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Interview avec Félix et Rosalie KRAJEWSKI

 

 

interview


questions

 

 

M et Mme Krajewski ont eu une longue vie, remplie de travail – de dur travail – et d’épreuves : déracinement, séparations, trois guerres… Nous sommes heureux aujourd’hui de pouvoir « entrer » un peu dans cette vie et de partager avec eux quelques-unes de leurs riches expériences. Ces derniers mois ont été importants pour eux. Ils approchent tous deux, doucement, du début de leurs 90 ans ! Ils ont récemment fêté leurs 65 années de mariage.

 

 

 

questionsServir : M. Krajewski, vous êtes arrivé en France à l’âge de 13 ans. Vous êtes né dans une famille qui savait faire face aux problèmes de la vie. Votre père avait accepté la lourde charge de reconstituer la fortune d’une famille appauvrie par la première guerre mondiale et éprouvée ensuite par l’invasion du pays et sa destruction par les forces communistes.

 

M. Krajewski : Oui, c’est vrai. Mon père était allé trois fois en Amérique, et plus tard ma mère y a envoyé mon frère aîné. Je l’aurais peut-être suivi à mon tour si entre-temps, mon père n’était pas décédé. Je vois en tout cela la main de Dieu. Si j’avais suivi mon frère en Amérique, j’aurais sans doute été envoyé comme lui sur les plages de Normandie lors du débarquement des alliés, risquant d’être blessé comme lui, ou tué, sans connaître le Seigneur !

 

 

questionsS. : Donc vous êtes venu en France…

 

M. K. : Mon beau-frère a été contraint de s’engager dans les mines de charbon en Haute-Saône. J’ai donc accompagné ma sœur. J’espérais faire des études, mais arrivé en France, j’ai malheureusement compris que mes espoirs étaient vains. J’ai dû moi aussi travailler dans la mine.

 

 

questionsS. : Vous avez été courageux, à 13 ans, d’envisager un tel travail !

 

M. K. : Ce fut en effet très difficile ! Travailler à 1000 mètres de profondeur sous terre ne peut être autrement que difficile ! Suivre des pistes, faire quand il le fallait des sauts d’un mètre et plus, collectionner et allumer les lampes, et bien d’autres tâches ardues… Je suis tout de même resté plusieurs mois dans ce travail, puis j’ai eu l’occasion d’être employé dans une fonderie.

 

 

questionsS. : Et après ?

 

M. K. : Après, ce fut de nouveau la mine, la mine dans la Nièvre, puis dans le Pas-de-Calais, où il y avait beaucoup de Polonais. A 17 ans j’ai changé d’orientation : j’ai travaillé dans une filature, puis dans une usine de produits chimiques.

 

 

questionsS. : C’est vers l’âge de 19 ans, je crois, que vous êtes arrivé à Paris, et là, vous avez rencontré votre femme. Peut-on vous demander où cela s’est fait ?

 

M. K, : C’était à Paris… pas au bal ! – même si à l’époque j’y allais – mais dans une maison bourgeoise du Bois de Boulogne, où elle était cuisinière. Je fus impressionné par ses capacités ! Plus tard nous nous sommes mariés, nous nous sommes installés. Un bébé est né, puis un autre.

 

 

questionsS. : Et en 1939, la seconde guerre mondiale a fait irruption dans votre vie. Vous avez dû partir au front comme on disait alors, laissant derrière vous votre jeune femme et deux enfants.

 

Mme Krajewski : Cette guerre a été un moment très difficile. Peu à peu les voisins sont partis, et finalement je me suis retrouvée toute seule, avec mes deux enfants, dans la seule maison encore occupée de notre rue ! Pire que cela, tout le monde me racontait les horreurs commises par les Allemands, en me conseillant de partir vite. Mais partir où ? Et comment ?

 

 

questionsS. : Connaissiez-vous le Seigneur à l’époque ?

 

M. K. : Non. J’étais « non-pratiquant ». J’ai eu ma première expérience avec Dieu dans l’armée polonaise en France : nous sortions quelquefois le soir, dans les champs, et chantions à la gloire de Dieu. J’ai alors commencé à réaliser la grandeur et la majesté de Dieu, et j’ai compris que dans ce monde rien n’est plus important que la connaissance de Dieu et Sa paix.

 

 

questionsS. : Pendant la guerre vous avez fait plusieurs expériences de la présence et de la protection de Dieu. Racontez-nous !

