Pour une lecture renouvelée de la Bible

 Lecture de la Bible

 

par Daniel BRESCH

 

 

« Un chrétien doit lire sa Bible, chaque jour, chaque matin, avant toute autre chose… » Que de fois déjà avons-nous entendu cette recommandation, ou cru l’entendre, car même non exprimée en ces termes, l’allusion est trop évidente pour laisser un doute. Mais ce « conseil », bien intentionné, assorti d’arguments « spirituels », nous est vite apparu comme une loi implacable, un carcan, un tourment. Et nous voilà aux prises avec des sentiments contradictoires.

 

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Paradoxes et questions honnêtes

 

Car des écueils et des échecs, cela existe dans le domaine qui nous préoccupe : « Pourquoi lire la Bible quotidiennement ? J’ai commencé, mais ne suis jamais arrivé au bout. La lecture en général ne m’attire pas. J’ai du mal à suivre un plan de lecture quotidienne, c’est trop contraignant. Je ne comprends pas bien ce que je lis »…

 

Ces propos ne sont pas imaginaires. Ils ressortent de sondages, on les entend dans des conversations personnelles. Ils traduisent un questionnement sincère. Les problèmes ainsi soulevés ne peuvent être évacués par de simples encouragements.

 

Mais quoi ? La Bible 1, ce livre réputé être le plus répandu, le plus traduit et imprimé, le plus vendu ou donné dans le monde, la Bible serait-elle paradoxalement le livre le moins lu, voire le plus mal lu ? Pourtant lire la Bible – Parole de salut et d’espérance – devrait être, en vérité, un plaisir, un bonheur ! Combien, jeunes et vieux, ignorants ou instruits, démunis ou nantis, peuvent donner le témoignage de cette lumineuse et exaltante découverte en réponse à une soif intense de vérité et d’apaisement !

 

Quand on considère le nombre de brochures et de tracts, voire de livres, publiés périodiquement, qui traitent de la lecture de la Bible, on doit se rendre à l’évidence que l’exercice de cette « caractéristique du chrétien dans sa vie personnelle de tous les jours » n’est pas du tout chose facile.

 

Alors comment se fait-il que beaucoup de lecteurs de la Bible, après un bon départ, se lassent et échouent dans leur résolution et leurs efforts ?

 

 

Ajuster la visée

 

« Lire la Bible chaque jour » est devenu comme une obligation pesante que tout « bon chrétien » doit accomplir coûte que coûte. Ce devoir imposé, tout légitime qu’il soit, et tout empreint des meilleures intentions, ne fait qu’augmenter le malaise. Le ton de certains « conseils », perçu à tort ou à raison comme moralisateur et légaliste, ne facilite pas la résolution des problèmes et la libération de la culpabilité, vraie ou fausse.

 

Notre propos ne vise pas à justifier l’utilité de principe de la lecture de la Bible pour la vie du chrétien, indiscutable et incontestée au fond, tout le monde en convient. Ce qui nous préoccupe ici, c’est sa place réelle, sa pratique concrète dans ce moment quotidien privilégié, toujours sensible et vulnérable, qu’on appelle le recueillement ou le culte personnel.

 

Alors soyons réalistes ! Commençons par admettre premièrement que les obstacles existent ; deuxièmement que nous ne sommes pas les seuls à nous y heurter ; troisièmement que personne n’a de recette universelle et magique – cela se saurait ; quatrièmement qu’il y a cependant des pas à faire et des pistes à suivre pour résister aux courants contraires, et que l’on peut apprendre à surmonter les obstacles et gagner en liberté et en assurance. Prenons le temps nécessaire pour faire l’état des lieux : qu’est-ce qui rend ma lecture de la Bible sans joie, laborieuse, décevante ? Pour moi, tel que je suis, dans les conditions qui sont les miennes.

 

 

Les difficultés en la matière sont de deux ordres

 

II y a celles qui tiennent à nous-mêmes et dont la solution est en quelque sorte entre nos propres mains. Il y a les difficultés liées au texte biblique lui-même, questions de forme et questions de contenu, de message. C’est de la première série dont nous nous préoccuperons dans cet article.

 

Oui, soyons réalistes ! Si du fond du cœur, nous désirons échapper à la spirale « tentative – échec – frustration », il faut tout de même savoir qu’il y a quelques principes fondamentaux à respecter. Quelle est la cuisinière qui voudrait réussir un gâteau en se passant de suivre les étapes et les conditions de la recette ? Ou quel voyageur, se déplaçant dans une contrée inconnue, négligerait de s’informer et d’étudier la carte ? Que le chrétien ne s’imagine donc pas qu’il peut progresser dans la connaissance de Dieu, de lui-même et de son prochain en se contentant de ses intuitions, de sentiments pieux et d’affirmations spirituelles générales, sans recourir régulièrement à la lumière de la Parole du Seigneur (Ps 19.8-12; 119. 9, 105, 174-176).

