Vivement la résurrection !

 

 

Par ROBERT SOUZA

 

 

 

 

 

 

 

LA RESURRECTION DE LAZARE – RUBENS


Quelle place tient la résurrection du corps dans notre espérance1 ? On est surpris de découvrir au fil des échanges que de nombreux chrétiens semblent prêts à se satisfaire de la perspective d’une existence désincarnée dans un au-delà brumeux (mais heureux, bien sûr). Le syndrome du joueur de harpe sur son petit nuage fait encore des victimes ! Pourtant, ce n’est pas, mais alors pas du tout, ce que Dieu a prévu pour ses enfants…

 


Admettons ce que nous sommes

 

 

Pour approcher ce que nous serons, nous devons commencer par saisir et admettre ce que nous sommes. La révélation biblique ne cautionne ni le dualisme métaphysique (« le corps, prison de l’âme ») ni le monisme radical des neurosciences actuelles (rien de l’homme ne peut survivre à la mort du cerveau). La personne humaine est un être vivant, une unité psychosomatique avec un aspect physique, corporel, et un aspect non physique, immatériel. Cette dualité s’exprime, par exemple, dans les paroles de Jésus : Ne craignez pas ceux qui tuent le corps et qui ne peuvent tuer l’âme (Mt 10.28). On peut également évoquer, avec Paul, l’homme extérieur et l’homme intérieur qui, ensemble, cernent l’expérience de l’être humain.

 

Il n’est pas facile de penser notre relation à notre corps. Sans lui, nous ne pouvons ni réfléchir, ni ressentir, ni agir. Mon corps, c’est moi ! Pourtant, ce que je suis ne se réduit pas au corps. Il y a un autre aspect à notre réalité : votre vie est cachée avec le Christ en Dieu (Col 3.3). Quelque chose d’essentiel est « sauvegardé sur les serveurs célestes », auprès du Seigneur, et survivra à la destruction du corps. Le Nouveau Testament nous fournit deux images : le corps comme habitation temporaire (la tente, 2 P 1.12- 15 ; 2 Co 5.1) et comme instrument pour agir dans le monde (Rm 6.13).

 

Que serions-nous sans notre corps ? Nous ne pouvons pas l’imaginer. Que serons-nous sans notre corps ? À en croire l’apôtre, si notre mort intervient avant le retour du Seigneur, nous allons nous retrouver nus (2 Co 5.32). État plutôt inconfortable pour des êtres corporels ! Nous avons besoin de notre corps… Sans aborder ici la question du mystérieux « état intermédiaire », nous voulons nous réjouir à la pensée que le Seigneur a tout prévu pour qu’une nouvelle et glorieuse « corporalité » nous équipe pour fonctionner, pleinement et mieux que jamais, dans l’état éternel.

 

 

Voyons ce que la résurrection nous réserve

 

La résurrection a déjà commencé… Certes, à ce jour, un seul homme s’est réveillé d’entre les morts, et on n’a pu l’observer que peu de temps. Mais le peu que les évangélistes ont consigné à son sujet, complété par l’enseignement des épîtres, devrait susciter en nous un immense « désir d’avenir », c’est-à-dire de résurrection.

 

Mais quelqu’un dira : Comment les morts se réveillent-ils ? Avec quel corps reviennent-ils ? (1 Co 15.35) Si Paul traite de déraisonnable celui qui pose cette question, c’est sans doute parce qu’il y discerne une mise en doute de la réalité de la résurrection, fondée sur l’impossibilité de retrouver le corps décomposé du défunt. Cela mis à part, la question en elle-même peut nous sembler légitime, et même intéressante. On remarquera, d’ailleurs, que l’apôtre s’empresse d’y répondre ! Pour notre édification et encouragement, il détaille quatre différences fondamentales entre le seul corps que nous ayons connu jusqu’ici et celui que nous aspirons à revêtir.

 

En bon pédagogue, l’apôtre part de ce que nous connaissons : le grain qu’on met en terre et qui, plus tard, donne naissance à une plante. L’image est puissante. Appliquée à la résurrection, elle souligne d’abord une certaine continuité – et même une continuité certaine – entre le corps actuel et celui à venir ! Un grain de blé ne donnera pas un plant de maïs ; ce que nous sommes aujourd’hui trouvera sa pleine expression dans le monde à venir. Mais l’illustration parle également de discontinuité, car ce que nous serons ne s’est pas encore manifesté (1 Jn 3.2). Nous sommes un peu comme le profane qui examine une simple graine en se demandant à quoi pourrait bien ressembler la plante correspondante. Paul nous fournit quand même quelques indices… qui nous mettent l’eau à la bouche !