 

M. K. : II y en a eu tant ! Tenez, une fois je me suis senti poussé à m’offrir comme volontaire pour une certaine tâche, et cela m’a certainement sauvé la vie ! Il s’agissait de diriger la circulation militaire à travers la forêt. Tout s’est d’abord passé conformément aux directives qui m’avaient été données – puis subitement quelqu’un s’est trouvé devant moi. C’était un certain major Magnac de la 1ère division blindée, avec d’autres ordres. Il fallait faire un choix, mais lequel ? Chacun avait des idées différentes… J’ai suivi mes convictions – et les indications du major. Après quoi nous avons attendu toute une longue nuit. Mais, pour couper court à cette histoire, nous avons eu la vie sauve. J’ai appris que toute ma compagnie avait été décimée par une attaque allemande. En cela, j’ai vu Dieu à l’oeuvre.

 

 

questionsS. : Et votre vie avec Dieu ?

 

M. K. : De retour à Paris je me suis dit qu’il fallait aller à l’Eglise. Mais après un ou deux essais qui ne correspondaient ni à mes besoins ni à mes attentes, j’ai renoncé – surtout qu’une autre passion était entrée dans ma vie : les chevaux ! Mais Dieu m’en a délivré. Sinon mon foyer serait parti à la dérive.

 

 

questionsS. :Mois votre histoire ne s’arrête pas là !

 

M. K. : Non ! Revenu de la guerre, j’ai repris un travail – dans le bâtiment, et ensuite dans une usine d’isolants électriques à Cachan. Là, le contremaître m’a parlé de sa femme qui avait selon lui « trouvé une autre religion ». Plus tard nous avons fait sa connaissance, et un jour – voici le vrai tournant de notre vie – elle nous a offert un Nouveau Testament. Nous avons commencé à le lire ensemble le soir même – et nous avons lu toute la nuit ! Une conviction inébranlable est née en nous et a grandi : ce livre est la vérité !

 

 

questionsS. : Et après ?

 

M. K. : Après nous avons obtenu la Bible complète et l’avons lue et relue, en entier. Les preuves de sa véracité se sont multipliées. Ce livre est véritablement PAROLE DE DIEU. Et nous avons reçu le salut en Jésus-Christ – nous reconnaissant pécheurs sauvés par grâce.

 

 

questionsS. : Et du côté « Eglise » ?

 

M. K. : Cela aussi est venu. Le contremaître dont j’ai parlé s’est converti aussi, et tous les quatre nous nous sommes fait baptiser dans l’Eglise baptiste de l’avenue du Maine à Paris. Nous avons fréquenté dans le 5ème arrondissement un petit groupe de chrétiens polonais. J’y ai été nommé responsable. Nous avons ensuite fait la connaissance de George Jones et de Herbert Beattie qui prêchaient sous la tente – également du Dr Diebold et de plusieurs autres frères qui ont commencé l’assemblée des Gobelins. C’est là que Dieu nous a dirigés et tout le groupe des Polonais a suivi. Nous y sommes encore aujourd’hui !

 

 

questionsS. : Maintenant vous êtes à la retraite. Lorsque je vous vois partir tous deux la main dans la main à la fin du culte, le dimanche, j’en ai quelquefois les larmes aux yeux ! Quel est votre secret pour rester amoureux après tant d’années ensemble ?

 

M. K. : Premièrement, la reconnaissance ; il y a tant de raisons pour être reconnaissants – la protection de Dieu, Sa présence, Ses directives, trois beaux enfants (adultes depuis longtemps !) convertis et baptisés – et puis les frères et les sœurs…

 

 

questionsS. : Vous avez eu l’un et l’autre votre part de maladie. Cet hiver Mme Krajewski est restée de longues semaines très fatiguée. Est-ce que pendant ces moments-là, vous ne vous êtes pas découragés ?

 

M. K. : Non, au contraire : Dieu se manifeste à travers la faiblesse.

 

Mme Krajewski : Sans épreuves on ne peut pas bien Le connaître, on n’est rien. Les épreuves nous fortifient, nous forment.

 

 

questionsS. En regardant en arrière, quelles leçons avez-vous apprises ?

 

M. K. : Une dépendance totale du Seigneur Jésus-Christ ! Et une confiance absolue en Sa Parole, toute Sa Parole.

 

 

questionsS. : Avez-vous un mot pour les jeunes chrétiens d’aujourd’hui ?

 

M. K. : Si on ne reconnaît pas la vanité de ce monde, on ne peut connaître la fidélité de Dieu. Et lisez la Parole ! Lisez surtout la prophétie de Daniel – elle révèle la toute-puissance de Dieu…

 

 

Propos recueillis par Esther Buckenham.

 

 

Un beau soir, l’avenir s’appelle le passé. C’est alors qu’on se tourne et qu’on voit sa jeunesse. (Louis Aragon)