Donner

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par Claude VILAIN

 

 

Lorsqu’on aborde la libéralité, on se trouve rapidement confronté à un modèle, celui du Christ qui « de riche s’est fait pauvre, pour que par sa pauvreté, nous soyons enrichis » (2 Co 8.9).

 

 

 

Le Christ a renoncé à sa gloire, à la richesse et la beauté de la présence de son Père, pour partager notre condition. Il est né dans une famille pauvre, a refusé tout statut social enviable, toute possession matérielle, pour se consacrer entièrement à son rôle de témoin et de porte-parole de la grâce de son Père, et cela jusqu’au sacrifice de sa vie, don par excellence.

 

Tout ce que nous pouvons donner en temps, disponibilité, amour, compassion, argent… sera toujours bien en deçà de ce que le Christ a accompli.

 

 

Un outil dangereux

 

Face à la réalité de l’argent, la Bible est lucide et pratique.

 

Elle présente l’argent soit comme un serviteur – moyen indispensable de nos échanges sociaux – soit comme un maître despotique. Il est le meilleur des serviteurs ou le maître le plus impitoyable.

 

La Bible ne propose donc pas, du moins sur cette terre, l’idéal d’une société démonétisée. L’argent existe, il faut faire avec ; la mise en garde portera donc sur la manière de l’utiliser.

 

Les Proverbes abondent sur l’avarice et la générosité, nous plaçant devant l’alternative : l’argent pour MOI seul, ou l’argent au service des autres, comme moyen de faire du bien, créer des liens, tisser des amitiés.

 

Cette opposition traverse toute l’Ecriture et se retrouve dans les paroles de Jésus : « Vous ne pouvez servir deux maîtres : Dieu et l’argent. »

 

Celui-ci peut devenir, si l’on n’y prend pas garde, un maître exigeant, despotique, qui n’a qu’un mot d’ordre : ENCORE OU TOUJOURS PLUS.

 

 

Un serviteur utile

 

Mais l’argent peut aussi être un moyen de créer des liens de solidarité, d’amitiés qui peuvent avoir des répercussions éternelles, comme semble le suggérer le texte surprenant de Luc 16.9 : « Faites-vous des amis avec l’Argent trompeur pour qu’une fois celui-ci disparu, ces amis vous accueillent dans les demeures éternelles. »

 

Paroles étranges qui font suite à une parabole encore plus étrange, celle du gérant habile, mais qui soulignent que le bon usage de nos biens matériels aura des conséquences éternelles !

 

Quand on donne à celui qui est dans le besoin, c’est le Christ lui-même qui est le bénéficiaire : « chaque fois que vous l’avez fait à l’un de ces petits, qui sont mes frères, c’est à moi que vous l’avez fait » (Mt 25.40).

 

En exerçant l’hospitalité « certains, sans le savoir, ont accueilli des anges » souligne l’auteur de l’Epître aux Hébreux (Hé 13.2), montrant qu’un geste, somme toute assez banal, peut avoir une dimension qui nous dépasse, sans que nous en soyons conscients.

 

L’Ecriture nous place donc devant l’alternative : tout garder pour moi, donner chichement de mon superflu, après avoir satisfait toutes mes ambitions ou donner largement en sachant que ma libéralité ne sera pas vaine.

 

« Ne vous amassez pas de trésors sur la terre… mais amassez-vous des trésors dans le ciel » (Mt 6.19-20). Il n’y a pas de contestation de notre « avoir », mais un refus catégorique d’amasser, de thésauriser au-delà de ce qui est raisonnable.


« Que l’amour de l’argent n’inspire pas votre conduite ; contentez-vous de ce que vous avez.. » (Hé 13.5).

 

 

 

UNE PEDAGOGIE DE L’ARGENT

 

La Bible développe, à travers la pratique de la dîme, toute une pédagogie de l’argent.

