Eglise et Etat – Intercesseur au Palais fédéral suisse

 

 interview

 

par Daniel Bresch

Interview de M. Jean-Claude CHABLOZ1

 

 

 

dialogue-2Monsieur Chabloz, pouvez-vous nous expliquer ce que représente le « Palais fédéral » ?

 

 



J.-C. C. :
Le Palais fédéral est le siège du Parlement confédéral de la Suisse et de son gouvernement. Il est situé à Berne, qui n’est pas notre capitale – nous n’en avons pas ! – mais simplement notre « ville fédérale ». Le Parlement est formé de deux Chambres, le Conseil National, dite la « Chambre basse », où les députés représentent la population du pays et sont au nombre de 200, et du Conseil des Etats, la « Chambre haute », qui rassemble 46 sénateurs (deux par canton puisque la Suisse est composée de 23 Cantons-Etats).

 

 


 

Le Conseil des ministres porte le nom de Conseil fédéral. Il est composé de sept membres, chacun étant responsable d’un ministère (finances, affaires étrangères, etc.). Chaque mois de décembre, le Président de la Confédération, choisi par le Parlement parmi les 7 conseillers fédéraux est élu pour un an.

 

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Comment avez-vous été sensibilisé, puis conduit à exercer ce service d’aumônerie auprès des plus hautes autorités du pays ?

 

J.-C. C. : Après 40 ans de pastorat béni, soit à temps partiel, soit à plein temps, j’avais une profonde envie de faire autre chose, alors que je me sentais toujours une âme de « pasteur » avant tout. Un temps de mise à part dans la prière m’a conduit à rencontrer Beat Christen, un ancien instituteur, devenu « intercesseur » au Palais fédéral à Berne.

 

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Vous avez donc rejoint Beat Christen au Palais fédéral. Etes-vous les seuls « ecclésiastiques » à exercer ce rôle d’aumônier auprès du gouvernement et des parlementaires ?

 

J.-C. C. : Non, le service d’aumônerie est assuré au Palais fédéral par deux pasteurs réformés, un prêtre et un responsable laïque de l’Eglise catholique romaine. Attachés à cette aumônerie « officielle », nous sommes maintenant trois « intercesseurs » évangéliques libres, Beat Christen, le pionnier, Madame Maria Wyss et moi-même. Nous pouvons alors nous rendre au Palais fédéral chaque jour des quatre sessions annuelles (qui durent trois semaines), et d’une session spéciale d’une semaine. Cependant, je suis le seul pasteur accrédité dans cette fonction.

 

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Comment concevez-vous ce ministère « d’intercesseur » ? Quels sont vos objectifs ?

 

J.-C. C. : L’Armée du Salut a un slogan bien connu : soupe, savon et salut, j’ai le mien : saluer, sourire et servir.

 

Saluer : j’ai appris par cœur tous les noms et prénoms des ministres et des parlementaires, et je les salue personnellement en les bénissant comme cela se faisait en Israël. Il me semble que la bénédiction à voix haute, ou dans le cœur, est un des plus beaux aspects de notre ministère dans le monde, largement méprisé et oublié. « Que Dieu le Père »… osai-je dire une des premières fois à voix haute à une dame qui entrait dans les couloirs du Parlement. Celle-ci, interloquée, s’est tournée vers moi ! « …et son Fils Jésus » continuai-je courageusement, mais moins fort, « … et le Saint-Esprit, soient avec vous ce jour ! » La phrase finit dans un souffle. La parlementaire me sourit et déclara : « Jamais je n’ai été accueillie ainsi, merci beaucoup » !

  

Sourire : parce que, selon les dires d’un philosophe dont j’ai oublié le nom, le sourire est la plus courte distance entre deux personnes. Un sourire, le lundi matin, c’est un vrai petit miracle qui touche bien des cœurs ! Je suis ouvert envers ces politiciens, je désire entrer en contact avec eux, je leur propose un entretien, voire une amitié.

