Blaise Pascal

 

 

Par DOMINIQUE MOREAU : ANCIEN D’UNE ÉGLISE CAEF DANS LA LOIRE

 

 

 « Alors que Blaise Pascal n’a vécu que 39 ans, puissions-nous vivre le double et atteindre un dixième de son influence dans ce monde ! »

 

 

 

Le scientifique

 

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Blaise Pascal naît le 19 juin 1623 à Clermont-Ferrand. Son génie précoce lui ouvre à 12 ans les portes de l’académie. À 16 ans, surprenant nombre de savants, notamment René Descartes, il y fait son premier exposé mathématique ! Ses recherches scientifiques le conduisent vers le calcul automatique avec l’invention de la machine arithmétique, et la physique avec ses expériences sur le vide et la pression atmosphérique. En sa mémoire, le S.I. (Système international d’unités) donnera son nom à l’unité de pression (symbole : Pa). Il continuera d’autres recherches jusqu’à sa mort…

 

 

Le croyant

 

En 1646, il découvre avec sa famille la foi en Christ à Port- Royal, lieu de mouvement spirituel et intellectuel au sein du catholicisme, axé sur la grâce, le renouvellement du coeur et la docilité à l’Esprit. Les épreuves constituent également des étapes importantes dans son cheminement vers la foi en Christ. On sait que Blaise était sujet à des migraines continuelles et qu’il a été longtemps malade. Affaibli en 1647, il se rend à Paris, où il se laisse aller dans une période mondaine jusqu’en 1654. Il fréquente les indifférents, les athées, les libertins, mais la conscience du Dieu de grâce restera et son analyse se nourrira de ces expériences. Fin 1654, il éprouve une grande insatisfaction et un dégoût pour l’existence qu’il mène.

Suite à un accident, dans sa misère intérieure, le « Dieu caché » se révèle à son coeur repentant et l’amène dans une deuxième approche de Dieu qui constitue sa conversion véritable.

 

 

Son apologie

 

blaisepascal-2Désormais, par plusieurs écrits, il applique son esprit de résolution et d’argumentation à défendre l’Évangile de la grâce. Son vécu déploie sa vision du monde perdu et fait naître en lui le désir de travailler à réfuter les raisonnements des athées de son époque. Il met en chantier une apologie du christianisme comme l’ont fait avant lui Clément d’Alexandrie ou Tertullien à la fin du IIe siècle contre les philosophies hostiles en vogue dans le monde romain. Prenant donc ce statut, celui qui n’avait écrit que de la science entreprend dès 1656 de montrer, par le raisonnement bien conduit, la foi qui dépasse le raisonnement ! Sans le langage religieux, il argumente avec méthode pour inciter le sceptique à se mettre en quête de la vérité et à la découvrir dans le Christ. Il échafaude son apologie, mais meurt à 39 ans, le 19 août 1662.

 

Il ne laisse à ses proches qu’un amas de pensées détachées, soit 800 fragments1 environ. Ils seront publiés à titre posthume sous le nom de Pensées en 1670 par les éditions de Port-Royal. C’est un succès, bien d’autres éditions se succéderont ! Ce recueil est considéré par beaucoup comme une oeuvre inachevée. Je suis plutôt partisan de considérer ce livre comme une apologie à composer ! Un livre qui nous fait réfléchir et qui nourrit notre argumentation sur la foi. Blaise y défend et illustre admirablement le christianisme.

Dans ses pensées, il encourage l’homme à raisonner, à faire le tour des choses. « L’homme est visiblement fait pour penser. C’est toute sa dignité et tout son mérite, et tout son devoir. »¹ (fr 513) Mais, pour résumer la suite, l’homme ne le fait guère. Pascal définit les obstacles au pur raisonnement sur la vérité : la coutume (l’habitude, la répétition) qui fait loi, sans remise en question ou réflexion personnelle (fr 158-159-661), l’imagination humaine qui mélange le vrai et le faux (fr 78-461), et l’amour propre qui préfère son bien personnel plutôt que le vrai ou le bien universel (fr 78-510). Il écrit notamment : « Notre propre intérêt est encore un merveilleux instrument pour nous crever les yeux agréablement ». Blaise Pascal engage le lecteur dans une logique de recherche. « Il faut savoir douter où il faut, assurer où il faut, en se soumettant où il faut. » (fr 201) Soit : remettre tout en question et réfléchir soimême sur Dieu, puis avoir foi en Dieu, puis obéir à Dieu.

