Temoignage

 

Vagues déferlantes : Pourquoi, Seigneur ?

 

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par Jean Gallarat1

 

 

Qu’il était beau, le jour du 23 mars 1957 où nous nous sommes unis devant Dieu pour la vie ! Nombreux étaient nos amis, venus de près et de loin, pour nous apporter leurs chaleureux vœux de bonheur. Ce jour-là nous avons largué nos amarres pour voguer ensemble sur notre esquif par Dieu construit. Le ciel était bleu, la mer calme, et tous les deux nous allions dans la même direction, vers le pays de la promesse.

 

Pendant notre voyage, trois beaux enfants naquirent, deux filles et un garçon. Vers Dieu notre louange s’éleva pour ce riche héritage. Sans incident majeur, notre vie familiale s’écoula, comme pour tout un chacun, avec l’alternance des jours de joie et de peine. L’adolescence de nos enfants fut la première épreuve qu’essuya notre esquif, fortement secoué par la tempête de 1968. Nous redoublâmes de prières, et notre Dieu intervint miraculeusement pour calmer cette subite tempête.

 

Le calme revenu, nous poursuivions heureusement notre route, lorsque brutalement un coup de tonnerre dans un ciel bleu, nous ébranla : nous venions de toucher le dangereux récif de la maladie. Un examen de routine à la Faculté de Nanterre nous apprenait que notre dernière fille, Anne, était atteinte de la maladie de Hodgkin, la lymphogranulomatose, maladie d’autant plus redoutable que la tumeur, située au médiastin, était inopérable. Nous nous regardâmes, mon épouse et moi, sans beaucoup nous parler. Chacun lisait l’anxiété de l’autre sur son visage. Nous priâmes le Dieu souverain et demandâmes le secours des prières de nombreux amis.

 

Pendant des mois, il a fallu que notre fille subisse un pénible traitement médical. Durant ce temps, Anne ne cessa de suivre ses études à la Faculté, où elle était arrivée à la maîtrise en psychologie. Après quatre années de soins et de prières constants, nous recevions un avis encourageant des médecins de l’hôpital, qui la considéraient alors en rémission définitive. Mais, dans le courant de cette même année, une vague déferlante emporta notre fille en l’espace de quinze jours, à l’âge de 22 ans. Nous étions ébranlés, toute la famille était ébranlée — mais non désespérée. Le départ d’un être cher est l’amputation douloureuse d’un membre du corps de la famille et de l’Eglise. Mais notre Seigneur resta fidèle à Sa promesse : « Je suis avec vous tous les jours ».

 

Deux ans et demi après cette tempête, nous en essuyâmes une deuxième aussi redoutable : notre embarcation heurta de nouveau le récif de la maladie — mais cette fois elle se brisa. Mon épouse Liliane était emportée, à l’âge de 51 ans.

 

Projeté, étourdi, dans cette violente tempête, j’ai pu m’agripper à une planche flottante de notre esquif, sur laquelle était inscrit ce magnifique verset 19 du Psaume 94 : « Quand les pensées s’agitent en foule au-dedans de moi, tes consolations réjouissent mon âme. » C’est toute l’expérience qu’ont faite les deux disciples éplorés sur le chemin d’Emmaüs. Un cri très humain peut jaillir de nos cœurs : « Pourquoi, Seigneur ? » Une fille emportée dans la force de sa jeunesse, avec tout son potentiel de vie pour servir — et une mère emportée dans la force de l’âge avec tout le poids de son expérience au service d’autrui. Ton Eglise, Seigneur, est, elle aussi, privée désormais des dons que tu avais mis en elles. Il n’y a pas de réponse à ce pourquoi.

 

Ecoutez ce cri déchirant venant de la croix où est immolé Jésus-Christ à l’âge de 33 ans : « Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ? » Jésus subissait la plus douloureuse des séparations que jamais ne connaîtra un être humain. Ce « pourquoi » de Jésus est l’expression suprême de la souffrance que causa la rupture totale de la communion permanente qu’il avait avec son Dieu. A ce « pourquoi », Jésus ne reçut aucune réponse sur la croix — il n’y en avait pas.

 

Jésus-Christ ressuscité, triomphant de la mort, va à la rencontre de ses deux disciples. Ceux-ci sont effondrés, encore tout ébranlés par les événements qu’ils viennent de vivre. Leur Seigneur est mort, horriblement crucifié par la main d’hommes iniques. Leur foi s’écroule avec la disparition de leur Maître. C’est précisément là que Jésus les rejoint, au sein de leur épreuve douloureuse.

 

Il chemine avec eux, il parle avec eux, leur rappelant toutes les Ecritures qui le concernent et doivent s’accomplir, et pourtant ils ne le reconnaissent pas. La démesure que nous donnons aux événements n’est-elle pas de nature à voiler notre compréhension des choses de Dieu ? L’Ecclésiaste (7.4) écrit ceci : « Au jour du bonheur, sois heureux ; au jour du malheur, réfléchis ». La réflexion dans la prière nous apporte la vraie paix que le Seigneur veut nous donner.

 

Vous êtes peut-être éprouvés, vous aussi, par la disparition d’un être cher ? J’aimerais vous dire aujourd’hui : mettez-vous dans le silence de la prière, pour entendre la voix du Jésus-Christ. Il vient à votre rencontre sur le chemin de l’épreuve, fidèle à Sa promesse ! Il est là, au cœur de votre douleur, pour panser votre plaie avec le baume de sa glorieuse espérance. Ecoutez-Le vous parler.

 

Vous pourrez alors dire avec le psalmiste : « Quand les pensées s’agitent en foule au-dedans de moi, tes consolations réjouissent mon âme »

 

Amis, bon courage !

 

J.G.

 


NOTE

 

1. Jean Gallarato est depuis bien des années Ancien de l’assemblée de Conflans-Sainte-Honorine près de Paris.