 

Dans l’Ancien Testament :

  • the-bible La dîme est antérieure à la Loi. Abraham donne à Melchisédec, mystérieux roi de Salem, la dixième partie de ses biens (Gn 14.20).
  •  Le don de la dîme est confirmé et institué par la Loi de Moïse qui le codifie. Tous y sont confrontés, même les plus pauvres, même les Lévites qui pourtant vivent de la dîme (dîme de la dîme).

 

Dans le Nouveau Testament :

  • Jésus en confirme et approuve la pratique (Mt 23.23).

  • Les Actes nous montrent une première génération chrétienne qui va bien au-delà de la dîme, puisqu’elle pratique, sans contrainte, la mise en commun de tous ses biens.

  • Dans les Epîtres, la dîme disparaît pour faire place à des offrandes volontaires pour des personnes ou des Eglises, sans que l’importance de ces dons soit indiquée.

 

Ce silence partiel des Epîtres nous place devant un triple choix :

  • on donne moins ! La dîme ne nous concerne plus, elle appartient à l’ancienne Alliance.

  • on DONNE LA MÊME CHOSE ! Pourquoi faire moins que ceux qui étaient sous la Loi ?

  • on donne plus ! Nous ne sommes plus sous la Loi, mais sous la grâce, au bénéfice du don parfait de Christ. Notre réponse ne peut donc être que le don total de nous-mêmes.

 

Est-il difficile de trancher ? L’Ecriture nous appelle à une attitude responsable qui tient compte de la générosité de Dieu, de nos possibilités, des besoins…

 

 

 

POURQUOI DONNER ?

 

Qu’est-ce que cela change de s’exercer à la libéralité ?

 

 

1. La libéralité permet à l’oeuvre de Dieu de progresser

 

L’argent récolté dans l’église permet à celle-ci de disposer de locaux pour s’y rencontrer. Elle permet de soutenir des serviteurs pour le travail local, mais aussi pour des œuvres dont nous reconnaissons l’importance, au pays comme à l’étranger. Sans cette aide, ces ouvriers ne pourraient pas travailler, ces œuvres fonctionner. Sans cette aide, l’oeuvre de Dieu s’en trouverait ralentie, freinée, amputée, même arrêtée.

 

En donnant, je permets à d’autres de faire, pour Dieu, ce que je ne pourrais faire moi-même par manque de temps, de formation, de qualification.

 

L’argent récolté donne des moyens à l’évangélisation.

 

 

2. La libéralité provoque la louange et l’action de grâce

 

En donnant, nous devenons un instrument entre les mains de Dieu pour répondre à la prière de ses enfants qui sont dans le besoin et produire en eux louange et reconnaissance.

 

2 Co 9.11-14 : « Vous serez enrichis de toutes manières pour toutes sortes de libéralités, qui feront monter par notre intermédiaire DES ACTIONS DE GRÂCES VERS DIEU. Car le service de cette collecte ne doit pas seulement combler les besoins des saints, envers Dieu. Appréciant ce service à sa valeur, ils glorifieront Dieu pour l’obéissance que vous professez envers l’Evangile du Christ et pour votre libéralité dans la mise en commun de vos biens avec eux et avec tous. Et par leur prière pour vous, ils VOUS MANIFESTERONT LEUR TENDRESSE, à cause de la grâce surabondante que Dieu vous accorde. »

 

Notre libéralité provoque des réactions en cascades. Nous entrons dans une vaste chaîne d’affection, de louange, de reconnaissance dont nous devenons, bien modestement, l’un des maillons.

 

 

3. La libéralité relativise le pouvoir de l’argent

 

DONNER nous permet de prendre quelque distance face à ce maître despotique que peut devenir l’argent.

 

DONNER vient casser notre égoïsme naturel qui nous incite à tout garder pour nous-mêmes. Facilement, nous aurions tendance à croire que le fruit de notre travail nous revient prioritairement. En donnant, nous prenons conscience que tout est grâce. Si ce que nous avons est le fruit de notre travail, de notre activité, n’oublions pas que c’est Dieu qui nous a donné santé, capacités, moyens pour l’accomplir. Cela nous invite à dire merci pour le pain quotidien qui n’est pas dû, mais qui est grâce.

