Les mouvances charismatiques

 

Quelle attitude ?

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par Francis BAILET

 

 

 

Le mouvement charismatique s’est développé au sein de dénominations évangéliques très diverses. Son influence dans les Eglises protestantes traditionnelles et dans l’Eglise catholique romaine est importante.

Il présente aujourd’hui un très large éventail de points de vue, d’attitudes et de pratiques. Aussi convient-il mieux de parler de « mouvances charismatiques ». Nous devons éviter tout amalgame et faire la différence entre ce qui peut être « admirable » et ce qui est « inacceptable ». Ce document, de caractère pastoral, est un ensemble de réflexions pour nous aider à discerner, à comprendre et à nous conduire dans une vraie marche « selon l’Esprit ».

 

 

I. QUATRE ATTITUDES SPIRITUELLES FONDAMENTALES

 

1. AMOUR

 

L’amour est prioritaire. C’est le charisme par excellence. Il est la démonstration de la présence de l’Esprit Saint dans notre vie. Si je n’ai pas l’amour, je ne suis qu’un airain qui résonne, qu’une cymbale qui retentit. Si je n’ai pas l’amour, je ne suis rien. (1 Co 13.1-3).

 

2. HUMILITE

 

Les églises évangéliques ont besoin d’un renouveau spirituel.

 

Nous confessons la faiblesse de notre témoignage, notre tiédeur spirituelle, le laxisme, le péché toléré.

 

Nous reconnaissons humblement qu’au travers du mouvement charismatique beaucoup d’hommes et de femmes se sont engagés dans une plus grande consécration envers Jésus-Christ. Nous nous en réjouissons aussi.

 

D’un point de vue plus général, le mouvement charismatique nous interpelle et nous conduit à reconsidérer la doctrine du Saint-Esprit, sa personne, son oeuvre, son fruit et ses dons.

 

3. UNITE

 

Le Saint-Esprit est un esprit d’unité. Les divisions entre enfants de Dieu sont l’oeuvre du diable (le diviseur). L’apôtre Paul condamne sévèrement celui qui provoque des divisions. « Il est perverti et pèche » (Tt 3.10 et aussi 1 Co 10 ; 1 Co 11.18 ; Rm 16.17 ; Ga 5.20).

 

Nous voulons donc nous « efforcer de conserver l’unité de l’Esprit par le lien de la paix » (Ep 4.2-3). Malgré les imperfections des uns et des autres, malgré nos fautes, nos faiblesses, la lumière de Christ resplendit dans le monde, et son salut est proclamé sur la terre entière. C’est à cela que nous voulons regarder.

 

4. DISCERNEMENT

 

Nous ne pouvons pas, cependant, ignorer les excès, les débordements de la « mouvance charismatique », dans les diverses manifestations qu’elle suscite. Nous avons besoin d’apprendre à discerner ce qui est de la chair et ce qui est de l’Esprit. Le discernement est un signe de maturité spirituelle. Notre discernement s’exercera, non pour démolir, mais pour construire. « Nous voulons examiner toutes choses et retenir ce qui est bon » (1 Th 5.21).

 

« Que personne ne vous séduise », c’est l’avertissement de notre Seigneur (Mt 24.4,5,11,24). L’apôtre Paul adresse la même exhortation aux éphésiens Ephésiens (5.6), aux colossiens Colossiens (2.4) et aux Thessalonissiens (2 Th 2.3).

 

 

II. NOUS CROYONS ET CONFESSONS :

 

Jésus-Christ est le même hier, aujourd’hui et éternellement.

 

Le temps des miracles n’est pas terminé. La puissance de Dieu se manifeste encore, aujourd’hui, dans l’Eglise. Nous pouvons nous attendre à Lui pour des interventions miraculeuses, de grandes délivrances.

 

Dieu accorde à ses enfants divers dons spirituels. C’est une faveur de sa part. Ces charismes (charisma signifie : don de grâce) sont donnés, toujours, en vue de l’édification du Corps de Christ. Nous devons aspirer à les posséder en vue de faire du bien aux autres et non pour nous-mêmes. Dans le cas contraire, nous ferons fausse route.

 

Il ne peut y avoir de contradiction entre la Parole écrite de Dieu et les manifestations du Saint-Esprit.

 

 

III. MISE EN GARDE

 

On ne peut pas privilégier un charisme vis-à-vis des autres charismes. Déclarer « le parler en langues est le signe initial du baptême du Saint-Esprit »1, c’est aller au-delà de l’enseignement des Ecritures. D’autre part, la recherche systématique du don du parler en langues par des méthodes bien peu conformes à l’enseignement biblique ne peut que nous entraîner vers des expériences qui ne glorifient pas le Seigneur.

 

Un phénomène semblable à celui du parier en langues biblique peut se manifester sous une influence simplement psychologique ou, quelquefois, avoir une origine occulte.

 

La prophétie

 

L’apôtre Paul nous exhorte à rechercher tous les dons, mais particulièrement celui de prophétie, car il contribue à l’édification de l’Eglise (1 Co 14).

