L’identité évangélique

 

 

 

Une des conditions pour entrer dans un dialogue interconfessionnel sans crainte de l’autre, c’est de l’aborder en étant au clair sur son identité, sur ses propres convictions et en ayant discerné ce qui, dans la foi chrétienne, est «négociable» de ce qui ne l’est pas.

 

 

Le dialogue est un questionnement et une écoute réciproques. Le dialogue permet de mieux connaître l’autre, ses convictions, ses motivations ; il peut conduire à un nouveau regard sur soi-même, sur ses propres certitudes, ses propres pratiques. On y apprend à se considérer au travers du regard de l’autre. Ainsi dialoguer n’est pas chercher obligatoirement un consensus.

 
 Il est possible que le dialogue nous amène à modifier et à renouveler notre façon de témoigner. Cela nous permettra d’être mieux compris par notre prochain. Peut-être même, certains points de notre foi seront-ils mis en question, ce qui peut être déstabilisant. 
 
Il ne s’agit ni de brader des pans de la doctrine évangélique devant les assauts ou les suggestions subtiles de théologiens, ni d’abandonner les fondements de la foi affirmés dans l’Ecriture Sainte. Il ne s’agit pas de remettre à plat notre foi, comme si notre conviction évangélique était une conviction subjective, susceptible d’être mise en doute, modifiée dans ses fondements, remplacée par une autre révélation : nous la croyons fondée sur l’Ecriture Sainte qui ne varie pas. Cependant, même dans nos Églises évangéliques, des traditions se sont établies, sous forme d’enseignements ou de pratiques compréhensibles dans la culture où nous vivons. Dans quelle mesure ne pourrait-on pas les dire ou les vivre autrement ?
 
 Dans ce qui suit, nous présenterons les fondements intangibles de la foi chrétienne, évangélique, puis des points secondaires mais non sans importance.
 

 

A) LES FONDEMENTS DE NOTRE FOI 

 
Les différents articles de la confession de foi de nos Eglises1 sont des points «non négociables» dans tout dialogue interconfessionnel.
 

 La Bible est la Parole de Dieu


L’épître aux Hébreux (5.12) fait allusion aux «oracles de Dieu», expression qu’Etienne utilise pour désigner la loi et les enseignements donnés par Moïse (Ac 7.38) ; chez Pierre, ces paroles de Dieu (logia) sont révélées dans l’Evangile (1 P 1.25). L’ensemble de la révélation concernant le Christ constitue la Parole, qui est non seulement enseignement conduisant au salut (2.2), mais «puissance actuellement agissante» (1.23)2

 

La Bible est fiable 

 
L’ensemble de cette parole prophétique constitue l’Ecriture, écrite sous l’inspiration du Saint-Esprit (2 P 1.20- 21). Nous affirmons la Bible, «entièrement Parole de Dieu, exempte d’erreur dans les originaux, ultime autorité en matière de foi et de vie chrétienne.» C’est ce que la théologie appelle «l’inerrance» de l’Ecriture. Son texte ne se perd pas dans des errances hypothétiques, des mythes, des légendes et des fables, voire des erreurs théologiques. Le doute sur la fiabilité de l’Ecriture, ne fût-ce que dans une minorité de textes, ouvre la porte à de trop nombreuses interprétations ou critiques subjectives. 
 
 

La Bible est écrite par des hommes et inspirée par le Saint-Esprit 

 
C’est ce que Pierre affirme en 2 P 2.20-21. Tout en conservant le style personnel de l’auteur, le génie des langues hébraïques et grecques, au travers d’une grande variété de styles littéraires (poétique, prophétique, didactique, apocalyptique, chronique historique, fable,…), le Saint-Esprit a su guider les auteurs pour nous révéler la pensée de Dieu sans la déformer. L’harmonie et la convergence entre des textes écrits sur un laps de temps de plus de 1500 ans est un fait unique au monde. 
 
 

Les textes bibliques nous sont parvenus intacts 

 
L’observation et l’étude textuelle des manuscrits anciens montrent avec évidence que le texte a été transmis avec une fidélité sans faille siècle après siècle : d’abord l’Ancien Testament, puis le Nouveau Testament. 
 

L’homme et le péché

 
 L’homme ne peut que périr loin de Dieu, incapable de se repentir et de croire sans l’aide du Saint-Esprit. 
 

Le salut est un don gratuit de Dieu, totalement immérité et parfait. 

 
Cette réconciliation commence avec la repentance (metanoia), l’abandon des actes qui mènent à la mort. Par la foi personnelle en l’oeuvre expiatoire du Christ, l’homme est libéré de la condamnation du péché. L’Esprit de Dieu le rend alors capable de ressembler de plus en plus au Christ en manifestant dans sa vie des «fruits spirituels» (l’amour, la patience, etc.), d’acquérir une maturité et une connaissance de la volonté de Christ, d’attendre la pleine rédemption de son être avec une espérance ferme. 
 