 

DONNER : en nous défaisant, pour les autres d’une partie de nos biens, et souvent d’une manière anonyme, nous exprimons notre détachement par rapport à l’argent et notre volonté de vivre avec un peu plus de simplicité.

 

L’argent mis dans l’offrande aurait pu être utilisé pour autre chose, pour acheter plus. En donnant, nous limitons volontairement notre pouvoir d’achat et nous prenons volontairement du recul par rapport à cette société de consommation qui accorde plus d’importance à l’AVOIR qu’à l’ETRE.

 

 

4. La libéralité, un chemin vers plus de solidarité

 

DONNER, c’est aussi prendre conscience qu’il y a autour de nous des situations humaines plus difficiles. Ce que nous avons en abondance vient soulager celui qui n’a rien. La libéralité vient donc rétablir quelque peu l’équilibre que la vie et les circonstances ont perturbé.

 

2 Co 8.12-14 : « Il ne s’agit pas de vous mettre dans la gêne en soulageant les autres, mais de suivre une règle d’égalité. En cette occasion, ce que vous avez en trop compensera ce qu’ils ont en moins, pour qu’un jour ce qu’ils ont en trop compense ce que vous aurez en moins, de la sorte, il y aura égalité » Le but n’est pas de se mettre dans la gêne, mais de rétablir l’équilibre et d’ouvrir la porte à la réciprocité.

 

 

5. La libéralité, un exercice de confiance

 

La tentation est grande de mettre de côté, de faire des réserves, d’assurer ses arrières et finalement de se reposer sur ce que l’on a.

 

DONNER, c’est entamer cette réserve, cette sécurité – pourtant bien illusoire – pour dire à Dieu : « je Te fais confiance, Tu ne me laisseras pas tomber dans les jours difficiles… ».

 

DONNER, ce n’est pas non plus prendre sur ce qui nous reste, après avoir satisfait toutes nos ambitions, mais s’engager dans un geste qui met volontairement Dieu et les besoins de son œuvre au centre de nos préoccupations. « Que chacun donne selon la décision de son cœur, sans chagrin ni contrainte, car Dieu aime celui qui donne avec joie. Dieu a le pouvoir de vous combler de toutes sortes de grâces, pour que, disposant toujours et en tout du nécessaire, vous ayez encore du superflu pour toute œuvre bonne. » (2 Co 9.7-8).

 

 

En conclusion

 

Quelle sera notre attitude face à l’offrande ?

 

NE PAS DONNER : C’est Une DÉSOBÉISSANCE qui révèle que nous accordons plus de confiance à l’argent qu’à Dieu, même si nous n’avons pas beaucoup de biens. Inconsciemment, peut-être, nous choisissons notre camp !

 

DONNER CHICHEMENT : donner en deçà de ce que nous pouvons faire, c’est aussi un manque de confiance, mais C’EST SURTOUT NOUS PRIVER D’UNE BÉNÉDICTION que Dieu veut nous donner. La possibilité d’être nous-mêmes source de bénédictions pour les autres et de devenir un chaînon dans l’oeuvre de Dieu.

 

DONNER LARGEMENT : même au-delà de ce que l’on pourrait considérer comme raisonnable, c’est prendre des risques, mais c’est surtout UN GESTE QUE DIEU APPRECIE ET QU’IL HONORE.

 

Mal 3.8-11 : « Apportez donc réellement la dixième partie de vos revenus dans mon temple pour qu’il y ait toujours de la nourriture en réserve. Vous pouvez me mettre à l’épreuve à ce sujet, moi, le Seigneur de l’univers. Vous verrez bien que j’ouvrirai pour vous les vannes du ciel et que je vous comblerai de bienfaits. » Souvent la fin du verset 11 est sortie de son contexte qui est pourtant essentiellement lié à l’observance de la dîme. Dieu est disposé à nous combler de ses biens, non en réponse à nos prières, à notre foi, mais en fonction de notre fidélité dans l’exercice de la libéralité !

 

C.V.