Les dons : un regard pluriel

 

 

Par Marie-Christine Fave

M.C.Fave

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Une liste ?

 

Le Nouveau Testament présente 5 listes1 de dons. Dans ces passages, l’objectif ne semble pas de dresser une liste, mais de relever certains principes : les dons sont des cadeaux de la grâce de Dieu pour le bien de tous et ils sont variés. Ces points reviennent presque tous dans chacun des textes, même si ces derniers ont leurs spécificités. Romains 12 insiste davantage sur un emploi correct des capacités et met en garde par rapport à la prétention. 1 Corinthiens 12 se situe dans un contexte où l’apôtre Paul réajuste une conception trop centrée sur l’extraordinaire avec des risques, là aussi, d’envie ou d’orgueil. Quant à Éphésiens 4, ici Paul ne cite pas des dons, mais les personnes qui les ont reçus. De plus, malgré le « à chacun » du v.7, il n’inclut pas tous les dons, mais ceux dont les fonctions concernent la conduite spirituelle de l’assemblée. On retrouve en partie ces mêmes personnes/dons dans 1 Corinthiens 12 où Paul met en priorité ces dons dans un ordre assez similaire.

 

Ces énumérations témoignent en fait de la diversité des dons, des services et des mises en oeuvre, comme l’affirme Paul (1 Co 12.4). L’idée est bien présente également dans les autres textes, soit directement soit au travers de la notion du corps.

 

De plus, aucune de ces listes n’est identique à une autre, ce qui laisse penser qu’elles ne sont pas exhaustives. Si on tient compte des dates supposées de rédaction des épîtres, elles deviennent de plus en plus courtes avec les années. La dernière (1 P 4.11) ne fournit que 2 catégories : parole et service.

 

Il semble donc que le Nouveau Testament ne présente pas une liste formelle et officielle des dons. Nous allons dans la suite examiner ces divers dons en distinguant principalement, comme dans 1 Pierre 4, ceux en relation avec la parole puis avec le service2.

 

 

Parler

 

La prophétie

 

Le don de prophétie ou de prophète est le seul mentionné dans les 4 passages (début et fin de 1 Co 12 ; Rm 12 ; Ép 4). Nous ne développerons pas le sujet ici puisqu’il fait l’objet d’un article à part.

 

L’enseignement

 

bible-en-mainIl apparaît dans presque toutes les listes, ce qui montre son importance aujourd’hui et peut-être encore plus dans l’Église des débuts. En effet, acheter un manuscrit n’était probablement pas à la portée de chacun3.

 

L’enseignant explique la Parole de Dieu. Cela sous-entend une bonne connaissance et compréhension de celle-ci, et donc du temps consacré à l’étude. Un investissement est nécessaire : que celui qui enseigne s’attache à l’enseignement (Rm 12.7). Le défi consiste ensuite à transmettre un message de façon accessible selon les divers publics. L’enseignant sait s’adapter au niveau de ses auditeurs tout en abordant les vérités issues du texte biblique. Il sait dégager les grands principes du sujet traité, faire une synthèse de ce qui est essentiel à retenir. « C’était clair, on suivait facilement », comme on entend parfois. Néanmoins, on constate que tous les enseignants ne sont pas tout public ni toutes circonstances. Certains « passent mieux » avec une tranche d’âge ou dans un milieu. « Et lorsqu’un de mes moniteurs d’école du dimanche m’a raconté l’histoire du déluge, explique Rob PARSONS, j’ai eu parfois l’impression d’avoir les pieds mouillés »4. Un professeur d’Institut biblique n’aurait peut-être pas eu le même impact sur ce groupe d’enfants. En effet, au don d’enseignement se rajoutent le profil, le tempérament et l’expérience de la personne.

 

Quelle différence entre le don d’enseignement dans la Bible et celui pratiqué dans la vie courante ? Les deux requièrent pour leur application des connaissances, voire une formation, du travail, de la pédagogie et dans une certaine mesure de la créativité. Mais l’enseignant biblique dépend de Dieu pour saisir le sens et la portée de ce qu’il étudie. La prière fait alors partie de sa préparation. De plus, il ne communique pas un simple savoir, mais une parole vivante et efficace. Il demande à Dieu que les coeurs soient touchés et les vies transformées.

 

L’exhortation

 

Romains 12 mentionne à la fois la prophétie, l’enseignement et l’exhortation, ce qui laisse supposer une différence entre les trois. D’après les commentaires, le mot grec dans Romains 12.8 possède un éventail assez large de significations allant de l’encouragement à l’exhortation ou au réconfort. À titre d’exemple, le surnom Barnabas est traduit : fils de consolation, fils d’exhortation ou fils d’encouragement selon les versions. Barnabas a su prendre Paul à ses côtés malgré la peur ressentie à Jérusalem, puis Marc, malgré l’échec précédent de ce dernier5.