L’Eglise

 
 Appelée le Corps de Christ, elle rassemble tous les hommes nés de nouveau, morts et ressuscités spirituellement avec Christ, décédés ou vivants encore sur la terre. Les Églises locales, formées de croyants véritables, en sont une manifestation visible partielle. 
 
Le baptême des croyants est image de la mort et de la résurrection avec Christ de celui qui est immergé dans l’eau. La cène est un acte de mémoire rappelant la mort de Christ, la Nouvelle Alliance établie par Dieu entre lui et les croyants nés de nouveau. Ni l’un ni l’autre n’accordent de grâces particulières en vue du salut.
 

 L’au-delà 

 
Le Christ reviendra pour chercher les croyants ; ceux qui sont décédés ressusciteront, les autres verront leur corps transformé, pour être tous réunis en présence de Dieu. Les pécheurs impénitents seront jugés et condamnés à une séparation éternelle d’avec Dieu. 
 
Tous ces points sont clairement décrits et enseignés dans l’Ecriture. Ils ne peuvent être mis en doute. 
 
 

B) QUELQUES POINTS SECONDS 

 
D’autres points de l’enseignement biblique sont parfois interprétés de façon diverse même au sein de nos Églises CAEF. Il peut y avoir légitimement une diversité sur ces points seconds même au sein d’une Eglise locale. Cela ne devrait normalement pas poser de problèmes dans la mesure où il y a une attitude respectueuse réciproque, dans la limite des enseignements de l’Écriture.
 
 Le terme second ne signifie pas que leur importance est négligeable. La personnalité du chrétien, l’histoire personnelle ou celle des communautés, la culture du lieu ou du moment, les traditions reçues peuvent en donner une perception et une pratique différentes. C’est le cas pour les points suivants :
 
 

L’eschatologie 

 
Sans remettre en question ce qui ne peut l’être (le retour de Christ, les jugements, le ciel, l’enfer…), la chronologie des événements de la fin a été diversement décrite au cours des siècles et encore aujourd’hui. Par exemple : la façon dont le millénium se réalisera, le déroulement d’une «grande tribulation», l’espacement des jugements…

 

 Les structures, les formes et les pratiques de l’Eglise locale

 
 Des modes de fonctionnement congrégationnaliste différents se vivent dans nos Églises. Dans la communauté locale, l’ordre et la discipline s’exercent parfois différemment, plus ou moins exigeants selon les convictions et les pratiques habituelles. 
 
La mise en valeur et la gestion des dons dont certains peuvent être appréciés différemment, s’expriment de façon variée dans nos Eglises. Cette diversité peut être liée aux personnalités, à l’éducation ou la culture d’origine.
 

 Les implications sociales et politiques

 
 Elles correspondent à des engagements variés dans un monde complexe. En particulier sur : 
  •  les questions éthiques liées à l’individu ou à la famille, 
  • les questions éthiques en rapport avec la société environnante (pauvreté, xénophobie, extrémismes),
  • les rapports Nord-Sud, – les enjeux écologiques. 

 

Les points d’actualité récurrents 

 

Certains points d’actualité reviennent périodiquement sous des formes différentes, tels que les débats sur :

  • les origines, 
  • les différents types de médecine, 
  • les multiples courants de psychologie,
  • les écoles de pédagogie, 
  • l’utilisation du fantastique par les médias. 

 

N’est-il pas souhaitable que l’on puisse apprendre à connaître la façon dont d’autres frères et soeurs vivent ces aspects de la vie chrétienne et de mieux comprendre leurs motivations et leurs arguments ? N’est-il pas souhaitable de faire taire la critique et de manifester l’unité qui lie tous ceux qui sont rachetés par Jésus-Christ au-delà des barrières dénominationnelles et confessionnelles sans pour autant devoir les abolir ? 

 

N’est-il pas concevable que l’on soit amené à réviser certaines certitudes qui nous sont propres parce que nous comprenons leur relativité ou leur faiblesse par rapport à ce qu’ont découvert ou ce que vivent d’autres frères ? Pour autant bien sûr que cela ne mette pas en cause les fondements intangibles de la foi biblique. 

 

Commission Théologique des CAEF

 


NOTES
 
 
1. Les C.A.E.F., édité par l’Entente Evangélique, 1997
 
 
2. Samuel BÉNÉTREAU, La Première Epître de Pierre, Edifac, 1984, p. 247.

 

 

3. La foi en l’inerrance de l’Ecriture n’impose pas une lecture mécanique du texte ; au contraire, l’Ecriture invite elle-même a une lecture intelligente, capable de discerner le sens derrière la lettre. Un lecteur averti distinguera les oeuvres littéraires, et les formes stylistiques.

 
 
4. Nous n’ignorons pas le problème des leçons diverses ; cependant ces leçons diverses ne changent pas, l’essentiel de la doctrine évangélique. 5 Voir développement sur le texte complet sur le site CAEF