Jeunes : quel avenir et quel projet de vie ?

 

 

Par JEAN-CLAUDE PARLEBAS

CHERCHEUR EN PHYSIQUE DES MATÉRIAUX AU CNRS,

ANCIEN DE L’ÉGLISE « LA BONNE NOUVELLE » DE STRASBOURG

 

 

 

 

Y-a-t-il pour les jeunes des raisons d’espérer dans ce monde si troublé ? Comment choisir un projet de vie ? Répondre à cette question est plus difficile encore puisqu’elle dépend des spécificités de chacun. Je me limiterai à apporter quelques réflexions globales et à donner des pistes pour les études et le choix d’un métier.

 

 

Quel avenir ?

 

À en croire les médias, beaucoup de nuages s’amoncèlent sur la tête de nos jeunes. Les prévisions économiques et écologiques ne sont pas bonnes. En plus d’une crise économique sans précédent depuis la 2e Guerre mondiale, nous faisons face à diverses alertes écologiques, dont la disparition de certaines espèces et l’appauvrissement des ressources naturelles. À quoi nous pouvons ajouter la malnutrition et le trafic humain, les pandémies et la prolifération des armes nucléaires et bien d’autres fléaux. Toutes ces menaces nous interrogent d’ailleurs quant à la validité de notre modèle de vie post-moderne. Il est vrai que nous sommes actuellement au bénéfice d’une longue période de paix en Europe occidentale. Cela, après les guerres mondiales désastreuses que nos aïeux ont subies au 20e siècle. Deux siècles avant, E. Kant a osé déclarer que « tout est pour le mieux dans le meilleur des mondes ! » Aujourd’hui, les mouvements écologiques s’entendent au moins sur une chose : dans nos pays occidentaux, nous ne pouvons plus vivre de la même manière que pendant les « 30 glorieuses », ces années d’expansion économique, juste après 1945. La protection de l’environnement est devenue récemment une valeur essentielle. C’est peut-être un point de départ quand nous discutons avec nos jeunes, croyants ou non, pour tenter d’étendre avec eux la notion de pollution matérielle à d’autres formes de pollution (notamment spirituelle et morale) qui minent notre monde. C’est dans ce monde « miné » qu’il est alors bon de se souvenir de la parole qu’a prononcée Jérémie (29.11) dans le contexte dramatique de son époque : Je connais les projets que j’ai formés pour toi, dit l’Éternel, projets de paix et non de malheur, afin de te donner un avenir et une espérance. (cf. aussi Mt 6.31, Ph 4.6…)

 

 

 

Quels sont donc ces projets de paix ?

 

La parole suivanteUn texte clé pour la réflexion est d’Ec 11.9 à 12.3 me vient à l’esprit (Segond 21) : Jeune homme, réjouis-toi dans ton adolescence, livre ton coeur à la joie durant ta jeunesse, marche en suivant les voies de ton coeur et les regards de tes yeux ! Cependant, sache que pour tout cela Dieu t’appellera en jugement… Souviens-toi de ton Créateur durant ta jeunesse avant l’arrivée des jours mauvais, avant d’atteindre les années où tu diras : « Je n’y prends aucun plaisir » (Ec 11.9 à 12.3, Segond 21). Un mot sur : Réjouis-toi… en suivant… les regards de tes yeux. Ceci n’est pas une invitation à la convoitise de la chair (2 Tm 2.22). L’Ecclésiaste invite plutôt le jeune à s’émerveiller de la création de Dieu (Gn 1.31). Il l’invite aussi à se « souvenir ». Le jeune est une créature qui appartient au temps. Il est donc soumis à une « décrépitude » inexorable en fonction de l’âge. Il s’agit de reconnaître cela dans la période où cette « décrépitude » est la moins apparente. C’est seulement dans cet état d’esprit que le jeune pourra vraiment comprendre sa jeunesse et en jouir pendant qu’elle lui appartient (Ps 118.24). La perspective de la vieillesse et de la mort conduit ensuite l’Ecclésiaste à exhorter : Souviens-toi de ton Créateur – et non pas juste « souviens-toi qu’il te faut mourir », comme pourrait le déclarer n’importe quel philosophe un peu raisonnable. Cependant, sache que pour tout cela Dieu t’appellera en jugement. C’est avec cet avertissement qu’apparaissent la sagesse et la volonté de Dieu. Souvienstoi de ton Créateur durant ta jeunesse. Ce n’est qu’après avoir compris ce qui est agréable au Père que le jeune chrétien pourra l’accomplir dans sa vie et, ainsi, contribuer à le glorifier ! Dans cette recherche de la volonté de Dieu, il faut qu’il distingue entre la volonté générale et la volonté particulière du Père pour lui.

