Conte de 

 

noel

 

Charlotte
 

 

 

 

La sonnerie a retenti il y a quelques minutes. Les enfants se sont fait happer par la foule des parents et autres nounous à l’affût devant la grille de l’école, et ils ont déjà presque tous disparu. Elle, collée contre le grillage, reste dans la même position que tout d l’heure, comme si les grands et les petits la forçaient dans cette position.

 

L’air est glacial. Pour la troisième fois, sa mère rentre son mouchoir et lui demande de la suivre. Elle a huit ans, des cheveux longs tressés serrés, un anorak et un cache-nez assortis, un cartable Chipie. Les mains dans les poches, elle attend encore quelques instants avant de se décider d bouger, à contrecœur.

 

Il fait froid, et ce serait extra s’il se mettait à neiger. C’est chouette les vacances en hiver quand il neige. Et puis les décorations dans les rues, avec des flocons, c’est beau, ça fait plus Noël… Charlotte s’arrête, regarde autour d’elle et se rapproche des fenêtres qu’elle longe tous les jours pour rentrer chez elle. Il fait déjà sombre dehors.

 

En suivant sa mère, elle ralentit quand même pour s’Imprégner des différentes scènes de vie qu’elle enfouit dans sa mémoire pour se les rappeler plus tard. Les fenêtres qu’elle préfère, ce sont celles du numéro 34. surtout en ce moment. bougieElle aime voir les bougies, les boules et guirlandes de Noël joliment disposées ; elle aime surtout voir la crèche, près du sapin, et la mère qui, assise, déplace les figurines pour raconter l’histoire du petit Jésus à ses enfants rassemblés autour d’elle.

 

Un jour qu’elle rentrait seule, Charlotte était restée plus longtemps devant les carreaux du 34 et avait assisté à presque toute l’histoire. Malheureusement, quelqu’un était arrivé derrière elle et elle n’avait plus osé rester pour écouter.

 

Elle connaît l’un des enfants, Julien, qui a le même âge qu’elle et est dans sa classe. Il est gentil, mais c’est un garçon, alors elle n’a aucune chance d’être invitée un jour chez lui. C’est dommage ! Elle sait qu’il va à l’église le dimanche matin, elle l’a déjà vu passer avec ses deux sœurs, bien habillés, alors qu’elle achetait des pâtisseries avec son père. Ce doit être super d’y aller, il paraît qu’on raconte des histoires de la Bible aux enfants.

 

C’est sans doute idiot, mais elle les envie, Julien et ses sœurs : pas à cause des jouets, elle en a autant qu’eux. Peut-être à cause de la crèche, des histoires qu’on leur raconte, de tout ce qu’a dit Julien en classe sur les Hébreux et sur Moïse : il était drôlement sûr de lui, et c’était passionnant. L’autre jour il a expliqué ce que signifiait Noël, il a parlé de Jésus comme s’il le connaissait, comme s’il était de sa famille, c’est surprenant. Il paraît qu’ils vont faire une grande fête de Noël dans leur église.

 

Les parents de Charlotte sont de bons parents, gentils avec leurs enfants, même rigolos parfois. Mais avec eux, pas question de Bible ou de Jésus. La religion, c’est pas leur tasse de thé.

 

Le numéro 34, c’est à quelques mètres. Oh ! La maman de Julien ouvre sa porte. Si seulement elle pouvait nous faire entrer chez elle… La voilà qui parle avec maman : du temps qu’il fait, des vacances qui s’annoncent… Raté ! Elle est rentrée. Sans nous Inviter pour leur fête de Noël.

 

Charlotte suit sa mère, en regardant machinalement les fenêtres illuminées le long du trottoir. Peu lui importe ce qu’elle voit. Elle sait que cette année encore, personne ne l’invitera à écouter l’histoire de Noël.

 

Pourtant, il s’en est fallu de peu.

 

 

Annick Waechter