 

Servir, parce que. nous, chrétiens, parlons beaucoup, avec de magnifiques déclarations, mais le témoignage le plus fort reste toujours de rendre service, même s’il s’agit d’une aide apparemment insignifiante. Je m’efforce d’être attentif à leurs besoins, de tenir une porte ouverte, d’apporter un verre d’eau fraîche, de leur chercher un document, de leur traduire un texte, et mille autres petites choses. Leur propre travail demande un grand engagement et comporte bien des sacrifices. Leur santé en pâtit, certains sont fatigués, alors je propose discrètement la prière à ceux qui me semblent éprouvés. Témoin de Jésus-Christ au Palais fédéral, je prie intérieurement pour les plus hautes autorités de mon pays, et leur offre une écoute en répondant volontiers aux questions sur la foi. Mes objectifs sont de me mettre au service des personnes engagées en politique, par la prière, l’encouragement et l’accompagnement.

 

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Comment organisez-vous votre programme ? Y a-t-il des moments particuliers où votre présence est requise ?

 

J.-C. C. : Mon programme dépend totalement des séances des sessions des deux Chambres fédérales. Programme en mains, je suis là, disponible, en prière, souriant et ouvert, dans les couloirs et les salles de travail.

 

Tôt le matin, je me rends au Palais fédéral pour y prendre mon petit déjeuner et avoir déjà quelques entretiens. La matinée se déroule, marquée par les débats auxquels j’assiste ou non, puisque je suis là pour des personnes et non pour la politique ! Parfois, un parlementaire, le plus souvent déjà chrétien, me demande de prendre place au sein du public dans les tribunes, afin d’intercéder en sa faveur (plusieurs dizaines de parlementaires ont des convictions chrétiennes et leur pourcentage dépasse, au sein de l’Assemblée fédérale, le pourcentage de chrétiens pratiquants dans la population suisse en général).

 

En début d’après-midi, je retourne au camping pour un repas décalé et un moment de repos dont j’ai bien besoin (avec ma femme Heidi, nous habitons pendant les sessions parlementaires dans une caravane placée au bord de l’Aar, la rivière qui entoure Berne). Parfois, je reste toute l’après-midi au Palais.

 

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Comment vous y prenez-vous pour aborder ces personnalités ?

 

J.-C. C. : II me faut de la sagesse, une grande humilité, et être prêt à discuter de n’importe quel sujet. Alors, des liens se créent, parfois une amitié, et les confidences viennent. Les questions de la foi sont toujours parmi les plus importantes qui me sont posées.

 

Monsieur Johannes Rau, ex-Président de l’Allemagne fédérale a dit un jour : « Une nation moderne est ingouvernable sans Dieu » ; beaucoup approuvent une telle déclaration.

 

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Pouvez-vous nous raconter quelques rencontres ?

 

J.-C. C. : Une fois, une dame me demanda : « Pouvons-nous parler ensemble ? » Nous étions dans un restaurant, plein de monde, mais nous avons pu parler discrètement ; elle m’a confié un lourd fardeau et j’ai prié pour elle les yeux grands ouverts, comme si nous continuions à discuter.

 

« C’est grâce au docteur et à vos prières que je suis guéri » m’a affirmé un parlementaire atteint d’une tumeur au cerveau. Un député de gauche m’accueillit une fois dans les couloirs en me lançant joyeusement : « Bonjour, je suis sur le chemin qui mène à Jésus ! »

 

De telles rencontres ne sont pas rares, mais la discrétion à laquelle je suis tenu ne me permet pas d’en dire plus… Est-ce de la prétention, – que Dieu m’en garde ! – mais je note que, dans la Bible, quand le Seigneur veut toucher une nation, II envoie l’un de ses serviteurs au siège même du gouvernement. Petit panneau indicateur au bord du chemin, je souhaite vivement que le plus grand nombre de ces hommes et de ces femmes engagés en politique puissent découvrir en Jésus-Christ, leur Sauveur et leur Seigneur. Voilà comment Dieu agit parmi nous : que Son Nom seul soit glorifié !

 

Propos recueillis par J.-P. Bory

 


NOTE

 

 

1.  M. Jean-Claude CHABLOZ est rattaché à l’aumônerie du Palais fédéral à Berne.