La volonté générale de Dieu s’applique à tous les chrétiens, et aux jeunes en particulier. Nous avons été créés par lui, pour le connaître et avoir une relation personnelle avec lui, si possible dès notre jeunesse. Tout prend alors un sens et une dimension éternelle. Blaise Pascal avait une trentaine d’années quand il s’est converti après plusieurs années de recherche de Dieu. Cet événement a été essentiel dans sa vie puisqu’il l’a consigné sur papier et qu’il gardait précieusement ce papier dans la doublure de son manteau ! Le théologien J. Edwards a été l’instrument de Dieu dans le grand réveil américain vers 1735. Juste avant sa 20e année, Edwards a pris la résolution suivante : « Ne jamais perdre un seul instant, mais en tirer le meilleur parti, du mieux que je peux ! » (Ga 6.10) Le jeune va découvrir la volonté générale de Dieu dans la Bible ainsi que des principes pour le guider dans son projet de vie. Cependant, qu’il ne s’attende pas à y découvrir la volonté particulière de Dieu pour lui ! En effet, cette volonté-là tient compte des caractéristiques de chaque personne. Elle est différente d’un jeune à un autre. Elle touche par exemple au choix d’un métier ou d’un conjoint. Pour les détails pratiques, les jeunes doivent en décider après réflexion et prière, en ayant pris conseil auprès de chrétiens plus expérimentés. J’aimerais maintenant donner deux caractéristiques et une réflexion sur les études et le choix d’un métier.

 

  • La première caractéristique d’un projet de vie réussi, c’est tout d’abord l’acquisition d’une bonne culture générale pour le jeune. Ceci est vrai pour faire face à la vie de tous les jours, et pour être mieux préparé aux divers changements, y compris le changement éventuel d’emploi. Ceci est vrai également pour mieux comprendre le monde dans lequel nous vivons. Comment apprécier par exemple toute notre culture occidentale sans avoir étudié son passé judéo-chrétien ? De plus, c’est un privilège de naître dans une famille paisible, et qui, de surcroît, accompagne l’acquisition progressive des connaissances. Mon père n’avait que le certificat d’études primaires, ce qui représentait beaucoup à son époque. Cependant, il ne cessait de me répéter qu’il était essentiel de s’adonner aux études pendant qu’on est jeune. En effet, il avait compris que les potentialités sont du côté de la jeunesse.


  • La seconde caractéristique, c’est l’acquisition d’une spécialisation qui débouche sur un emploi intéressant. Toute conception du travail qui ne regarde qu’au bas de la fiche de paye se situe très en retrait par rapport à la perspective judéo-chrétienne pour l’activité humaine. Certes, le travail est la façon par laquelle le jeune se procurera le revenu qui le fera vivre, mais il est d’abord l’exercice d’une activité qui le mettra en relation avec le monde créé, et avec ses différents collègues, sous le regard bienveillant du Créateur. Son travail sera ensuite une activité professionnelle qu’il aimera exercer. C’est aussi une activité qui pourrait permettre une évolution de carrière avec prise de responsabilité. Enfin, une activité qui laissera également, dans la mesure du possible, une place, non seulement pour la vie de famille et de vrais moments de détente, mais aussi pour un engagement bénévole au service des autres.

