupable, par exemple, porte un coup sérieux à notre autorité auprès d’un groupe de cet âge.

 

Il est enthousiaste et se passionne pour ce qui l’intéresse. A nous d’utiliser notre imagination pour élaborer des projets dans l’exécution desquels nous pourrons le guider tout en lui laissant le maximum d’initiative.

 

 

Plan mental

 

Il est capable d’une attention plus soutenue et de plus longue haleine, mais souvenons-nous que la condition principale pour le maintien en éveil de son attention est l’offre d’une variété de centres d’intérêt, passant par les trois portes d’accès à l’esprit humain, que Jésus a lui-même utilisées : l’ouïe, la vue et le toucher ou le faire (1 Jean 1.1-3).

 

La capacité de raisonner grandit. L’enfant commence à accéder au monde de la pensée et peut assimiler certaines notions abstraites. Il passe de la juxtaposition des concepts et de l’analogie : « et alors… et aussi… c’est comme… » aux raisonnements déductifs : « parce que… puisque… donc… ». C’est ainsi que nous pourrons répéter des vérités connues et en faire avec lui de nouvelles déductions et applications. Il commence à réaliser qu’un problème peut avoir plus d’une solution. Enseignons-lui à réfléchir pour comprendre. C’est très important, puisque la parole de Dieu entendue doit être comprise, dit Jésus, pour porter du fruit (Matthieu 13.23).

 

Son intérêt s’éveille pour des lieux et des gens lointains, qui ont vécu à une autre époque que la sienne, c’est-à-dire pour la géographie et l’histoire. Il devient capable d’établir une relation avec le passé et l’avenir, d’assimiler des concepts d’espace, de distance et de temps. Cela nous permet d’utiliser des cartes de géographie du Moyen-Orient et d’Israël pour situer les événements bibliques. Cette capacité est à exploiter pour créer en lui la vision et l’intérêt missionnaires.

 

Il est à l’âge d’or de la mémoire. Il s’agit de ne pas le rater. L’intérêt étant le moteur de la mémoire, le fait que la vie à cette étape de l’existence est si passionnante, explique l’extraordinaire faculté de l’enfant à retenir ce qu’il voit, entend, expérimente. Les garçons, semble-t-il, apprennent par cœur plutôt par association d’idées, et les filles par répétition.

 

C’est l’âge des collections. On prétend que 90 % des enfants de neuf à onze ans commencent une collection d’un genre ou d’un autre : timbres-poste, coquillages, œufs d’oiseaux, papillons… Ils sont en général plus préoccupés par sa grandeur que par sa qualité.

 

Il est moins crédule et devient plus critique, ce qui permet un véritable échange, un débat utile et positif. Il aime discuter, parler avec l’adulte.

 

Les histoires le passionnent toujours. Il a besoin de voir les vérités bibliques en action : cela lui permet d’en vérifier l’efficacité.

 

Il est créatif. Il aime chercher et trouver des solutions, ce qui doit nous inciter à solliciter sa participation active.

 

Il est à l’âge de la formation des habitudes. Si, avant douze ans, un enfant n’a pas développé le goût de la lecture, il ne sera pas un lecteur plus tard. D’où l’importance de lui faire prendre l’habitude d’une lecture journalière de la Bible. S’il n’a pas appris à être ordonné, ponctuel, poli, le mauvais pli sera difficile à enlever. Les habitudes contractées dans l’enfance « collent pour la vie ».

 

Il commence à comprendre le symbolisme, mais il faut l’utiliser avec circonspection, car l’enfant continue à penser d’une manière très concrète. Cherchons plutôt des illustrations, si possible tirées de la vie ou de la nature, en nous assurant qu’elles correspondent bien au point que nous voulons clarifier et qu’elles ne déforment pas la vérité.

 

Il est capable d’une autocritique, mais en général avec l’aide d’un adulte.

 

Il fait ses propres choix. Nous avons à le guider, sans nous imposer. Il réfléchit déjà souvent à son futur métier, mais ne nous étonnons pas s’il change souvent de projet. A nous de l’influencer positivement en lui rappelant que Dieu a un plan pour sa vie et qu’il peut dès maintenant lui demander de le guider dans ce choix important.

 

 

Plan social

 

Il noue facilement des amitiés. Souvent, il a un ami ou un ennemi spécial, en général du même sexe. Il est très sensible à l’opinion de ses amis, d’où l’importance d’un bon choix dans ce domaine.

 

Il découvre l’importance de respecter et d’accepter l’autre. Il peut apprendre à sacrifier un intérêt personnel pour autrui. Cherchons à développer en lui l’altruisme.

 

Il est capable d’entreprendre une activité communautaire, de participer à un projet familial ou qui concerne le groupe auquel il appartient. Sur le plan du foyer, une telle activité est précieuse pour resserrer les liens entre parents et enfants et entre frères et sœurs. Son goût d’investigation, d’exploration, de bricolage est à encourager en lui fournissant le matériel adéquat.

 

Il aime s’intégrer à une équipe et prend au sérieux les règles établies par celle-ci. Il exige qu’elles soient respectées.

 

Entre les deux sexes, c’est souvent l’antagonisme. « Les filles, c’est bête ! » « Les garçons, c’est brusque ! » Il y a rivalité de prestige et non réciprocité d’intérêts. Si des réunions mixtes à cet âge ne posent pas de problèmes, il est par contre préférable d’organiser des jeux séparés.

