« Notre si grand salut »1

salut

 

par Samuel BENETREAU

 

 

 

 

Le mot « salut » est intéressant et nous montre d’emblée combien notre sujet est vaste :


Premièrement, dans notre langue, « salut » est un signe de reconnaissance : par ce mot nous montrons que nous connaissons la personne ainsi adressée.


Deuxièmement, c’est un mot de sauvetage, que nous employons à l’égard d’une personne qui échappe à la mort – par exemple, le rescapé d’un naufrage est « sauvé » lorsqu’il est arraché à la mer et que tout danger est écarté.


Troisièmement, il y a un sens « religieux » : le mot vient du latin, où est signifié un bon état physique. Outre sa délivrance d’un grave danger, le « sauvé » a accès à la santé et au bonheur.


 

Avons-nous besoin d’un tel salut aujourd’hui ?

 

Il est vrai que nous vivons en une époque et en une société relativement prospères. Hommes et femmes sont plus ou moins satisfaits de leur sort – ce qui veut dire que leurs besoins matériels essentiels sont assurés. Pourquoi s’encombrer de questions ? A-t-on encore même le temps d’y penser ?

 

Il est vrai par ailleurs que la maladie existe, et que des guerres font rage : mais il y a d’immenses efforts de soulagement, des initiatives pour venir au secours des victimes. Ne devons-nous pas en être reconnaissants ?

 

Malgré cela, nous devons constater bien des échecs – être témoins de souffrances non soulagées – et faire face à la réalité de la mort. Il y a ce qu’on appelle la « fatalité du malheur », et là, malgré tout, malgré lui, l’homme se retrouve demandeur et pose des questions… :

 

Qui suis-je ?


Quel sens donner à mon existence ?


Qu’est-ce que la mort représente pour moi ?


Et s’il y avait un absolu ?… un Dieu ?

 

L’homme, s’il est honnête, se retrouve devant des divisions :

 

Dans son cadre de vie – il est face à une nature dont les agressions sont incessantes, et sa vulnérabilité est grande devant les forces dites « naturelles », devant également le travail pénible et devant la mort. Il y a une lutte constante pour la vie, l’espoir d’une ultime victoire de sa force.

 

Dans la race humaine – c’est l’affrontement entre classes sociales, entre partis politiques, entre nations, entre groupes d’intérêts, entre individus. Il faut y ajouter les divisions dans le cadre de la famille, du couple, des générations successives. Dans ce domaine hélas, le « progrès » n’a rien changé !

 

Dans sa propre personne – l’homme est divisé en lui-même ! Ses désirs, ses aspirations, ses objectifs souvent contradictoires provoquent en lui des tensions internes redoutables. L’apôtre Paul en a fait l’expérience et écrit aux Romains : « Je ne fais pas le bien que je veux » – et « Je pratique le mal que je ne veux pas… » (Romains 7.21)

 

L’ultime division est la séparation de l’homme avec l’absolu : Dieu. L’homme a toujours la nostalgie de l’absolu, il aspire à être uni avec Dieu. Or il y a une séparation qui entraîne un grave danger : la perte du sens même du « soi », de son existence. Paul RICŒUR le constate : « II y a aujourd’hui un progrès de la rationalité, mais un recul du sens. » Nous entrons ici dans le monde du caprice, de l’arbitraire. Il y a certes un manque de justice et d’amour – mais encore plus, une absence de signification – que ce soit dans notre travail, dans nos loisirs, dans notre sexualité : dans chaque domaine nous avons besoin de salut !

 

Aujourd’hui, pour toutes ces raisons, nous assistons à un certain retour de la « religion », et certains proposent « un sauveur »… sans être chrétiens ! Dans l’antiquité le mot grec « sôter » (sauveur) était donné aux dieux, mais aussi aux grands hommes politiques (tel Alexandre le Grand), au premier empereur Romain et bien d’autres encore. A propos de l’un d’entre eux il a été écrit : « La Providence l’a rempli de sagesse, de vertu… » et encore : « Voici quelqu’un envoyé comme Sauveur pour nous, et pour ceux qui viennent après nous. »

 

Depuis toujours on a cherché – et ensuite proposé – l’homme « providentiel » ; même chez les marxistes il y avait l’espoir du salut surgissant de la classe ouvrière.

 

Mais la Bible parle de notre grand salut en Christ… Considérons ensemble quelques caractéristiques de ce salut.

 

 

Le salut en Christ est clairement circonscrit et centré

 

a) II a un lieu : inutile de le chercher ailleurs ! Paul s’exprime ainsi en 1 Corinthiens 1.27-31 : « Dieu a choisi ce que le monde estime fou pour couvrir de honte les sages. Il a choisi ce que le monde estime bas et méprisable… pour détruire ce qu’il estime important. Ainsi, aucun être humain ne peut se vanter devant Dieu… Il a fait de Christ notre sagesse. Par le Christ nous sommes rendus justes devant Dieu. Nous sommes amenés à vivre pour Dieu et nous sommes délivrés du péché… » Le cœur de notre salut, c’est la croix de Golgotha : c’est à cet endroit précis que le salut se joue – « Salut, Croix, Espérance unique ».