 

 

Réussir ses études signifie-t-il donc réussir son projet de vie ?

 

Je voudrais inviter les jeunes à un questionnement honnête sur tout ce qui paraît tellement important dans notre société : réussite universitaire à tout prix, emploi lucratif en fin d’études,lutte de pouvoir jugée inévitable dans la vie professionnelle. Comment le jeune croyant peut-il vivre au contact de la société sans se laisser dévorer par elle et sans mener une double vie ? J’aimerais Je proposer trois pistes d’action.

 

  • La première de ces pistes, c’est d’essayer de vivre des standards éthiques élevés. Récemment, des banquiers ont été détruits à cause de montages financiers douteux ! Les conséquences ont été désastreuses avec l’effondrement de l’immobilier, la chute des marchés boursiers, suivi de millions de chômeurs supplémentaires. Pour le Pr E. COGGINS1, le point commun de ces échecs est que des dirigeants d’entreprises de premier plan ont caché la vérité ou abusé de leur pouvoir pour des gains immédiats ou personnels ! A contrario, des études ont démontré que des standards éthiques élevés ont permis à des entreprises en difficulté de se relever de situations dramatiques… Je me souviendrai, ma vie durant, de mon sujet de philo au bac : « Le bonheur est-il étranger à la conscience morale ? » Pour réussir son projet de vie, le jeune ne devrait-il donc pas revenir à des valeurs éthiques d’une grande exigence (Pr 2.9) ? Et se rappeler ces préceptes de base : incarne ce que tu crois, ne triche pas, sois cohérent.

 

  • Une deuxième piste, c’est apprendre à vivre le contentement. Et cela dans le double sens du terme : « se contenter », c’est-à-dire à la fois « se limiter » et « être heureux ». Force est de constater que les jeunes sont constamment assaillis par les « valeurs » de la société et par toutes sortes de distractions- dispersions. Pascal avait déjà pointé du doigt la « vacuité » du divertissement à outrance. À plus forte raison aujourd’hui, dans un contexte d’immédiateté, de « tout, tout de suite » et de « toujours plus ». À ce propos, J. STIGLITZ, prix Nobel d’économie en 2001, a souligné les limites du Produit Intérieur Brut. Il a suggéré des indicateurs plus pertinents, orientés sur la mesure du bien-être et prenant en compte le capital naturel, humain et social. Une certaine mesure du bonheur, quitte à ramer à contre-sens ! Mais un poisson bien vivant ne naget- il pas justement à contre-courant ?

 

  • Une troisième piste pour le jeune chrétien est donnée par 1 P 4.10 : Puisque tu as reçu un don, mets-le au service des autres. Cela rejoint la parabole des talents enseignée par Jésus, et aussi ce qu’a pu vivre Onésime. Celui-ci a finalement expérimenté un projet de vie utile (Phm 11). « Toi, jeune, lève-toi, car le Seigneur veut te rendre utile, à son service, aussi bien sur ton lieu de travail que pendant tes loisirs ! » Si nous posions à Jésus la question : « Quel projet de vie pour les jeunes ? », il nous répondrait : « C’est de découvrir qui est Dieu le Père et celui qu’il a envoyé, à savoir son Fils, Jésus-Christ. » Et il ajouterait : « Je suis venu pour donner aux humains, et aux jeunes en particulier, un projet de vie réussi, c’est-à-dire la vie en abondance ». Même si les gens autour de nous se mettent à appeler le mal bien et le bien mal, Jésus encourage le jeune croyant par ces paroles (Ap 3.11) : Je viens bientôt. Tiens ferme ce que tu as, afin que personne ne prenne ta couronne (cf. aussi 1 Jn 2.14 et Ps 119.9).

 

J-C.P.

 


NOTE

 

1. Eric Coggins, MBA en «Global Management», Professeur à «California Baptist University in Riverside»