 

Nous voici véritablement au cœur du problème de la lecture quotidienne de la Bible, comme du reste de celui de la prière personnelle. La question à poser au départ est celle-ci : pour moi, quel sens a le fait de lire la Bible chaque jour, du moment que, chrétien, je veux en vivre dans ma vie courante ? Qu’est-ce qui construit ma pensée, instruit mes choix, guide mes sentiments, inspire mes comportements ?

 

Peut-être avons-nous des réponses théoriques toutes faites, « bibliques » ou « évangéliques », à cette question ? Mais ce sont plutôt des difficultés « pratiques » qui manifesteront bientôt la fragilité des théories. Inversement les questions pratiques, terre-à-terre, qui sont réelles, doivent être placées dans cette perspective primordiale, si l’on veut échapper aux pièges qu’elles nous tendent. Le tout est de saisir la dimension et les proportions des enjeux.

 

 

Tester les points forts et les points faibles

 

Nous venons de poser le problème de base en termes généraux. Il faudrait y donner des réponses personnelles. Nous le suggérons comme un exercice utile, en se remémorant quand, ou si nous avons reçu avec humilité la parole plantée dans notre cœur, et qui est capable de nous sauver la vie (Jac 1.21).

 

Cette première approche faite, allons plus loin. Au lieu d’une description des obstacles et des moyens de les contourner, nous préférerons proposer une démarche de questionnement pour parvenir par soi-même à prendre conscience du problème et des pas à faire.

 

En silence devant Dieu1. L’ETAT D’ESPRIT : Comment est-ce que j’aborde habituellement ce temps de recueillement, en particulier de lecture de la Parole de Dieu ? Suis-je pressé, agité dans mes paroles et mes prières, stressé par des soucis et des sollicitations ? Suis-je prêt à apprendre à me tenir dans le silence devant le Seigneur, à me distancer des bruits extérieurs et intérieurs (Ps 37.7a) ?

 

2. L’ATTITUDE : Quelle est la valeur que j’attache à la Bible ? Suis-je prêt à me laisser éclairer, enseigner, interpeller… (2 Tm 3.15-16) ? Quelles sont mes dispositions à l’égard de Dieu ? Quelle est ma relation personnelle avec Lui ? Ai-je véritablement reconnu ce que Jésus a accompli à la croix pour moi personnellement ? Suis-je prêt à reconnaître aussi certains péchés actuels et à me laisser changer par l’Esprit Saint ?

 

3. LE MOMENT : Est-ce que je connais mes heures de fatigue et celles où j’ai besoin de détente ? Ai-je déjà fait l’inventaire de mes créneaux de liberté réelle, sans préjudices pour mes proches et pour mes responsabilités ?

 

4. L’ENVIRONNEMENT : Qu’est-ce qui me dérange le plus et le plus souvent dans mon moment de recueillement ? Quelles mesures n’ai-je pas prises et pourrais-je prendre quant au lieu, aux personnes, aux interruptions, aux objets autour de moi, aux bruits, à la lumière, à ma posture ?

 

5. LA DISCIPLINE : Quelles sont mes habitudes ? Qu’éveille en moi cette notion de discipline ? Comment est-ce que j’explique mon manque de régularité ? Ai-je évalué mes capacités de compréhension et de mémoire ?

 

Lire pour lire, lire le maximum de chapitres, très tôt ou très tard – trop tôt ou trop tard ? – serait viser la performance. Lire « quand je me sens poussé », en papillonnant, serait une liberté mal comprise. Dans l’un et l’autre cas la croissance de la foi serait douteuse et compromise. Continuité, régularité, cohérence sont des règles de base de toute vie équilibrée et de formation de caractère – spirituel et humain
(Jac 1.22-25).

Tout n’est pas dit. Si ces petits pas sont entamés – résolument ou timidement, avec maladresse peut-être, peu importe – ils n’en sont pas moins importants. Ce sont des préalables incontournables à toute la question d’une lecture « renouvelée » de la Bible. C’est pour celui qui veut aller de l’avant la préparation indispensable de l’itinéraire qui va le conduire vers des découvertes passionnantes. La Bible a des ressources insoupçonnées.

 

D.B


 

Note

 

1. : Par « Bible », nous entendons évidemment le livre composé de 66 écrits partagés entre le Premier (ou Ancien) Testament – initialement en hébreu – et le Nouveau Testament – en grec. Ecrits « canoniques », reçus par toutes les confessions chrétiennes comme inspirées par Dieu, Créateur et Sauveur, Père, Fils et Saint-Esprit.