Un appel, un projet,

 

se mettre en route

 

 

Par Olivier BORY

O-Bory

 

 

Celui qui choisit de partir le fait suite à un appel, une vocation ou une envie de changement. Mais si, dans l’histoire de la mission, on partait sans savoir quel serait son ministère sur place, on partait en quelque sorte vers l’inconnu. Le contexte a changé, et il nous appartient de nous y adapter.

 

 

 

 

 

L’Histoire nous enseigne

 

Les balbutiements de la mission moderne sont entachés de quelques errements qui ont leur lot d’enseignements1. L’appel de Dieu était là, la volonté humaine aussi, et les missionnaires partaient sur le champ missionnaire, mais pas toujours dans les meilleures conditions. Une mauvaise préparation a conduit à de nombreux échecs, à des désillusions et des retours parfois anticipés, accompagnés d’une amertume qui aurait pu être évitée. C’est pourquoi un lien avec l’Église d’envoi, une mission accompagnante, un soutien et un suivi, ainsi qu’une collaboration avec l’Église sur le champ missionnaire – quand elle existe – sont nécessaires afin que le projet s’ancre localement, progresse dans de bonnes conditions et perdure dans les mains de la population locale.

 

 

Un départ missionnaire

 

Aujourd’hui, la différence entre la société occidentale et celle de l’hémisphère sud s’est amplifiée de manière exponentielle. Entre autres éléments, nous avons reçu une éducation gratuite et obligatoire, avec des enseignants dans les classes et un système de santé en progression constante. Il appartient à celui qui part de se souvenir de ces faits, car ils l’aideront dans son engagement et maximiseront son incidence pour la population visée. Aujourd’hui, un projet missionnaire qui n’inclut pas transmission de connaissances et formation est un projet incomplet, car tout ce qui est transmis est une possibilité pour les bénéficiaires de devenir autonomes à terme.

Quelle que soit sa motivation, celui qui part doit se préparer, doit préparer son projet.

 

 

Construire son projet2

 

« Si vous négligez de prévoir, vous prévoyez d’échouer. »3 Il est important de construire son projet. Pour ce faire, et pour éviter bien des obstacles par la suite, quelques questions de fond sont à se poser :

 

A. Quel ministère suis-je en train de projeter, et pourquoi est-il nécessaire ?

 

Poser cette question permet d’identifier les éléments importants du ministère dans lequel la personne projette de se lancer, sa faisabilité, l’utilité ou le besoin local, si le projet est uniquement émotionnel ou si ses racines sont plus profondes, et enfin de déterminer les options et les freins possibles pour atteindre le but choisi.

Ce n’est qu’une fois ces éléments clairement définis, identifiés, que le projet prendra corps, par la définition des objectifs intermédiaires et des résultats souhaités qui pourront être vérifiés pendant le déroulement du projet.

 

B. Définir par ordre les priorités et les tâches à accomplir

 

Dans le développement d’un projet, il importe de définir un début et une fin : l’objectif ultime recherché. Cela permettra de définir des étapes intermédiaires, ainsi qu’une évaluation du projet en temps réel, avec les adaptations nécessaires selon l’évolution ou l’apparition de contingences nouvelles et, peut-être plus tard, un prolongement nécessaire.

En effet, si l’un de vous veut bâtir une tour, est-ce qu’il ne prend pas d’abord le temps de s’asseoir pour calculer ce qu’elle lui coûtera et de vérifier s’il a les moyens de mener son entreprise à bonne fin ? (Lc 14.28)

En définissant une marche à suivre, on se place dans les meilleures conditions pour réussir. Dans un départ comme dans la mise en place et la réalisation d’un projet éducatif ou de développement, certaines étapes doivent se faire dans l’ordre, car l’étape suivante se base souvent sur les résultats de la précédente.

Une fois que le processus est défini, que la marche à suivre est claire, la mise en route proprement dite peut débuter.