 

Semé périssable, on se réveille impérissable. Semé biodégradable, on se relèvera imputrescible, inoxydable ! On ne dira plus que l’homme extérieur dépérit. Dieu nous prépare un corps qui ne sera pas soumis aux forces destructrices qui « plombent » notre corps actuel. La mort n’aura aucune prise sur ce corps conçu pour la vie éternelle. Semé dans le déshonneur, on se réveille dans la gloire. Oubliées, toutes les humiliations associées à notre condition actuelle ; évanoui, tout ce qui met en doute notre valeur. Nous émergerons dans la pleine lumière pour comprendre enfin notre véritable valeur d’enfants de Dieu, appelés à partager la gloire du Fils, semblables à lui, parce que nous le verrons tel qu’il est.

 

Semé dans la faiblesse, on se réveille dans la puissance. Quel bonheur incroyable de « semer » enfin notre fatigue et nos infirmités, nos maladies et nos handicaps, notre vulnérabilité ! Les capacités (insoupçonnées) de ce corps de résurrection pourront s’épanouir et se réaliser pleinement et sans entraves. À quoi pourrons-nous nous attendre ? À une plus grande facilité de déplacement ? (Jésus ressuscité ne se laissait plus arrêter par une porte fermée…) À de nouveaux sens, à de nouvelles capacités de mémoire et de réflexion ? En tout cas, ce corps de gloire nous équipera parfaitement pour vivre et servir dans l’univers renouvelé qui se prépare. Il sera l’interface adaptée pour vivre notre nouvelle proximité avec le Seigneur. Et nous aurons des yeux capables de contempler sa gloire.

 

Semé corps naturel, on se réveille corps spirituel. Cette quatrième comparaison résume les trois autres. Il faut la manier avec précaution, car elle emploie des catégories qui ne sont pas celles du monde occidental au XXIe siècle. Paul ne compare pas ici un corps « matériel » et un corps « immatériel », un corps physique et un corps fantomatique (« ectoplasmique » !). Ce qui distingue ces deux corps est fondamentalement une question de « gouvernance ». Le corps naturel est « psychique » ou animal (TOB). Il a des désirs, des élans, des volontés qui ne correspondent pas toujours à ce que Dieu veut. Le corps promis aux chrétiens ressuscités est conçu pour une existence entièrement conduite et animée par le Saint-Esprit. Et si l’Esprit de celui qui a réveillé Jésus d’entre les morts habite en vous, celui qui a réveillé le Christ d’entre les morts fera aussi vivre vos corps mortels par son Esprit qui habite en vous3 (Rm 8.11). Nous connaîtrons enfin la quintessence de la plénitude de l’Esprit.

 

 

Réjouissons-nous de ce qui nous attend

 

Les quelques bribes d’information que distillent les évangiles au sujet des mouvements et des actions du Christ ressuscité nous intriguent. « L’Écriture ne nous engage nullement à croire que toute la matière contenue dans notre corps en fasse partie à la résurrection.4 » Néanmoins, le tombeau de Jésus était vide… Jésus ressuscité, sur place, il ne restait rien du corps déposé deux jours plus tôt. Les linges y étaient encore, le corps n’était plus là. Mais, comme l’écrit Ladd : « Sa résurrection n’est pas le rétablissement de la vie physique d’un cadavre, c’est l’apparition d’un nouvel ordre de vie5 ». L’apôtre Paul utilise cette belle expression : nous voulons… que le mortel soit englouti par la vie (2 Co 5.4). Nous aspirons à connaître, nous aussi, ce nouvel ordre de vie que le Seigneur a inauguré.

 

Les facultés surprenantes, les capacités mystérieuses du corps ressuscité de Jésus suggèrent que le monde à venir n’est pas régi par les mêmes lois que le monde présent. On entrevoit une nouvelle physique (et donc une nouvelle chimie, une nouvelle biologie…) et l’on se rappelle que le Seigneur a annoncé une nouvelle sociologie (à la résurrection, on ne prend ni femme ni mari : Mt 22.30). Nous allons nous régaler à la découverte des nouveaux cieux et de la nouvelle terre ! Devons-nous alors vivre dans l’attente de la résurrection ? Oui… et non ! Disons « accessoirement »… Car, au final, notre véritable attente doit être celle que Paul enseigne aux Philippiens : nous attendons comme sauveur le Seigneur Jésus-Christ, qui transformera notre corps humilié, en le configurant à son corps glorieux. Celui que nous attendons, c’est Jésus, mais nous attendons aussi qu’il nous reconfigure pour jouir, sans ombre et sans fin, d’une communion pleine et entière avec lui.

 

R.S.


NOTES

 

1. Dans le cadre de ce court article, nous nous limiterons à une réflexion au sujet de la résurrection de vie (Jn 5.29).

 

2. L’exégèse de ce texte est difficile et discutée. Il semble néanmoins que Paul pense aux chrétiens qui mourront avant la Parousie.

 

3. Avec S. Bénétreau et F.F. Bruce, nous appliquons ce verset à la résurrection ; Calvin y voit plutôt l’oeuvre présente de l’Esprit.

 

4. Le Grand Dictionnaire de la Bible, Excelsis, article Résurrection, p. 1419. 5 G.E. LADD, Théologie du Nouveau Testament, Excelsis, p. 342.