Différentes approches de la Relation d’Aide 

 

 relation d aide

 

par Susan CLIFTON

 

 

 

Il existe un nombre grandissant de livres, d’articles, d’associations, et de personnes qui parlent de « relation d’aide » ou qui l’exercent. Comment s’y retrouver parmi ces différentes approches de la personne, de ses besoins et de ses difficultés ? la tâche n’est pas facile, car la relation d’aide veut simplement être cela : une relation qui aide l’autre à grandir et mûrir, dans sa vie personnelle, familiale et communautaire.

 

 

A ce jour il n’y a pas une « théorie de la relation d’aide chrétienne » qui ferait l’unanimité. Pour autant le praticien chrétien a le souci de prendre en compte la dimension spirituelle de la personne et de veiller à ce que les moyens qu’il emploie soient en cohérence avec les valeurs bibliques. Selon sa formation et son expérience, le chrétien qui pratique la relation d’aide intégrera des apports venant de la psychologie et de la théologie, ces deux domaines ayant déjà toute une panoplie de nuances et d’approches respectives. Les différentes possibilités d’intégration feront que certains travailleront d’une manière plus proche de la psychothérapie et d’autres plus proche d’un accompagnement pastoral.

 

Au risque de trop réduire les complexités qui existent dans le domaine des sciences humaines, on pourrait essayer de regrouper les presque 400 formes de psychothérapies de notre société moderne dans quatre grandes familles, chacune pouvant avoir des variantes selon qu’elle est de soutien, brève, ou à long terme, et selon qu’elle traite un individu, un couple, ou un groupe.

 

Chaque théorie comporte une compréhension de la personne et de la personnalité, de la source de son problème (pathologie), et des moyens à utiliser pour aller vers un mieux-être (psychothérapie). Regardons d’abord quelques caractéristiques de ces quatre grandes familles puis leur influence dans le domaine de la relation d’aide chrétienne :

 

 

Essai de classification

 

1. Les thérapies analytiques1

 

Ce sont des thérapies dites « des profondeurs » qui traitent de l’inconscience et de la formation de la personnalité. Elles mettent l’accent sur les relations, les événements, les conflits et les blessures du passé. Dans sa compréhension de la personne, la psychanalyse mettra plus l’accent sur les instincts et les pulsions, alors que la psychodynamique insistera plus sur l’influence des premières relations de l’enfant. Pendant la psychothérapie on cherche à ramener à la surface les conflits, manquements et besoins refoulés pour les libérer et les intégrer autrement.

 

2. Les thérapies comportementales et cognitives2

 

Ces thérapies ont plutôt le présent comme champ d’action. Dans une approche comportementaliste, on agit directement sur le comportement qui pose problème, alors que le thérapeute cognitif s’occupera plus des pensées et des croyances qui provoquent les difficultés présentes.

 

3. Les thérapies humanistes3

 

Ces thérapies ont beaucoup de respect pour l’être humain et ses capacités. Il est considéré comme étant foncièrement bon, mais face aux difficultés, il peut devenir défensif, se bloquer, ou s’arrêter dans l’actualisation de son vrai ‘moi’. Avec l’acceptation et la valorisation nécessaires, il pourra aller vers l’épanouissement.

 

4. Les thérapies systémiques / familiales4

 

Selon ces thérapies, l’être humain est foncièrement relationnel et vit dans l’interdépendance dans son « système » (par ex. famille, entreprise, Eglise) de telle sorte que les actions et réactions de l’un affectent l’autre et les autres. Les fonctionnements relationnels ont tendance à se répéter et devenir des schémas rigides (cercles vicieux). Une personne (enfant ou adulte) peut devenir « porteur de symptôme », mais en fait, des interactions dans tout le système provoquent ou maintiennent le dysfonctionnement. Le thérapeute travaillera avec les membres du système (famille) pour interrompre ces mécanismes de dysfonctionnement et apporter plus de flexibilité, de communication saine, et d’équilibre.

 

 

L’approche en relation d’aide du conseiller chrétien

 

Elle sera liée à son anthropologie biblique, c’est-à-dire à sa compréhension de l’être humain tel que Dieu l’a créé, tel que le péché l’a rendu, et tel qu’il est restauré dans le processus de sanctification. Comment ses relations avec les autres, avec Dieu, et avec lui-même en sont-elles affectées ? Quelle est la source de son problème présent ? Comment et dans quel but changer ? Autant de questions qui doivent préoccuper le chrétien qui aide comme celui qui se fait aider.