 

C. Comment procéder et quelles sont les ressources nécessaires ?

 

De fait, si le ministère que la personne va développer sur place est important, il est nécessaire de partager la vision qui motive le départ, de construire sur une relation de confiance basée sur un engagement commun au sein des activités de la communauté, afin que chacun puisse entrer avec le candidat missionnaire dans le projet. Ce sera un gage de la durabilité de l’engagement, tant dans la prière que financier.

Si le soutien provient souvent d’un groupe d’amis, de l’Église locale ou de l’association d’Églises, le financement du projet, par contre, ne l’est plus nécessairement. Depuis quelques années, l’intégration des missions dans le tissu local et leur connaissance du milieu sont des gages de pérennité des projets. Si, dans les premiers temps des missions, les Églises fournissaient l’essentiel des financements, aujourd’hui, il est possible, notamment dans le développement et la santé, de trouver des fonds auprès d’organismes institutionnels, de fondations publiques ou privées. Dans ce but, il importe que quelques-uns parmi nous se forment dans la rédaction de projets, dans la gestion de projets, afin d’utiliser la terminologie et la structure de rédaction qui permettront aux bailleurs de comprendre l’importance du projet pour accepter de le soutenir.

 

D. Une formation est-elle nécessaire ?

 

Suis-je formé pour me lancer dans ce ministère ou dois-je auparavant suivre un stage afin d’acquérir quelque expérience, ou suivre un cursus académique ?

Aurai-je besoin d’une équipe, ici, sur place ? Ces questions permettront de définir le champ et l’engagement du candidat missionnaire, ce qui permettra de chercher des collaborateurs et un appui dans les domaines où le candidat serait plus faible, afin d’assurer au mieux le développement, la croissance et la réussite du projet missionnaire.

 

 

Partir… quitter…

 

Partir pour un court terme ou long terme demande du temps, du temps pour chercher la volonté de Dieu, du temps pour se préparer, du temps pour préparer les autres à notre départ.

Pour partir en mission, il faut un certain renoncement, faire d’une certaine manière un deuil de ce qu’aurait pu être une vie entièrement vécue en Occident, avec ses facilités, sa commodité, l’intégration dans une société. Il faut accepter la difficulté de se faire comprendre sur certains sujets, tant le vécu en Occident est aux antipodes de celui d’un pays en développement, quant au style de vie et aux attentes au quotidien.

Mais renoncement n’équivaut pas forcément à tristesse, car il y a des joies à partir, il y a des joies à servir au loin, il y a des personnes à découvrir et surtout… il y a une joie à dépendre un peu plus de son Dieu, tant il y a d’éléments que nous ne pouvons pas maîtriser sur le champ missionnaire.

 

 

Le pas de la foi

 

Voyez ces oiseaux qui volent dans les airs, ils ne sèment ni ne moissonnent, ils n’amassent pas de provisions dans des greniers, et votre Père céleste les nourrit. N’avez-vous pas bien plus de valeur qu’eux ? (Mt 6.26)

De fait, une fois que l’on a préparé au mieux son départ, que l’Église est solidaire, que le projet semble bien préparé, il reste le pas de la foi, celui où on entre dans l’inconnu, où on s’attend à la grâce divine et où, quand la lassitude, le manque des amis et de la famille se font sentir, on apprend à plus compter sur Dieu.

Faire le saut d’entrer dans un ministère missionnaire à plein temps, c’est en définitive suivre un chemin de dépendance à l’égard de Dieu que l’on ressent de manière parfois plus tangible que ceux qui restent.

Cependant, il y a un appel pour partir, il y a un appel pour rester. Personne ne peut faire l’économie de l’appel, car la mission est pour chacun d’entre nous.

Et si je reste, quel est mon projet ?

 

O.B.


 

NOTES

 

1. Précis d’histoire des missions, L’évangélisation du monde, éd. Institut biblique de Nogent 1998, p.356ss

 

2. Voir ressources sur le site de Tear fund International Learning Zone (TILZ) : http://tilz.tearfund.org/Francais/ : Roots

 

3. Dicton populaire, Roots, TEAR Fund, p.8