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Le mot « aimer » dans la Bible

 

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par Alfred KUEN

 

 

Un spécialiste de la psychologie des sentiments a défini l’amour comme « une valorisation extrême de l’être aimé et une subordination de toutes choses à son bien » (E. de Greff). D’autres y voient « une recherche de communion, inspirée par la bienveillance et le plaisir, tendant au don réciproque de l’un à l’autre en vue de la réalisation d’objectifs communs » (Th. Hàring : Calwer Bibellexikon).

P. de Benoit disait plus simplement : aimer c’est penser à aimer. Toutes ces définitions – et bien d’autres – sont vraies.

 

Les dictionnaires distinguent entre des penchants dictés par la nature (amour maternel, sexuel) et des affections plus désintéressées (amour de Dieu, de la patrie). La Bible ne semble pas faire de telles distinctions puisque la plupart des mots qu’elle utilise peuvent se rapporter aux différents domaines, à l’amour de Dieu comme à celui des hommes.

 

L’A.T. a 8 mots ou famille de mots pour exprimer les différentes nuances de l’amour : les plus courants sont aheb qui se dit pour aimer une nourriture (Gn. 27.4), la sagesse (Pv. 4.6), le sommeil (Pv. 20.13), l’agriculture (2 Chr. 26.10) et les biens (Am. 5.15) aussi bien que des personnes et Dieu.

 

Le mot correspondant ahabâ est employé une trentaine de fois, surtout pour l’amour humain, parfois aussi pour celui de Dieu (Es. 63.9 ; Jr. 31.3 ; Os. 11.4 ; Soph. 3.17) ; hesed (traduit souvent par miséricorde) est l’amour constant, la bienveillance divine dans le cadre de l’alliance avec Israël ; dôd se rapporte essentiellement au désir sexuel de l’homme (Cant. 1.13, 14, 16 ; 2.3).

 

C’est le seul qui ne soit jamais utilisé pour l’amour de Dieu. Dans ces différents aspects, l’Écriture souligne autant le côté affectif (penchant, sentiments) que le côté juridique (fidélité, engagement).

 

L’A.T. met au premier plan l’amour de Dieu pour nous : c’est par amour qu’il a choisi Israël (Dt. 7.6-8 : Jr. 12.7-9 ; Os. 11.1), qu’il intervient pour eux dans l’histoire (Dt. 4.37 ; Jr. 31.3 ; Os. 3.1 ; 11.7-9), qu’il les sauve et pardonne leurs péchés (Dt. 23.6 [5] ; Ps. 86.5 ; Es. 43.25 ; Os. 14.5 [4] ) comme un père aimant (Dt. 8.5 ; Os. 11.14). « Je vous aime » est le refrain qui retentit à travers tout l’A.T. jusqu’au dernier prophète (Mal. 1.2).

 

De cet amour de Dieu découle notre amour pour lui (Dt. 6.5 ; 10.12 ; PS. 18.2), pour son sanctuaire (Ps. 26.8) et sa loi (Ps. 119.97, 113…). C’est pourquoi « aimer Dieu » est souvent lié à « garder ses commandements » (Ex. 20.6 ; Dt. 5.10 ;7.9 ; Néh. 1.5), le servir (Dt. 10.12 ; 11.13 ;Es. 56.6), marcher dans ses voies (Dt. 11.22 ; 19.9 ; Jos. 22.5) et haïr le mal (Ps. 97.10).

 

L’amour de Dieu implique l’obéissance, le respect et la fidélité. Israël doit être pour tous les peuples un témoignage de l’amour de Dieu (Gn. 12.3 ; Dt. 33.3 ; Es. 42.6).

 

Celui qui expérimente cet amour de Dieu (Dt. 5.10) qui lui assure la paix intérieure (Ps. 119.165) et le protège (Ps. 145.20) éprouve aussi le besoin de témoigner de l’amour à son prochain (Lv. 19.18, 34).

 

L’A.T. parle de différentes formes de l’amour réciproque :

 

1. L’amour entre l’homme et la femme (Gn. 29.20) qui illustre celui de Dieu pour son peuple (Éz. 16 ; Os. 1 ; 2 ; cp. Éph. 5.22s).

 

4-mains2. L’amitié entre des hommes (1 S. 18.3 ; 2 S. 1.26 ; voir Amitié).

 

3. L’amour paternel et maternel – qui sait aussi agir avec sévérité pour le bien de l’enfant (Pv. 13.24 ; cp. Hbr. 12.5-11).

 

4. L’amour du prochain, qui concerne d’abord le compatriote (Lv. 19.18 ; Dt. 22.1-4) mais doit s’étendre aussi à l’étranger (Lv. 19.34) et même à l’ennemi (Ex. 23.4 ; Pv. 25. 21s) dont il faut ramener le bétail égaré (Ex. 23.4-5). « Tu aimeras ton prochain comme toi-même » (Lv. 19.18) résume les différents commandements qui, en partie, expliquent ce qu’un tel amour implique.

 

Le N.T. utilise deux groupes de mots pour l’amour : philia et agapé. Éros qui caractérise l’aspect passionnel n’est pas employé. Philia, philéô se dit pour un sentiment d’amitié très fort, s’exprimant éventuellement par des gestes d’affection (Luc 7.38,45 ; 15.20 ;22.47 ;Act. 20.38). Il est utilisé pour l’amour entre parents et enfants (Mt. 10.37) comme celui du Père pour Jésus (Jn 5.20).