 

Parmi les auteurs chrétiens connus en francophonie, on trouve ceux qui auraient tendance à suivre l’une des approches citées ci-dessus.

 

Dans leur souci de guérir les blessures et carences du passé, ceux qui sont dans la mouvance « guérison intérieure » partageraient une compréhension des causes de nos problèmes qui s’approcherait plus de la psychanalyse ou psychodynamique. Mais en ce qui concerne les « moyens » pour aider, ils vont mettre l’accent sur la prière, le pardon, et la libération apportée par le Saint Esprit. Les auteurs comme David Seamands, Leanne Payne, et Simone Pacot suivraient plutôt cette approche.

 

Les auteurs comme Jacques et Claire Poujol, William Backus, Norman Wright, et Larry Crabb (dans ses premiers livres) tendraient plus vers une approche cognitive. Travailler avec nos pensées et nos croyances, fausses ou vraies, utiles ou néfastes, est aussi important dans notre démarche de foi.

 

D’autres chrétiens vont associer la source de tous nos problèmes (à part la possession démoniaque ou les causes physiques) à la non-conformité aux normes bibliques. L’approche de Jay Adams est très connue dans ce domaine et se nomme « approche nouthétique », du mot grec avertir, exhorter. Le conseiller mettre la personne face à elle-même pour qu’elle change son comportement de pécheur en se dépouillant d’anciennes habitudes pour adopter de nouveaux comportements bibliques. Les cours S’examiner soi-même (qui sont plutôt des cours pour la formation du disciple) seraient aussi un exemple de cette approche comportementaliste.

 

Les livres plus récents de Larry Crabb auraient une orientation plutôt psychodynamique et systémique, avec un grand accent sur l’importance de nos relations. Henry Cloud, John Townsend, Jeff Van Vonderen, et Dan Allender seraient aussi dans cette mouvance.

 

Beaucoup de chrétiens qui pratiquent la relation d’aide trouvent important de garder une vision « globale » de l’être humain, le considérant sous tous les aspects de sa personne : le physique, le rationnel, l’émotionnel, le volitif, et bien sûr, le spirituel. De ce fait, certains auront une approche plus éclectique et intégrative (par ex. William Kirwan et le Dr. Paul Tournier).

 

D’autres vont favoriser une approche plus ou moins analytique, ou systémique, ou cognitive, etc. et selon le type de problème et ses causes, utiliser l’une ou l’autre pour apporter le changement. Parfois on peut avoir une compréhension du problème plutôt systémique, faire tout un travail par rapport à la guérison des souvenirs et au pardon, et puis utiliser une approche cognitive pour libérer les habitudes très ancrées.

 

Dans tous les cas, une bonne formation est très importante, car plus le praticien est formé, plus il sera conscient de la théorie qu’il suit et des présuppositions qu’elle comporte, ainsi que de sa propre histoire et de ses propres fragilités. Il faut éviter de faire des mélanges néfastes basés seulement sur sa propre expérience ou bien le dernier livre lu.

 

Dans tous les cas, des « facteurs curatifs communs » à toute relation d’aide (voire toute relation !) sont primordiaux pour celui qui s’implique dans ce ministère.

 

Parmi ces facteurs on trouve la capacité d’accueil chaleureux mais non-possessif, une écoute active avec une juste empathie, l’authenticité dans la relation, le respect de l’autre dans son propre cheminement avec Dieu, sans parler du besoin d’humilité, de patience et d’espérance, car c’est d’abord Dieu qui s’engage à accomplir l’œuvre qu’il a commencée en nous, en Son temps.

 

S. C.

 


 

NOTES

 

 

1. Psychanalyse (Freud) ; psychodynamique ; Jungien ; etc.

 

2. Comportemental ; rationnel-émotif ; cognitif ; Adlérien ; analyse transactionnelle ; etc.

 

3. Rogérien ; existentiel ; gestalt ; etc.

 

4. Minuchin ; Bowen ; Schùltzenberger ; Friedma ; etc.