 

b) Ce salut a aussi un moment – un temps fixé, une heure : c’est le moment où Jésus a dit : « Tout est accompli. » Paul aussi le constate, en Romains 5.6 : « Au moment fixé par Dieu, Christ est mort. »

 

C’est vers la croix que les chrétiens regardent, même si maintenant elle est vide, nue, car Christ est ressuscité ! Et ce moment n’est pas isolé, coupé de tout : il a été préparé avec soin, et ses effets se prolongent. La croix est le cœur d’un plan vraiment grandiose. A partir de là, il y a un mouvement d’élargissement qui va vers l’accomplissement, vers un autre moment, un autre jour.

 

Ce salut accompli à la croix est si riche qu’il nous faut

 

 

Une diversité de terme

 

pour le décrire, pour l’annoncer.

 

a) Libération

 

Des modèles nombreux nous sont donnés dans la Bible pour en saisir la portée : le peuple d’Israël délivré de son esclavage en Egypte, l’esclave dont la libération est prévue, les rançons à verser pour un affranchissement, etc.

 

b) Réconciliation

 

Nos relations avec Dieu sont marquées par l’éloignement, la séparation, l’inimitié ; mais Dieu prend l’initiative de la réconciliation. Il porte lui-même le poids de l’opération et en paie lui-même le prix. C’est Lui qui a aimé le premier, qui attend, qui tend les bras, qui donne tout son cœur et ses biens.

 

c) Justification

 

C’est un terme juridique, évoquant un homme devant un tribunal. Nous entrons ici dans un véritable mystère : Dieu, juge parfait et saint, déclare « sans péché » quelqu’un qui a véritablement péché ! Cette justice n’est pas rétributive, mais salvatrice. Seul Dieu peut l’exercer – et II le fait « par le moyen de la Rédemption qui est dans le Christ Jésus ». Il s’agit d’un acquittement, mais pas dans le vide, pas n’importe comment : c’est par le don de Lui-même qu’a consenti le Christ.

 

d) Substitution

 

L’homme bénéficie du sacrifice accompli par un autre à sa place, un sacrifice institué par Dieu et non par l’homme.

 

e) Propitiation

 

Par le sacrifice de Christ, Dieu nous est rendu « propice » ou « favorable ». Ce qui est nécessaire pour cela est fourni par Dieu Lui-même.

 

f) Expiation

 

II s’agit de ce par quoi une faute est couverte et effacée. Voyez Romains 3.25 : « Dieu, dans sa bonté, nous rend justes à ses yeux, gratuitement, par Jésus-Christ qui nous délivre du péché. » Et encore Hébreux 2.17 : « C’est pourquoi II devait devenir en tout semblable à ses frères, afin d’être leur grand-prêtre, fidèle et plein de bonté dans son service devant Dieu, pour que les péchés du peuple soient pardonnés. »

 

Voilà en quelques mots, un aperçu de la dimension objective du salut : Dieu fait tout pour nous, en dehors de nous, et indépendamment de nous. Quelques mots maintenant sur la

 

 

Dimension subjective du salut

 

Quand ce salut merveilleux de Dieu devient le nôtre, notre vie, en dehors de Lui, revêt une apparence bien diversifiée : nous voyons l’échec, la désobéissance, l’impureté, l’erreur et la prétention de l’homme. C’est seulement en considérant la grandeur de Dieu que nous pouvons mesurer l’énormité de notre péché.

 

Par notre appropriation du salut nous ouvrons la porte à la grâce, cette faveur divine sans prix – et à la foi. La Bible dit que « nous sommes sauvés par la foi ». La foi, c’est ne plus compter sur nous-mêmes, sur ce qui peut nourrir notre bonne opinion de nous-mêmes ; la foi, c’est regarder à Dieu, c’est le contraire de l’orgueil, c’est honorer Dieu par notre confiance, c’est s’ouvrir à son si grand salut ; c’est placer notre confiance en Dieu pour le présent et l’avenir. C’est une démarche lourde de conséquences ; c’est se tenir devant Lui confiants et joyeux, réconciliés avec Lui, avec les autres, et avec nous-mêmes. Alors qu’elle est sans valeur en soi, la foi devient action, une action qualifiée et marquée par elle. Toute sa valeur est dans son objet : Dieu lui-même.

 

Dans le Nouveau Testament le salut est présenté avec une grande souplesse. Tous les temps sont employés :

 

– le passé : marquant un moment précis, le moment de notre adhésion à la foi.

 

– le présent : nous sommes en route vers le salut final.

 

– le parfait : indique notre situation actuelle vis-à-vis de Dieu.

 

– le futur : l’accomplissement… nous sommes sauvés « en espérance ».

 

Le salut de Dieu, le regard de Dieu, embrassent toute l’existence de l’homme. L’homme est visé dans sa totalité. Le salut couvre le passé, fortifie dans la vie présente, et introduit à la vie à venir. C’est véritablement :

 

« un si grand salut » !

 

S.B.

 


 Note

 

1. : Condensé d’une conférence de M. Samuel Bénétreau le 11 février 1995 dans l’Eglise Evangélique des Gobelins, PARIS XIII.