 

Dans Jn 21.15b, 16b et 17, Jésus l’oppose à agapaô : il demande à Pierre s’il l’aime (agapaô), celui-ci lui répond : « Oui, je t’aime (philéô = j’ai de l’amitié pour toi, n’osant pas utiliser agapaô après son reniement). La troisième fois, Jésus utilise lui-même philéâ. On peut traduire le v. 17 : « Pierre fut peiné de ce que, cette troisième fois, il lui ait demandé : ‘Es-tu mon ami’ » (doutant même de ses sentiments pour lui).

 

Agapé et agapaô sont peu utilisés dans le grec profane, mais très souvent dans le N.T. Ils se rapportent davantage à la sphère spirituelle et morale ; l’amour agapé dépend plus de la volonté que du sentiment. Il caractérise l’amour de Dieu pour l’homme (Jn 3.16 ; Rom. 5.8) et celui qui en découle des hommes entre eux (Mt. 22.39), même pour des ennemis (Mt. 5.44) ; parfois il s’applique aussi à l’amour égaré pour les honneurs (Luc 11.43 ; Jn 12.43), pour le monde (2 Tim. 4.10 ; 1 Jn 2.15), et pour l’argent (Mt. 6.24 ; 2 Pi. 2.15), en un mot : pour les ténèbres (Jn 3.19).

 

Dieu est amour (1 Jn 4.8, 16). Son amour nous fait comprendre pourquoi il a créé le monde avec les hommes : il voulait étendre à d’autres êtres le bonheur dont il jouissait dans ses relations avec son Fils (Mc 12.6 ; Jn 15.9). L’amour de Dieu est aussi à l’origine de sa volonté de nous sauver (1 Tim. 2.4). C’est pourquoi il « a envoyé son Fils unique dans le monde afin que nous vivions par lui » (1 Jn 4.9).

 

Ce Fils a témoigné de bien des manières son amour aux hommes (Mt. 9.9s ; Mc 10.21 ; Lc 15.2 ; Jn 11.3, 36 : 13.1), il a mis le sceau à cet amour en mourant pour eux sur la croix (Rom. 5.6-8) afin de les racheter du mal (Mc 10.45). Par cette mort, nous sommes réconciliés avec Dieu (Rom. 5.9-11 ; Éph. 2.4-6).

 

Celui qui croit dans l’amour du Père et du Fils reçoit le pardon de ses péchés et devient capable d’aimer à son tour (Rom. 8.37 ; 1 Thess. 3.6 ; Gal. 5.6) par l’Esprit de Dieu qu’il a reçu (Rom. 15.30 ; Gai. 5.22). Il aime Dieu (Rom. 5.5) c’est-à-dire veut lui obéir et le servir (Mt. 22.37 ; Mc 12.30, 33 ; Luc 10.27 ; Rom. 13.8 ; 1 Jn 4.20 ; 5.3 ; 2 Jn 6). A présent, il s’agit pour lui de demeurer dans cet amour (Jn 15.9-10), sa relation avec Dieu en dépend (2 Pi. 1.7-8 ; 1 Jn 4.7-8 ; Ap. 2.4).

 

Il peut aussi aimer le prochain. Cet amour est un critère de sa relation avec Dieu (1 Jn 3.10,14 ; 4.20-21). Celui qui aime Dieu est reconnu par lui (comme son enfant) (1 Cor. 8.3). Toutes choses concourent à son bien véritable et durable (Rom. 8.28). Même dans les épreuves, le chrétien reconnaît la main aimante de son Père (Hbr. 12.6s. ; Ap. 3.19).

 

L’amour que Dieu nous a témoigné nous pousse aussi à faire connaître cet amour à d’autres (2 Cor. 5.14-21). L’amour rend notre foi agissante (Gai. 5.6).

 

Il est la pierre de touche de tout service pour Dieu (1 Cor. 13.1-7) ; les dons les plus importants sont ceux par lesquels nous pouvons le mieux témoigner notre amour à nos frères. Cet amour amène le disciple à suivre le Maître jusqu’au sacrifice (Mt. 20.23 ; Mc 10.39 ; Jn 21.18-19 ; Éph. 5.2 ; 1 Jn 3.16).

 

Il est la marque du chrétien et de l’Église (Jn 13.34s.) où les uns servent les autres (Me 10.43s.) toujours davantage (2 Thess. 1.3 ; Ph. 1.9).

 

Il constitue l’accomplissement de tout ce que la loi demande (Rom. 13.10). L’exhortation à l’amour est celle qui revient le plus souvent dans les épîtres (Ph. 2.2 ; Col. 3.14 ; Hbr. 10.24 ; 13.1 ; 1 Pi.22 ; 2.17 ; 4.8 ; 1 Jn 4.7).

 

Cet amour transforme de l’intérieur toutes les relations sociales : dans le couple (Éph. 5.22-33 ; Col. 3.18s. ; 1 Pi 3.1, 7), entre parents et enfants (Éph. 6.1-4 ; Col. 3.20s.), patrons et employés (Éph. 6.5-9 ; Col. 3.22-4.1 ; 1 Pi. 2.18-21). L’amour ne périt jamais (1 Cor. 13.8-13), il est un élément constitutif du monde à venir dont ils nous donne un avant-goût.

 

A.K.