 

Ce don s’applique en public lors d’une prise de parole, mais bien souvent en privé quand il s’agit de soutenir celui qui faiblit ou qui traverse des difficultés. L’idée de reprendre quelqu’un n’est pas exclue. Nous sommes tous appelés à pleurer avec ceux qui pleurent (Rm 12.15). Toutefois, dans la pratique, on constate que certains arrivent avec leurs gros sabots tandis que d’autres « savent s’y prendre ». Ces ouvriers de consolation, d’encouragement, laissent parfois une parole qui fait écho chez celui qui l’entend et le soutient maintenant et demain.

 

Une parole de sagesse, de connaissance

 

Ces dons n’apparaissent qu’une fois (1 Co 12.8) et sans commentaire. Tout le monde ne les comprend pas de la même manière. Certains interprètent la parole de connaissance comme une révélation de Dieu concernant une situation, une personne. Les mots que Paul emploie ne sont pas spécifiques au vocabulaire religieux. Il ne les décrit pas, alors qu’il détaille longuement la prophétie. Certains y voient une raison forte de les considérer dans le sens courant de sagesse et de connaissance.

 

Ces dons semblent ponctuels puisqu’il est question d’une parole et non d’un don de sagesse ou de connaissance. La décision prise par les apôtres suite aux murmures des hellénistes6 en constitue peut-être un exemple. On peut voir une application de ce don quand, lors d’une réunion, on débat d’un sujet. Puis quelqu’un exprime un conseil, un avis qui apporte une solution et qui fait souvent l’unanimité, tous les participants reconnaissant le bien-fondé de ce point de vue.

 

L’évangéliste

 

Parler de Dieu semble naturel chez certaines personnes. Je pense par exemple à Coralie : elle croise une dame âgée qui lui demande de l’aide dans la rue pour attacher sa capuche (il pleut). Quelques phrases et la voilà partie dans une discussion autour de Dieu. Sa préoccupation pour les non-chrétiens se perçoit dans ses prières, ses conversations. Un fardeau pour les non-croyants, une facilité pour témoigner de sa foi et pour interpeller l’auditeur sont souvent le lot de l’évangéliste. Il ose remettre en question, inviter la personne à se tourner vers Christ. Dans la Bible, nous trouvons l’exemple de « Philippe l’évangéliste »7 et bien sûr de Paul.

 

Le pasteur

 

Il est mentionné une seule fois (Ép 4.10) et il est associé au terme d’enseignant. Les deux veillent sur l’Église en l’édifiant par la Parole et en prenant soin de ses membres. On peut observer ceux qui ont un don pastoral : les gens viennent spontanément vers eux pour faire part de leurs soucis, leurs craintes… Ces pasteurs écoutent avec patience, conseillent, prient et souvent portent ces personnes. Ils ont un coeur de berger et une sensibilité pour ceux qui peinent.

 

L’apôtre

 

Et Dieu a établi dans l’Église premièrement des apôtres… (1 Co 12.28). Éphésiens 4.11 les place aussi en premier dans la liste des personnes/dons. Le sens restreint du terme apôtre concerne essentiellement les 11 disciples, Paul et Barnabas, Jacques8. L’expression est parfois élargie aujourd’hui en prenant la signification d’envoyés. Elle désigne alors des missionnaires qui arrivent dans une zone où l’Évangile est inconnu et qui implantent des Églises. Qu’on opte ou pas pour cette terminologie, ce ministère requiert un profil particulier : celui de pionnier.

 

 

Servir

 

Le service

 

Jésus-Christ nous a laissé un exemple fort en lavant les pieds de ses disciples. Nous sommes tous appelés à servir, mais celui qui a un don de service montre souvent des capacités au niveau pratique qui le rend assez efficace dans certains domaines. Il perçoit les besoins, notamment matériels, logistiques, et se lève naturellement pour y répondre. Dans l’Ancien Testament, Dieu a rempli Betsaleel de sagesse, d’intelligence et de compétence pour toutes sortes d’ouvrages9.

 

La miséricorde (Rm 12.8)

 

Le don de secourir (1 Co 12.28)

 

Ce don s’exprime auprès des nécessiteux, des personnes en souffrance, avec un coeur touché par la misère du prochain. Là encore, une sensibilité sera flagrante. Romains 12 recommande d’exercer ce don « avec joie ».

