interview

 

Jérémie VAUBAILLON

Astronome interviewé par Reynald Kozycki

 

 

dialogue-2Pourriez-vous expliquer en quelques lignes en quoi consiste votre travail ?

 

 

Je suis astronome à l’Observatoire de Paris et mon travail consiste à faire de la recherche fondamentale sur les astres. J’étudie le système solaire, et en particulier les « étoiles filantes » qui sont, en fait, des grains de sable se désintégrant à très grande vitesse dans notre atmosphère : c’est ce qui provoque les traînées furtives que l’on aperçoit notamment au mois d’août. Ces grains de sable proviennent des comètes, qui sont un mélange de roches et de glace d’eau. On pourrait les comparer à l’une de nos montagnes des Alpes. En s’approchant du soleil, la glace se transforme en vapeur et, en s’échappant, libère ses grains de sable qui vont tourner indépendamment dans le système solaire.

 

dialogue-2À côté de votre travail, vous êtes aussi engagé dans une Église protestante évangélique. J’imagine que plusieurs ont dû vous demander comment vous pouvez être croyant. Qu’est ce que vous répondez à vos collègues qui doivent être surpris que vous soyez « chrétien engagé » et scientifique ?

 

Je réponds la même chose aux collègues qui me demandent comment je peux être chrétien qu’aux chrétiens qui me demandent comment je peux être scientifique ! En fait, et sans surprise, je suis persuadé que l’un et l’autre ne sont pas incompatibles, heureusement ! Contrairement à ce que beaucoup de gens pensent (quelques scientifiques y compris), la science n’explique pas : elle décrit des lois et des processus présents, passés et futurs. En d’autres termes, la science répond à la question « comment ? ». Inversement, la Bible n’est pas un livre de science et, mis à part l’homme, elle parle finalement peu de la création, et encore moins des lois qui la régissent. Elle nous donne plutôt la raison de notre existence, qui consiste à glorifier Dieu. En d’autres termes, être chrétien c’est avoir une réponse à la question « pourquoi ? ».

 

dialogue-2Votre métier vous amène à observer l’univers. Pendant des siècles, on pensait que la terre était le centre du monde et que le soleil tournait autour de la terre. Comment, en quelques mots, Copernic et Galilée ont-ils démontré que ce n’était pas le cas ?

 

Il est vrai que ce n’était pas une chose aisée : en regardant le ciel, tout semble tourner autour de nous. Le modèle de Copernic expliquait les mêmes phénomènes (révolution des planètes autour du Soleil) qu’auparavant, mais de façon plus simple. C’est une démarche scientifique toujours d’actualité : entre deux modèles qui rendent compte d’un phénomène, on préfère toujours le plus simple et le plus court. Pour Galilée, c’est différent. Aristote avait dit, 2000 ans auparavant, que puisque tout semblait tourner autour de la Terre, la terre était le centre de l’univers, mais que si un jour on découvrait un autre centre dans l’univers, alors il n’y aurait aucune raison pour qu’il y ait un centre privilégié, et que donc l’univers n’aurait pas de centre. En découvrant les satellites de Jupiter, Galilée reprend le raisonnement d’Aristote et démontre qu’il n’y a pas de centre privilégié dans l’univers. Ce qu’on oublie souvent de dire, c’est que Galilée avait un caractère exécrable et qu’il prenait un malin plaisir à ridiculiser ses adversaires. Est-il donc étonnant qu’on lui ait fait un procès ? Le plus triste dans cette histoire, c’est qu’on ait utilisé la Bible à des fins personnelles, en lui faisant dire ce qu’elle ne dit pas. En d’autres termes, on a utilisé la Bible pour répondre à la question « comment ? », alors qu’elle répond à la question « pourquoi ? ». C’est, malheureusement je pense, une erreur encore très fréquente aujourd’hui.

 

dialogue-2Depuis près de deux siècles, on découvre que les temps de l’univers sont beaucoup plus longs qu’une lecture biblique littérale pourrait le faire croire. Quels sont pour vous, en quelques mots, les arguments les plus forts montrant que l’univers a environ 13,7 milliards d’années ?

 

La mesure du temps et des distances a été l’activité principale des astronomes jusqu’au début du XXe siècle. On y travaille d’ailleurs encore. La découverte de Hubble dans les années 20 sur la fuite des galaxies, et donc sur l’expansion de l’univers, implique que dans le passé, les galaxies étaient beaucoup plus proches les unes des autres qu’aujourd’hui. On peut donc définir un temps théorique « zéro » où l’ensemble de l’univers était contenu dans un point infiniment petit et infiniment dense, après lequel l’univers est en expansion. C’est la raison même du nom « big-bang » qui à l’origine était un sobriquet destiné à ridiculiser une telle théorie. Cependant, si en effet tout l’univers était concentré dans un petit espace, il est alors possible d’en observer une trace dans l’univers actuel, sous forme de lumière remplissant tout l’espace. Ce résultat, prédit par la théorie en 1954, a été observé par PENZIAS et WILSON en 1965 : c’est le rayonnement cosmologique à 3 kelvins. À partir de ces éléments, on déduit un âge de l’univers d’environ 13,7 milliards d’années.

 

dialogue-2Est-ce que ces temps plus longs ne vous posent pas de problème dans votre lecture de la Bible ?

 

Pas vraiment : je lis la Bible pour connaître Dieu et pour savoir comment l’honorer au quotidien et non pour répondre à des questions scientifiques très intéressantes, mais finalement pas très utiles sur le plan spirituel. Disons que je suis de ceux qui lisent Genèse 1 comme on lirait

Psaume 18.8 : « La terre fut ébranlée et trembla, les fondements des montagnes frémirent et ils furent ébranlés, parce qu’il était irrité ».

 

dialogue-2Le Psaume 19 affirme que les « cieux racontent la gloire de Dieu ». Qu’est-ce qui, dans vos observations professionnelles, vous semble peut-être le plus « raconter la gloire de Dieu » ?

 

La beauté de tout ce qu’on peut découvrir ! Cela va du « simple » ciel étoilé d’un observatoire, aux pluies de météores impressionnantes qui font l’objet de mes recherches. Mais il y a aussi le lever du soleil sur un désert, une aurore boréale ou encore l’observation de Saturne ou des cratères lunaires avec une grande lunette ! La création est le doigt qui pointe vers le créateur, pourvu qu’on ne soit pas focalisé sur le doigt ! Faire de la recherche c’est partir à la découverte de la création de Dieu et on ne peut qu’être émerveillé devant ce qu’on découvre. Finalement, c’est ce que la science trouve, et non ce qu’elle ne trouve pas, qui raconte le plus la gloire de Dieu !

 

Propos recueillis par Reynald KOZYCKI