L’archéologie : ses apports et ses limites

 

Babel

par Pierre WHEELER

 

L’archéologie est, paraît-il, en Israël, l’un des grands passe-temps des habitants et pour cause : la pratique des fouilles archéologiques est l’expression de l’intérêt que portent les Israéliens à leur passé. Ils contribuent ainsi à satisfaire leur besoin très intense de mieux comprendre leur histoire.

 

 

La Bible, un document archéologique inestimable

 

Leur Bible, l’Ancien Testament, est déjà un magnifique résumé de leur passé. Elle est le meilleur exemple qui soit d’un document archéologique. Jamais un autre document sorti des sables du Proche-Orient n’a aussi bien conté l’histoire d’un peuple. Mais évidemment toute l’histoire d’Israël n’est pas détaillée dans la Bible. Le Saint-Esprit a conduit les écrivains de la Parole de Dieu à ne raconter que le nécessaire : rappeler à Israël tout le chemin que l’Éternel leur Dieu leur a fait parcourir, et les choses utiles « pour notre instruction, à nous qui sommes parvenus à la fin des siècles » (1 Cor. 10.11).

 

 

 

 

L’histoire du salut

 

Nous reconnaîtrons facilement – puisque les voies et les pensées de Dieu ne sont pas nos voies ni nos pensées (Ésaïe 55.8) – que le contenu de la Bible est raconté du point de vue divin. Aussi certains événements, importants pour les historiens, ne le sont pas obligatoirement pour notre Dieu, et vice-versa.

 

Cette façon de voir et de raconter les événements est appelée « l’histoire du salut ». L’expression fut d’abord employée par les libéraux – des théologiens qui ne croyaient point à l’inspiration plénière et verbale des Écrits Sacrés – pour « excuser » en quelque sorte les prétendues erreurs de la Bible1 . Mais l’expression a tout de même quelque chose de vrai. Aussi à l’occasion, et avec explication, les évangéliques peuvent s’en servir.

 

 

L’archéologie peut « compléter » la Bible

 

C’est peut-être à cause de cette « histoire du salut » que l’archéologie devient utile et intéressante pour nous qui voulons être des férus de l’histoire biblique afin de mieux saisir les voies du Seigneur. Souvent l’archéologie « complète » la Bible, nous donnant des informations supplémentaires.

 

Par exemple, l’histoire d’Abraham et de son besoin d’héritier serait plutôt scabreuse, voire scandaleuse, si elle n’était pas éclairée par l’archéologie. Quel est donc ce « père des croyants », « ami de Dieu », homme de foi et d’obéissance qui, pour avoir une postérité, prend une deuxième femme, une concubine, afin d’avoir avec elle un fils ? Même avant l’histoire d’Agar, alors que Dieu lui avait déjà promis une progéniture,

 

Abraham avait pensé qu’Eliézer, son serviteur rencontré à Damas quand Abraham y passait, devrait être ce fameux héritier ! Quel manque de foi !

 

On comprend mieux en consultant les documents archéologiques de cette époque. Le code d’Hammurabi et certaines tablettes trouvées dans les années 1920 à 1930 à Nuzi (Iran) nous apprennent simplement que si un homme manquait de fils, donc d’héritier, même un serviteur (ici Éliézer, Genèse 15.2) pouvait devenir son héritier légal. Le fils d’une deuxième femme (ici Ismaël, né d’Agar) pouvait le devenir aussi. Voilà la raison qui poussa Abraham et Sara à prendre Agar comme concubine. Nos amis observaient le code civil alors en vigueur.

 

 

Mais l’archéologie n’est jamais infaillible

 

Toutefois l’archéologie ne doit jamais prévaloir sur la Bible. Cette dernière a toujours raison. Nous devons seulement faire attention de l’interpréter correctement. Si les archéologues contredisent la Parole de Dieu, n’acceptons jamais leurs conclusions. « Wait and see », disent les Anglais. Plus tard une nouvelle découverte pourra faire rejeter leurs premières hypothèses.