 

Il poursuit en disant : « Nous connaissons la vérité non seulement par la raison, mais encore par le coeur. » (fr 142) Il écrira ailleurs : « Deux excès : exclure la raison, n’admettre que la raison. » (fr 214) Il place le sentiment intuitif qu’il appelle « le coeur » en tête de la raison. « C’est le coeur qui sent Dieu, et non la raison. » En plus du soupçon de Dieu, il introduit également le fait (comme dans le dessin central de Michel- Ange sur la voûte de la chapelle Sixtine) que le rapprochement de l’homme doit rencontrer nécessairement celui de Dieu. « Mais à ceux qui ne l’ont pas (la foi), nous ne pouvons la donner que par le raisonnement, en attendant que Dieu la leur donne par sentiment de coeur. » (fr 142) Il introduit ainsi la notion de la grâce divine pour le rencontrer. « Pour faire d’un homme un saint, il faut bien que ce soit la grâce. Et qui en doute ne sait ce que c’est que saint, et qu’homme. » (fr 440) Et encore : « La foi est un don de Dieu, non de raisonnement. » (fr 487)

 

Donc, sans exclure le raisonnement pour s’approcher de Dieu (puisqu’il en donne une multitude pour persuader le lecteur de se mettre en chemin), il montre que l’homme ne peut prétendre accéder par ses propres forces à la sphère du divin. Dans ce sens, il rejoint Jean Calvin et s’oppose à René Descartes. Il indique que Dieu se cache et tempère sa connaissance pour ouvrir son salut à ceux qui le cherchent et rester caché à ceux qui ne le cherchent pas : « Ce qui y paraît ne marque ni une exclusion totale, ni une présence manifeste de divinité, mais la présence d’un Dieu qui se cache. » (fr 690) « Dieu a voulu racheter les hommes et ouvrir le salut à ceux qui le chercheraient. Mais les hommes s’en rendent si indignes qu’il est juste que Dieu refuse à quelques-uns, à cause de leur endurcissement, ce qu’il accorde aux autres par une miséricorde (la grâce) qui ne leur est pas due. » (fr 182) Et encore : « Il n’était donc pas juste qu’il parût d’une manière manifestement divine et absolument capable de convaincre tous les hommes. Mais il n’était pas juste aussi qu’il vînt d’une manière si cachée qu’il ne pût être reconnu de ceux qui le chercheraient sincèrement. » D’où le ministère paisible et discret de Jésus-Christ, d’où sa façon de parler en parabole… Puis il écrit : « Il y a assez de lumière pour ceux qui ne désirent que de voir et assez d’obscurité pour ceux qui ont une disposition contraire. » Soit une compréhension et une analyse remarquable de la grâce de Dieu en Christ parmi les hommes ! C’est aussi ses errances et sa conversion qui transparaissent…

 

 

Son héritage

 

Retenons que Blaise est un homme qui a connu le péché, les doutes, l’égarement, la repentance, la foi véritable et le travail d’évangélisation suivant ses dons. Un chrétien qui nous ressemble, non ? Par l’écrit de ses pensées, il témoigne d’une volonté semblable à ce que l’apôtre Paul confiait aux Corinthiens : Nous renversons les raisonnements et toute hauteur qui s’élève contre la connaissance de Dieu, et nous amenons toute pensée captive à l’obéissance de Christ. (2 Co 10.5)

Blaise Pascal fait partie des chrétiens convaincus qui ont donné le meilleur pour convaincre. Puissions-nous le rejoindre !

 

D.M.


 NOTE

 

1. La numérotation des fragments (fr) suit l’édition Sellier. Il existe des tables de concordance avec les autres éditions.