Editorial du n°2 Mars-Avril 1999

 

« Ils ne savent plus rougir »

 

 Par François-Jean MARTIN

 

Par la voie des médias, nous revient comme un flot incessant, l’écho des violences de tous ordres dès les plus jeunes âges. Violence dont se repaît l’appareil médiatique qui, faisant appel aux aspects les plus ténébreux de l’homme, fait ainsi de l’audimat et engrange les sommes faramineuses de la publicité. On dirait un grand chalut tiré dans les égouts du monde, le filet remonte et on se précipite pour chercher les prises les plus horribles, celles qui font vendre.

 

Mais quoi ? Va-t-on être ému encore ? Ce qu’on entend et voit, n’est-ce pas notre pain quotidien ? Et quel contenu : nourrissons jetés par les fenêtres en Algérie, femmes éventrées au Libéria, paysans kosovars au front éclaté dans des fosses communes : les nouvelles habituelles. Les envoyés spéciaux font leur boulot. Les commentateurs commentent et de temps à autre, pour faire bonne mesure, un philosophe, parfois un religieux, est invité à déplorer tout cela. Et les jours passent. Son et images mêlés. Affreuse routine du mal1 .

 

La technique fait des prouesses, on suit tout cela en direct et on engrange les sons sans la moindre rougeur. On sait bien que pas plus que la science, la technique n’est porteuse par elle-même du moindre sens ou de la moindre morale. Cette informatisation médiatique du mal dont nous nous abreuvons, ce flot d’images, parfois manipulées, anesthésie notre conscience, notre sens moral. Jérémie disait cela au peuple de Dieu (Jr 6.15 ; 8.12). Ce fleuve de souffrances et d’horreurs qui dénature l’être humain et l’image de Dieu en lui, on ne doit pas s’y habituer.

 

Il ne s’agit pas pour autant de refuser la technique ou le progrès, de vivre dans le passé, d’avoir la nostalgie d’un bon vieux temps qui n’a jamais existé (Ec 7.10). Il s’agit plutôt de retrouver la bonne perspective, la seule grille de lecture possible de ce déferlement de nouvelles : la fréquentation de Dieu par la fréquentation de Sa Parole. C’est elle qui reste pour tous les hommes, le seul vrai repère solide, la référence qui donne le sens, la Bonne Nouvelle. Face à tant de souffrances, notre assurance repose sur Celui qui nous aimés et a donné sa vie pour nous2.

 

François-Jean MARTIN

 

 

Jusques à quand, Seigneur, m’oublieras-tu sans cesse ? Regarde, Seigneur, réponds-moi. Viens réparer mes forces. Sinon je m’endors dans la mort.

Psaume 13.1,4

 


 

NOTE

 

1. Entre 18 heures 30 et 20 heures, ce qu’on appelle l’access prime time, est le moment le plus rentable à la
télévision pour France 2 ; les 30 secondes de publicité se monnaient 51000 F ! Mammon mène la danse. Et à
ce prix, tout est possible, tous les coups sont permis.

 

2. Cet éditorial a été écrit après la lecture d’une chronique de Jean-Claude Guillebaud « Le mal numérisé » de
Télé Obs. n° 1787
; certaines de ses expressions ont été reprises.