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Les étapes d’un conflit

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Par REYNALD KOZYCKI

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Car toute la loi est accomplie dans une seule parole, celle-ci : Tu aimeras ton prochain comme toi-même. Mais si vous vous mordez, si vous vous dévorez les uns les autres, prenez garde de ne pas être détruits les uns par les autres. (Ga 5.14-15)

 

 

Malgré la puissance de délivrance que Jésus apporte par l’Évangile, force est de constater que les désaccords, voire les conflits, ne disparaissent pas de la vie du chrétien tant qu’il est sur terre. Le conflit n’est pas un mal en soi, cependant s’il est mal traité il peut dégénérer à grande vitesse. Aucun conflit ne ressemble vraiment à un autre, toutefois par de grands traits, on peut dessiner un « niveau approximatif ». Cet article est basé sur quelques recherches dans la gestion des conflits d’Églises, sur l’observation et la pratique de l’auteur, ainsi qu’un séminaire animé par le Résam en mars 20121.

 

 

Conflits chez les Galates

 

La lecture du Nouveau Testament, et à plus forte raison l’observation du fonctionnement des Églises, nous atteste qu’une assemblée est fragile. Il ne faut pas grand-chose pour qu’elle se renverse, même si la promesse demeure que les portes de l’enfer ne prévaudront point contre l’Église en tant que Corps de Christ2. Chez les Galates, il a suffi de quelques beaux parleurs pour renverser l’enseignement que Paul avait apporté. Le légalisme infiltré dans cette Église a conduit à une vie très charnelle au point que Paul doive rappeler l’importance de l’amour pour son prochain comme accomplissement de toute la loi et faire une mise en garde redoutable sur le danger de se « détruire les uns les autres ».

 

 

Étape 1 : Émergence du conflit

 

Les sources de désaccords peuvent être innombrables. Dans l’étape 1, il ne s’agit pas seulement d’avoir des avis divergents comme ce fut le cas, par exemple, en Romains 14, à propos des sabbats, de la viande à manger ou non…, mais des « partis » commencent à se créer dans l’Église. On ressent déjà un malaise lorsqu’une personne rencontre quelqu’un de l’autre parti. Une certaine irritation, voire une colère « contrôlée », est palpable à cause des désaccords. Pourtant, on en reste souvent aux problèmes eux-mêmes. Les propos ne sont pas encore accompagnés d’insinuations, mais se basent souvent sur des faits. En revanche, les personnes peu matures spirituellement peuvent plus facilement déraper, dès ce stade, dans les hostilités que Paul décrit en Galates 5.19-21.

 

Cette phase est importante pour trouver des solutions, l’écoute réciproque est encore possible. Souvent les responsables de l’Église ont un rôle clé pour faciliter les échanges et envisager des solutions qui ne frustreront pas trop les différents partis. On peut repérer ce niveau, par exemple, en Actes 6 où les veuves grecques étaient lésées par un certain favoritisme envers les « Hébreux ». La tension devait se ressentir, mais la bonne gestion de cette situation par les apôtres a finalement conduit à nommer des responsables d’origine grecque et ainsi, apaiser le conflit.

 

Ne pas trouver de solutions à cette étape conduira l’Église dans une spirale régressive.

 

 

Étape 2 : Désaccord profond

 

La recherche de solution fait place à l’autoprotection. Les personnes pressentent que la situation peut se dégrader et vont éviter de se faire blesser par les propos peu fraternels de l’autre parti. On parle de plus en plus de ces désaccords, même à des personnes qui n’ont rien à voir avec la situation. Les réflexions vont bon train pour élaborer des stratégies en vue de faire face au conflit. Le vocabulaire passe du spécifique au général. On parle volontiers de « certaines personnes » sans plus nommer les individus. On accuse le parti adverse comme n’étant pas digne de confiance, « ils ne se comportent pas comme des chrétiens ». Certaines caricatures n’arrangent pas la situation, mais élèvent progressivement un fil barbelé entre les partis. À ce stade, il devient difficile de gérer le problème par les seules personnes de l’Église, mais la limite n’est pas encore franchie. Une écoute mutuelle peut encore s’envisager si une certaine humilité et maturité spirituelle émergent chez les personnes présentes. On pourrait faire le parallèle avec la phase de désaccord profond entre les hommes d’Éphraïm et Gédéon à cause de leur susceptibilité, froissée par le fait de ne pas avoir été appelés au combat (Jg 8.1-3). L’humilité de Gédéon, à ce moment-là, et l’écoute d’Éphraïm conduisent à la réconciliation.

 

 

Étape 3 : Contestation virulente

 

Désormais on passe de l’autoprotection au désir d’être vainqueur. À ce stade on dépasse le problème, tout devient prétexte pour s’attaquer aux personnes. Par exemple, d’un débat sur le choix de chants pendant le culte, on en arrive à désirer exclure le conducteur de louange, voire quelques anciens ou le pasteur… Les partis s’étoffent, cherchant un pouvoir de plus en plus grand. Dans les deux premiers niveaux, le vocabulaire restait relativement factuel, désormais on entre dans une sorte de « propagande » où la vérité est exagérée, déformée. On réfléchit de plus en plus en « tout noir, tout blanc ». On entend souvent les expressions : « Ils sont toujours… » ; « Ils ne sont jamais… » ; « Tous savent bien… » L’orgueil se développe, les uns affirment tout savoir et sont très sûrs d’eux-mêmes. D’autres analysent les mobiles secrets de l’autre parti en interprétant à tort et à travers les faits, gestes et pensées… Les généralisations vont bon train : on part d’un exemple et on fait toute une théorie sur le groupe adverse. Le temps se mélange dans les raisonnements, certains faits très anciens reviennent sur le tapis, placés au même niveau que le présent. C’est la phase où s’installe en profondeur la subjectivité décrite par Jésus : Pourquoi regardes-tu la paille qui est dans l’oeil de ton frère, et ne remarques-tu pas la poutre qui est dans ton oeil ? (Mt 7.3).