 

La libéralité

 

Ce don apparaît uniquement en Romains 12 avec le conseil de la pratiquer avec largesse, générosité. Littéralement, c’est « le répartissant », c’est-à-dire celui qui répartit, qui partage. Il s’agit probablement d’une personne qui a à coeur de donner pour l’oeuvre de Dieu et qui le fait avec sagesse. Celui qui contribue ainsi financièrement pour un projet participe à sa réalisation.

 

Une aptitude à présider, à diriger

 

Romains 12.8 mentionne celui qui préside avec un terme signifiant « se tenir devant ». L’application peut aller de la présidence d’un culte à la direction d’une oeuvre en passant par l’animation d’une réunion. Dans un culte, présider et prêcher ne correspondent pas au même don. Animer une réunion en favorisant l’expression des idées et des avis tout en gérant l’ordre du jour et le timing : c’est à la fois un art et un travail de préparation.

Pour l’aptitude à diriger, le mot en 1 Corinthiens 12 est littéralement « gouvernement » et correspond à l’activité d’un homme de barre d’un navire10. La direction d’un projet ou d’une oeuvre fait appel à un sens de l’organisation, de la prise de décision, de la capacité de gérer les obstacles et de travailler en équipe, sans oublier une vision développée et entretenue dans la dépendance de Dieu. Néhémie, par exemple, fait preuve de beaucoup de ces capacités dans la reconstruction de la muraille de Jérusalem.

 

L’hospitalité (1 P 4.9)

 

Elle n’est pas présente dans les différentes énumérations. Certains en tiennent compte parce qu’elle précède immédiatement la mini-liste des versets 10 et 11. Mais juste avant, au v.8, Pierre encourage à avoir un amour constant les uns pour les autres. Exhorter à l’hospitalité peut être compris comme une application de cet amour. Néanmoins, reconnaissons que certains exercent davantage l’hospitalité que d’autres. Non seulement, ils apprécient d’inviter, mais encore ils savent mettre leurs hôtes à l’aise.

 

 

Autres Dons

 

Dons dits « miraculeux »

 

Des dons de guérisons, de miracles, de parler en langues, de les interpréter ainsi que le discernement des esprits sont cités en 1 Corinthiens 12. Les 4 premiers sont abordés dans un autre article. Quant au dernier, l’étude demanderait aussi de la place et ne sera pas effectuée ici.

 

La foi

 

« Il s’agit, non pas de la foi qui sauve, mais d’une confiance dans le Seigneur qui pousse à l’action… C’est peut-être l’oeuvre de l’Esprit par laquelle il donne à un membre de l’assemblée la conviction que Dieu va agir et pourvoir dans un projet quelconque… »11

 

Dons artistiques

 

Absents des différentes listes, mais pas nécessairement du Nouveau Testament, ils sont bien représentés dans nos Églises et dans l’Ancien Testament. Betsaleel et Oholiab étaient remplis « d’habileté pour exécuter tous les ouvrages de sculpture et d’art… »12

 

Une grande diversité

 

Dieu, dans sa grâce et sa sagesse, distribue des dons variés et complémentaires. Les capacités se combinent dans un assortiment adapté pour chacun. Et cette différence existe non seulement dans les dons reçus, mais aussi dans les multiples manières et occasions de les utiliser.

 

MC.F.

 


NOTES

 

1. 1 Co 12.7 à 10 et 27 à 30 ; Rm 12.3 à 8 ; Ép 4.11 à 13 et 1 P 4.10 à 11.

 

2. Une distinction qu’on peut déjà voir en Actes 6, versets 2 à 4.

 

3. Une estimation, citée dans « Tyndale New Testament Commentaries : 1 Corinthians », évalue à un an de salaire le prix pour se procurer un évangile en papyrus, et à 8 ans de paye d’un ouvrier qualifié pour un Nouveau Testament.

 

4. Rob PARSONS : « Ce que j’aurais aimé apprendre plus tôt »

 

5. Barnabas : voir Actes 4.36 ; 9.27 ; 15.39

 

6. Actes 6, versets 1 à 4

 

7. Actes 21.8

 

8. Les 11 disciples : Ac 1.26 ; Paul et Barnabas : Ga 1.1 et Ac 14.4 ; Jacques : Ga 1.19

 

9. Voir Exode 35.31

 

10. « Tyndale New Testament Commentaries : 1 Corinthians »

 

11. Henry Bryant (Commentaire Biblique : 1 Corinthiens)

 

12. Voir Col 3.16 pour le Nouveau Testament et Ex 35.35 pour l’Ancien Testament