 

Le prophète édifie, exhorte, console (1 Co 14.3). La prophétie ne peut être assimilée prioritairement à l’annonce de l’avenir. Une prophétie ne peut être en désaccord avec les Ecritures. Elle n’a jamais priorité sur l’Ecriture. L’exercice du don de prophétie doit se faire sous le contrôle des responsables de l’Eglise.

 

Les dons miraculeux

 

Nous ne pouvons ignorer l’avertissement de Jésus : Plusieurs me diront en ce jour-là : Seigneur, Seigneur, n’avons-nous pas prophétisé par ton nom ? N’avons-nous pas chassé des démons ? Alors je leur dirai ouvertement : Je ne vous ai jamais connus, retirez-vous de moi, vous, qui commettez l’iniquité (Mt 7.22-23). Prophétiser en son nom, chasser des démons en son nom, faire beaucoup de miracles en son nom, ce n’est pas une preuve de notre appartenance au Seigneur.

 

L’apôtre Paul nous rappelle que l’apparition de l’antichrist se fera avec toutes sortes de miracles et de prodiges mensongers (2 Th 2.9-10). Nous devons donc être vigilants.

 

Expérience et Parole de Dieu

 

Beaucoup de chrétiens sont à la recherche d’expériences nouvelles. Le sensationnel et le spectaculaire les attirent. Plus que l’étude de la Parole de Dieu, c’est le vécu qui les intéresse. Nous ne voulons pas minimiser la valeur de l’expérience. Elle est essentielle, car on ne peut séparer la doctrine et la vie.

 

Cependant, nous ne pouvons pas accepter que l’autorité de la Parole de Dieu soit remplacée par la force du vécu.

 

La plénitude du Saint-Esprit ne peut se limiter à une expérience. Nous ne pouvons ériger notre expérience en règle absolue et l’imposer aux autres, encore moins porter un jugement sur ceux qui ne l’ont pas faite.

 

Le Saint-Esprit n’est pas seulement une puissance. II est une personne. II est Dieu lui-même.

 

Il ne peut être séparé, ni du Fils, ni du Père. L’onction de l’Esprit nous enseigne à demeurer dans le Père et dans le Fils (1 Jn 2.20-27). Comme le Fils glorifie le Père dans tout ce qu’il dit et dans tout ce qu’il fait (Jn 5.19-23 ; 14,7-11), de même le Saint-Esprit glorifie le Fils et le Père (Jn 14.16-17 ; 15.26 ; 16,13-15). Le Saint-Esprit ne parle pas de lui-même. Il conduit toujours le croyant à une plus grande communion avec le Fils pour l’accomplissement de la volonté du Père.

 

Les charismes ne sont pas « le centre de gravité de la vie chrétienne ».

 

Si la pratique des dons de l’Esprit a été négligée pendant plusieurs siècles, ne tombons pas dans le piège d’y voir maintenant la solution à tous les problèmes de notre vie spirituelle. « En appuyant trop fortement sur les dons spirituels, il faut malheureusement l’avouer, certains semblent avoir négligé le fruit de l’Esprit »2.

 

 

CONCLUSION

 

En cette fin de XXe siècle, nous constatons que beaucoup de chrétiens ont soif de réveil. Ils désirent que quelque chose change. Leur désir de renouveau est légitime et très louable. C’est certainement l’oeuvre du Saint-Esprit. Mais ce n’est pas une raison pour accepter aveuglément des « doctrines nouvelles » simplement parce que l’on nous promet guérison, délivrance, victoire et vie comblée.

 

Le monde est séduit. Les chrétiens pourraient l’être aussi. Le même esprit qui agit dans le monde est aussi à l’oeuvre dans l’Eglise et beaucoup se laissent séduire. Le slogan à la mode, « cela marche, donc c’est vrai », ne peut être le nôtre. Le fondement de notre foi et de notre marche chrétienne demeurera toujours : « II est écrit ».

 

Nos mises en garde sont nécessaires. Elles sont faites sans esprit de jugement.

 

C’est l’Amour qui les inspire.

 

Amour de la vérité d’abord, amour de la Parole de Dieu, seule source de vie spirituelle véritable.

 

Amour aussi pour tous nos frères et soeurs, même si nous ne partageons pas leurs positions théologiques et pratiques.

 

Amour, mais discernement… Discernement, mais amour encore, car l’amour est le chemin par excellence que nous ne voulons pas quitter. C’est sur ce chemin que nous pouvons nous rencontrer et marcher ensemble jusqu’à ce que nous entrions ensemble dans la maison de notre Père.

 

F.B.


NOTES

 

1. Article 6 des « Vérités fondamentales » des Assemblées de Dieu de France. Cette déclaration n’est pas adoptée par tous les charismatiques.

Donald CEE, le fruit de l’Esprit, p.15.

 

2.  Donald CEE, le fruit de l’Esprit, p.15