 

Il apprécie les jeux de compétition, surtout s’il a une chance de gagner. Dans l’enseignement, par exemple, pour répéter la leçon précédente ou vérifier ce qui a été retenu pendant un trimestre, poser des questions et noter les points sur un tableau noir ou en flanellographe. Des camps d’évangélisation ou colonies de vacances offrent de nombreuses possibilités de concours très divers, bibliques ou sportifs.

 

Son sens de l’humour est prononcé. Il apprécie les trucs. Il faut savoir rire avec lui. Manier l’humour au bon moment et de la bonne manière, sans tomber dans la grossièreté et sans se moquer de l’enfant, détend l’atmosphère et prépare parfois une bonne réception d’une vérité profonde ou d’une parole sévère.

 

Cherchons à le valoriser, mais sans flatterie.

 

 

Plan spirituel

 

Approfondissons les notions bibliques déjà enseignées, en présentant de nouveaux récits bibliques ou en racontant les anciens sous un angle nouveau, par exemple, en faisant vivre le récit dans l’optique d’un autre personnage, ce qui modifiera le message à en tirer.

 

L’enfant manifeste souvent une simplicité géniale dans sa compréhension des vérités bibliques et dans la discussion. On peut davantage qu’avant lui expliquer le pourquoi des choses.

 

C’est l’âge du culte du héros. Si le préadolescent est capable de se passionner pour une vedette sportive et peut-être déjà tapisse sa chambre des portraits de ses stars, pourquoi ne pas chercher à l’enthousiasmer davantage encore pour les héros de la foi ? Profitons de cette période où il se choisit des héros à admirer et à imiter.

 

Guidons l’enfant dans des actes concrets de service, de générosité. Ensei-gnons-lui le principe de la dîme. Ce n’est pas une loi dans la nouvelle alliance, comme pour Israël autrefois. C’est l’indication d’un minimum à mettre à part pour Dieu, proportion que chaque chrétien est libre d’augmenter. Considérer la dixième partie de l’argent qu’on reçoit ou qu’on a gagné comme étant d’office propriété de Dieu est une sainte habitude à contracter dès l’enfance. En famille ou dans un groupe, faisons aussi participer l’enfant à des projets communs de donation.

 

Encourageons-le à prier, personnellement ou en groupe. Suggérons-lui des sujets de prière précis.

 

Profitons de son excellente mémoire pour lui faire apprendre par cœur des textes bibliques, des cantiques, le nom des soixante-six livres de la Bible. Varions les méthodes : illustrations, jeux, concours. Il est recommandé d’établir un plan à long terme pour le temps où un certain groupe d’enfants nous serait confié, et de se fixer un objectif à court terme. Posons-nous la question : Quels versets, quels chapitres de la Bible (quels livres, pourquoi pas ?) aimerais-je que mes jeunes élèves sachent par cœur ? Puis établissons notre plan en conséquence.

 

– C’est l’âge idéal pour le former à la lecture de la Bible personnelle, régulière et réfléchie.

 

– Avant l’entrée dans l’adolescence, nous l’avons dit, c’est le moment propice pour présenter clairement le chemin du salut.

 

– Cherchons à lui communiquer la vision missionnaire. Que de serviteurs et servantes de Dieu à plein temps font remonter l’origine de leur vocation à un appel entendu dans leur enfance ! Faire participer l’enfant à une entreprise missionnaire au pays ou à l’étranger et, par un échange de nouvelles, lui faire connaître des missionnaires, le stimuler à s’intéresser à leur travail, à prier pour eux, à donner pour des buts définis, c’est élargir son horizon et son cœur. C’est lui faire découvrir qu’être chrétien est l’affaire de toute la vie. Par définition, un chrétien est un missionnaire : il est au service du Dieu qui la sauvé, où qu’il soit, quoi qu’il fasse et quel que soit son âge.

 

Le Seigneur vous a-t-il confié un ministère auprès des enfants ?

 

Donnez-vous tout entier à cette tâche. Ce que vous gravez dans leur cœur et leur esprit laissera une marque profonde, souvent indélébile. Ne vous laissez ni effrayer ni désarçonner par l’évolution du concept de l’éducation. La majorité des enfants sont privés des éléments essentiels à leur équilibre : sécurité dans une famille unie, autorité parentale exercée selon Dieu, exemple d’aînés vivant une foi authentique.

 

Comblés en Occident de possibilités de distractions et de développement : radio, télévision, gadgets de toutes sortes, ils ont l’esprit encombré de sons et d’images qui s’y entassent pêle-mêle, d’où l’urgent besoin d’adultes qui les aident à trier le valable du non valable, le vrai du faux, à structurer leur pensée sur le fondement de la Parole de vérité.

 

Avez-vous le privilège d’être parents ou grands-parents ? Concentrez votre intérêt, votre temps, vos prières sur vos enfants et petits-enfants. Et voyez si Dieu vous demande d’élargir votre influence chrétienne aux enfants de votre voisinage.

 

Quelle que soit la forme de votre engagement parmi les enfants, ne craignez pas d’y consacrer : efforts, temps, étude, argent, intercession persévérante. C’est un investissement à haut rendement.

 

Avant tout, vivez votre foi. Les enfants sont de fins observateurs. Soyez prêts à partager vos expériences personnelles dans votre marche avec le Seigneur. Gardez le contact avec les enfants qui, en grandissant, s’éparpillent loin de vous, en les suivant dans la prière, en répondant à ceux qui vous écrivent. Il y a beaucoup d’orphelins spirituels. Soyez pour eux un vrai père, une vraie mère en Christ.

 

C.-L.B.

 

Tiré de l’ouvrage L’important c’est l’enfant, de Claire-Lise de Benoît (voir Livres-Actualité, page 23).