Une foi figée ?

 

« … la foi qui a été transmise aux saints une fois pour toutes » Jude 3

 

 

 

L’idée d’une foi transmise aux saints une fois pour toutes a quelque chose de solide et de rassurant qui a consolé et encouragé bien des générations de chrétiens. Mais, dans le climat philosophique de ce début de XXIe siècle, la formule de Jude peut sembler à certains un peu trop carrée ou même beaucoup trop figée.

 

 

 

 

 

Une foi donnée

 

La « foi » en question n’est pas, bien sûr, l’attitude de coeur de celui qui croit (foi subjective), mais plutôt une façon de désigner ce que les chrétiens croient. Pour Jude, il existe une base commune ou un fonds commun de foi qui s’impose à tous ceux qui mettent leur confiance en Jésus- Christ. Il sous-entend que l’auteur de cette « foi transmise » est Dieu (ou Christ) et il précise que la courroie de transmission qui nous y a donné accès se compose des apôtres de notre Seigneur Jésus-Christ (verset 17). Pour paraphraser la formule célèbre attribuée à Malraux : notre foi sera apostolique ou ne sera pas !

 

Nous n’avons aucun moyen de nous passer des apôtres ou de les court-circuiter… Leurs explications de la vie, de la mort et de la résurrection du Fils de Dieu sont les seules autorisées (par le Père). Leur exégèse de la pensée de Christ est la seule qui plonge ses racines dans l’enseignement donné de vive voix par Jésus et dans la compréhension de ses paroles, faits et gestes que le Saint- Esprit leur a communiqués après l’Ascension et la Pentecôte.

 

En tant que protestants, nous nous permettons un regard critique sur les formulations de ceux qu’on appelle les « pères de l’Église », sur les travaux des divers conciles des premiers siècles (souvent influencés par des considérations politiques) et même sur l’oeuvre impressionnante de nos grands Réformateurs. Mais, en tant qu’évangéliques, nous recevons ce que Dieu a soufflé aux apôtres et consigné dans les Écritures comme un trésor confié, à transmettre. L’Évangile que nous avons reçu n’est pas une esquisse à améliorer, il est puissance de Dieu pour le salut de quiconque croit. La dernière trouvaille théologique à la mode sera bientôt… démodée ! La pierre de touche de la foi chrétienne authentique reste l’enseignement des apôtres.

 

 

Une foi reçue

 

L’expression « une fois pour toutes » qui qualifie la transmission apostolique de la foi lui donne un aspect particulièrement définitif. Ailleurs dans le Nouveau Testament, cette expression est souvent associée à l’un ou l’autre aspect  de  l’oeuvre rédemptrice du Christ : le Christ lui-même a souffert une fois pour toutes1 ; l’offrande du corps de Jésus- Christ, une fois pour toutes2. Au coeur de ce que nous croyons, il y a Christ. Et le fait central de l’Évangile de Christ, c’est l’événement que nous désignons par ce simple mot : la croix. C’est elle qui éclaire tout ce qui s’est passé avant, c’est elle qui a illuminé la vie des chrétiens jusqu’à présent et c’est sur elle que s’appuie notre espérance quant à l’avenir que Dieu promet à ceux qui croient en son Fils.

 

La foi apostolique est définitive en ce qu’elle donne le sens de la déclaration définitive de Jésus sur la croix : Tout est accompli ! Nous n’avons pas à craindre qu’un jour le Seigneur change la donne ! La voie du salut est tracée. À nous de la suivre, mais aussi d’en faire la publicité pour que d’autres reçoivent, par la grâce de Dieu, la foi transmise.

 

Dans un sens, nous n’avons jamais fini de recevoir cette foi transmise une fois pour toutes. Nous n’en avons pas fait le tour ! Une vie de centenaire ne suffirait pas pour en explorer toutes les richesses. Il est bien de cultiver une saine et sainte curiosité pour les choses de Dieu et donc pour sa Parole.

 

 

Une foi à vivre

 

La foi transmise est formulée à l’aide de multiples propositions ou affirmations importantes : Dieu était en Christ, réconciliant le monde avec lui-même ; Christ est mort pour nos péchés ; nous serons semblables à lui, car nous le verrons tel qu’il est ; etc. Mais le dépôt de la foi ne peut jamais se réduire à un ensemble de propositions, aussi justes soient-elles. La foi transmise n’est pas un credo à réciter, mais une évocation de la vie que Dieu veut nous faire vivre. Les affirmations de la foi sont enchâssées dans un récit. Les en séparer serait en faire un code stérile. S’il est important de bien formuler ce que nous croyons pour le faire bien comprendre à notre génération, la meilleure façon de combattre pour la vérité est de la vivre : construisez-vous sur votre très sainte foi, priez par l’Esprit saint, gardez-vous dans l’amour de Dieu, en attendant la compassion de notre Seigneur Jésus-Christ pour la vie éternelle.

Nous n’avons pas à réinventer l’Évangile à chaque génération, mais nous avons la charge de nous l’approprier pleinement dans la situation qui est la nôtre pour l’appliquer fidèlement dans le contexte de notre époque. Et nous avons la responsabilité de l’exposer et de l’expliquer en des termes compréhensibles pour nos contemporains. Ce sont déjà des défis considérables – et passionnants ! Nous ne professons pas une foi figée, mais une foi bien fondée et enracinée qui est un appui solide pour construire une vie qui sera un témoignage de la grâce agissante de Dieu aujourd’hui.

 

R.S.

 


 

NOTES

 

 

 

1. 1 Pierre 3.18 (hapax comme dans Jude 3 ; voir aussi Hé 9.28)

 

2. Hébreux 10.10 (ephapax avec le même sens que hapax ; voir aussi Rm 6.10, Hé 7.27, 9.12)