Les paraboles de Jésus

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par Alain KITT

 

 

 – Aimez-vous les Bibles illustrées ?

 

– Oui, elles peuvent être utiles pour les enfants jusqu’à ce qu’ils soient capables de lire avec profit une Bible d’adulte.

 

 

C’est ainsi que nous raisonnons peut-être, et il est certain que nous ne penserions pas à offrir à un chrétien adulte l’une de ces « Bibles illustrées » qui se trouvent sur les rayons des librairies. Pourtant, toute réflexion faite, ne croyez-vous pas que la Bible que vous utilisez tous les jours, que vous étudiez et méditez avec respect, en soit une ? Que la Bible est en réalité le plus étonnant livre d’images qui ait jamais été écrit ? Il ne s’agit pas bien sûr d’images visibles, faites pour ajouter un peu de couleur aux pages en noir et blanc d’une Bible. Mais nous y trouvons une richesse incroyable d’images littéraires, depuis la première page jusqu’à la dernière : depuis l’Esprit de Dieu présenté comme le vent dans Genèse 1, jusqu’à l’Eglise comparée à une épouse préparée pour son époux dans Apocalypse 22, en passant par le berger (Ps 23), le fond de la mer où Dieu jette les péchés de son peuple (Mi 7.19), l’herbe qui sèche, les aigles qui prennent leur vol (Es 40.6-8, 31), et d’autres illustrations bien trop nombreuses pour être mentionnées ici. Ce sont des images fortes, qui restent gravées dans notre esprit et nous aident à comprendre des réalités spirituelles qui dépassent le simple raisonnement humain.

 

 

Parmi toutes ces images, les paraboles du Seigneur trouvent une place de choix. Qui d’entre nous ne peut visualiser le père se précipitant pour accueillir son fils qui revient à la maison (Lc 15.20), ou le Samaritain soignant l’homme blessé au bord de la route (Lc 10.34) ? Ces images, comme bien d’autres, font aussi partie du bagage culturel en Europe à la fin du XXe siècle : quelle puissance évocatrice elles contiennent, leur permettant de subsister depuis le début de notre ère !

 

Il est impossible, et probablement inutile, de dresser une liste exhaustive de toutes les paraboles du Seigneur : les avis varient quant à ce que constitue une parabole. Le mot « parabole » est une transcription en français du terme grec équivalent à l’hébreu mashal, qui pouvait avoir plusieurs significations : proverbe, parabole, comparaison, allégorie, pour n’en nommer que quelques-unes1. Il s’agit d’un enseignement fondé sur la comparaison ; il peut varier d’une sentence très courte (Mt 13.52) à un récit élaboré tel que l’histoire du fils prodigue. Les paraboles de Jésus ne sont pourtant pas de simples illustrations.

 

Elles ne sont pas seulement destinées à nous aider à comprendre les réalités spirituelles, encore moins à nous divertir : leur but est d’amener à une prise de position. Ce but est formulé de façon explicite, par exemple, à la fin de la parabole du bon Samaritain : « Lequel de ces trois hommes te semble avoir été le prochain de celui qui était tombé au milieu des brigands ?… Va, et toi, fais de même » (Lc 10.36-37). Après la lecture de l’histoire du père et de ses deux fils (Lc 15), surgit la question : auquel de ses deux fils est-ce que je ressemble ? Des questions semblables se posent à chaque auditeur/lecteur dans d’autres endroits : Mt 21.31, et Luc 12.21 au sujet de notre utilisation des biens matériels.

 

Avant d’étudier en détail certaines de ces paraboles, quelques remarques d’ordre général s’imposent.

 

1) Les paraboles du Seigneur ont été racontées et manifestent certains traits propres à un enseignement oral tels que la simplicité (à ne pas confondre avec simplisme ou superficialité !), la répétition d’éléments verbaux pour attirer l’attention (par ex. Lc 15.18 et 21), le jeu des contrastes : dix jeunes filles, dont cinq sages et cinq folles (Mt 25.2), le fils aîné et le fils cadet (Lc 15), le Samaritain, le prêtre et le Lévite (Lc 10).

 

2) Les paraboles sont réalistes : les récits sont enracinés dans des situations familières aux auditeurs, et ne sont nullement « tirées par les cheveux ».

 

3) Sans nuire à ce réalisme, il y a très souvent un élément de surprise. Dans un sens, le lecteur du XXe siècle est désavantagé par rapport aux premiers auditeurs : nous connaissons déjà la fin de l’histoire ! Mais quand le docteur de la loi a demandé au Seigneur, « qui est mon prochain ? » (Luc 10.29), le Seigneur n’a pas préfacé sa réponse en disant « Voici la parabole du bon Samaritain ». L’action du Samaritain dans l’histoire a dû être un choc énorme pour les auditeurs, tous convaincus de la supériorité des juifs sur les Samaritains. Nous devons donc nous efforcer de nous mettre dans la peau de ces auditeurs, de tenir compte de leurs réactions : plus d’une fois, Jésus a voulu les choquer (dans le meilleur sens bien sûr) et il y a réussi !

 

4) Pour comprendre les paraboles, nous devons nous laisser guider par leur contexte. Par exemple, la parabole du bon Samaritain ne répond pas à la question, « que dois-je faire pour hériter la vie éternelle ? », mais à celle-ci : « Qui est mon prochain ? » (La réponse à la première question se trouve dans le renvoi aux commandements (Lc 10.26-28). Le Seigneur a raconté les paraboles de Luc 15 pour répondre aux Pharisiens et aux scribes qui murmuraient contre lui parce qu’il accueillait des pécheurs et mangeait avec eux.

 

5) En utilisant cette méthode d’enseignement, Jésus n’a pas innové : les rabbins de son temps en usaient aussi. Ce qui est différent, c’est que lui seul a parlé en ayant une connaissance parfaite, et de Dieu, et de la nature humaine. Ses paraboles ont donc une autorité, une permanence et une pertinence tout à fait uniques.

 

Nous trouvons aussi des paraboles dans l’Ancien Testament : Jg 9.7-15 et Es 4.1-7 en sont deux exemples. Mais celle qui se rapproche le plus des paraboles du Seigneur est celle racontée au roi David par le prophète Nathan (2 S 12.1-15). Dans cette perle du genre, nous trouvons plusieurs éléments qui vont figurer largement dans l’enseignement parabolique de Jésus :

  • L’élément de surprise : le roi est outré par l’attitude déraisonnable et si égoïste de l’homme riche.

  • L’importance du contexte : David avait péché gravement, mais personne apparemment n’était au courant, ou tout au moins, on ne disait rien. Et il aurait pu s’enfermer dans sa désobéissance et dans le manque de communion avec Dieu qui en résultait. L’Eternel a envoyé le prophète pour amener le roi à la repentance.

  • L’efficacité de l’approche indirecte : au lieu de mettre David directement face à son péché, Nathan entraîne le roi dans l’histoire apparemment très véridique qu’il raconte, et l’amène ainsi à réagir en condamnant le riche personnage de la parabole. Ayant obtenu cette réaction saine, le prophète peut ensuite mettre David directement face à sa propre culpabilité. La parabole l’a amené à une prise de position, la bonne ! le conduisant à la tristesse selon Dieu qui produit la repentance menant au salut (2 Co 7.10).

 

Laissons-nous donc interpeller par la lecture de ces paraboles si connues ! Et puissions-nous, nous aussi, adopter la bonne attitude en réponse aux questions vitales qui les ont suscitées.

 

A.K.


NOTE

 

1. : Amar Djaballah, Ses Paraboles aujourd’hui, Editions la clairière, 1994, p.26.