 

Cette phase ressemble aux tensions profondes en 1 Corinthiens 1-3 avec les différents partis dans l’Église. À ce stade, il devient quasi impossible de régler les problèmes sans faire intervenir des personnes extérieures ayant, si possible, un certain recul et de l’expérience. La réconciliation est encore envisageable, mais cela risque de prendre du temps.

 

 

Étape 4 : Lutte agressive

 

Désormais on ne cherche plus seulement à gagner, mais à faire fuir le parti adverse, et si possible, lui faire mal, l’humilier. Des mécanismes charnels se déploient, même chez le chrétien. La miséricorde et l’amour fraternel font place à la rancoeur, l’agressivité, voire la haine. On ne croit plus du tout que l’autre parti puisse changer. On met souvent en avant de grands principes bibliques : l’Honneur de Dieu, la Justice, la Vérité, la Discipline… Toute contestation d’idées est perçue comme une attaque personnelle.

 

De forts leaders prennent les choses en main et durcissent leurs positions, ils développent la cohésion de leur groupe et mettent tout en oeuvre pour la victoire du parti et pour faire mal.

 

À ce stade, mettre les partis en confrontation peut s’avérer dangereux. La résolution de conflits ne peut presque plus s’envisager à moins d’un miracle d’apaisement ou d’une profonde conviction de péché. Un intermédiaire expérimenté est indispensable s’il doit y avoir médiation.

 manifestation

Étape 5 : La guerre sainte

 

Nous arrivons dans certains cas à la phase la plus « irrationnelle », à la « folie furieuse ». Plus rien n’est contrôlable. On ne veut plus seulement le mal de l’autre, mais carrément le détruire. Paul écrit aux Galates en proie à des tensions violentes : Si vous vous dévorez les uns les autres, prenez garde de ne pas être détruits les uns par les autres (Ga 5.15). Le parti adverse est considéré comme l’ennemi à abattre, comme un non-être humain, un possédé. La spiritualité dévoyée s’en mêle. On se prend pour les grands justiciers qui vont accomplir les jugements de Dieu, un peu comme Phinéas en Nombres 25.6-8. L’heure de la vengeance a sonné, on oublie totalement que la vengeance appartient à Dieu seul (Rm 12.19). Lorsque cette étape est atteinte dans le monde, cela tourne au pugilat, voire à la guerre civile. Dans l’Église, on entre dans la « guerre sainte ». Les puissances de la « chair », du péché, se déploient. Les forces occultes distillent une logique paranoïaque.

 

La réconciliation a totalement disparu du champ de vision, c’est la rupture assurée avec un éloignement géographique vital. Selon les personnalités, une phase dépressive grave peut suivre, chez d’autres, une haine incontrôlable. Dans tous les cas, une amertume souvent très perceptible, parfois enfouie, ronge les personnes.

 

Peu de chrétiens s’en remettent lorsque cette étape est atteinte. Parfois, quelques années après les évènements, des miracles s’opèrent en vue d’une cicatrisation des blessures subies ou infligées. Il arrive que le pardon et la réconciliation aient lieu comme le retour de Jacob chez son frère Ésaü (Gn 32-33).

 

 

Conclusion

 

Les conflits dans l’Église peuvent prendre des proportions incalculables. En effet, pour le chrétien engagé dans son Église, les tensions y sont ressenties plus profondément que dans le monde du travail. L’Église est comme une famille qui, lorsqu’elle se déchire, blesse au plus profond de notre personnalité. Certains se diront que, dans ces conditions, il ne faut pas trop s’investir dans l’Église. Ce n’est pas la solution. S’engager dans son Église n’est pas simplement une option pour un disciple de Jésus, c’est son mode de vie naturel et normal. Par contre, il veillera à ce que les situations conflictuelles puissent se résoudre avant d’atteindre la troisième étape, en cherchant à vivre le contexte de ces versets de Galates 5.14-15, à savoir, aimer ses frères et soeurs, chercher à vivre plus profondément de la vie de l’Esprit, celle qui produit l’amour, la joie, la paix, la patience, la bonté, la bienveillance, la fidélité, la douceur, la maitrise de soi et qui permet de vaincre les puissances de la chair avec son lot d’hostilités, de disputes, de colères, de haine…

 

R.K. 3

 

 

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NOTES

 

1. Résam, Quand ça chauffe, Savoir vivre le conflit : Prévention, compréhension, transformation, coordonné par Thierry JUVET et Jonathan WARD. Ce séminaire était destiné aux différentes commissions des ministères des principales Unions d’Églises évangéliques françaises. La conférence de Madeleine BÄHLER et le débat qui a suivi ont inspiré en partie cet article. L’ouvrage de référence sur les différentes étapes d’un conflit est de Speed B. LEAS, Moving your Church through Conflict, Alban Institute, 2002. L’association mennonite Bridge Builders met à disposition sur son site, en anglais, une série de ressources intéressantes, reprenant notamment les conclusions de LEAS. On peut lire, en français, le dossier Action Missionnaire, septembre 2007, Gérer le conflit dans l’Église ; Les cahiers de Christ seul, no 3-4, 1995, Entrer en conflits. Voir aussi Frédéric ROGNON, Gérer les conflits dans l’Église, Éditions Olivétan ; Jacques et Claire POUJOL, Les conflits, Éditions Empreinte, 1989.

 

2. Mt 16.18