 

Pendant longtemps on supposait que l’auteur du livre de Daniel s’était trompé en parlant de Belschatsar comme le dernier roi de Babylone avant la prise de la ville par les Mèdes et les Perses (Daniel 5). Puis un nouveau document nous a appris que Nabonide, le père de Belschatsar, avait quitté Babylone, laissant son fils comme roi à sa place (nous dirions comme régent). Ainsi, la Bible a finalement raison et cette information explique pourquoi Belschatsar a offert à Daniel la troisième place dans le royaume s’il interprétait correctement l’écriture sur le mur du palais.

 

 

Les à-priori des archéologues

 

Reconnaissons que les archéologues ont aussi des a-priori, ce qui influence leurs interprétations. Tel archéologue ne croit pas que la Bible est la Parole divine, aussi est-il tenté de dénigrer quelque peu la proposition d’un autre archéologue qui y croit et qui veut soutenir le récit biblique. Ce dernier doit évidemment faire attention à son tour de ne pas exagérer ses propres conclusions qui, d’office, sont de tendance pro-biblique. Il existe aussi des cas de « batailles d’archéologues » où seul l’orgueil humain joue !

 

 

Pas une science exacte

 

C’est ainsi que l’archéologie, si elle est une discipline extrêmement sérieuse et qui fait appel à bien d’autres disciplines tout aussi sérieuses (telles que l’épigraphie, la paléographie, la philologie, les différents systèmes de datation scientifique, etc.), n’est pas une science exacte. Toutefois consolons-nous, les autres ne le sont pas non plus, sauf les mathématiques. Que d’hypothèses différentes pour expliquer la mort des forêts, la disparition des dinosaures, le danger des aérosols, etc. Mais ce n’est pas pour autant que l’on attaque continuellement toute donnée scientifique.

 

 

Sa véritable utilité

 

Malgré ces quelques handicaps, l’archéologie biblique2  est d’une très grande utilité et à travers les décennies elle a constamment prouvé l’inexactitude de beaucoup de conclusions d’incrédules vis-à-vis de la Bible. Dire qu’elle « prouve » que la Bible dit vrai est une formule trop poussée : l’archéologie a plutôt une portée apologétique et est donc très utile quand on s’attaque à la Bible. Mais cette « archéo » fait surtout connaître le milieu biblique et peut devenir un excellent auxiliaire à l’enseignement de la Parole de Dieu.

 

 

Une suite ?

 

C’est pour cela que nous regarderons, Dieu voulant, par la suite, des exemples de découvertes archéologiques particulièrement enrichissantes pour certains livres ou certaines parties de l’histoire biblique. Cela ne sera pas dans le but de soutenir la foi faiblissante du croyant – espérons que nos lecteurs sont d’une autre trempe – mais de les aider à mieux saisir la portée spirituelle de cette Parole vivante et efficace qu’est l’Écriture Sainte.

 

P.W.

 


 NOTES

 

1. Le premier qui ait approché la Bible sous cet angle aurait été, au 18e siècle, le théologien allemand J.A. BENGEL, un évangélique. Des théologiens libéraux du 19e siècle ont développé cette idée et ne s’occupaient nullement de l’exactitude biblique dans le domaine de l’histoire, de l’astronomie, de la géologie, etc. De fait, cette approche leur permettait de faire l’économie de la doctrine de l’inerrance biblique.

 

2. William DEVER de l’Université d’Arizona (LJ.S.A.) refuserait d’employer l’expression « archéologie biblique ». On devrait parler, dit-il en substance, de l’archéologie syro-palestinienne. C’est jouer sur les mots car une partie de l’archéologie syro-palestinienne a trait à la Bible ainsi que des parties de bien des fouilles du Proche-Orient. Les domaines de toute cette archéologie se rapportant à la Bible justifient l’emploi des termes « archéologie biblique ».