Mariage, divorce, remariage dans la Bible

 

mariage brise

 

EXTRAITS CHOISIS PAR REYNALD KOZYCKI

 

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Que nous dit la Bible sur les fondements du mariage, sur l’éventuelle et tragique possibilité du divorce ? Et le remariage, peut-il se concevoir ? Cette question n’est pas nouvelle. Elle a été abordée aussi lors du congrès des Églises CAEF en 2001 et la commission théologique de l’époque1 avait produit un texte publié ensuite chez Excelsis2 en 2004. Nous proposons quelques extraits de cette réflexion.

 

 

 

AU COMMENCEMENT…

 

Deux textes de la Genèse sont considérés comme le fondement du mariage, bien que le terme même n’y soit pas employé. Or, ces deux récits de la création de l’être humain mettent d’emblée en évidence la valeur que Dieu attache à la dualité « homme-femme » de l’humanité : leur différence et leur unité à la fois reflètent quelque chose de la communion et de la diversité du Dieu trinitaire. Hommes et femmes, ensemble, sont investis d’une vocation et d’une bénédiction.

 

S’agissant du couple proprement dit, le premier texte (1.26-28) souligne une des finalités de l’union de l’homme et de la femme : être féconds, transmettre la vie par la procréation (cf. 3.20).

Le deuxième texte (2.7-8, 15-24) complète la dimension de la vocation humaine en mettant en lumière l’autre finalité : être en relation l’un avec l’autre, s’aider mutuellement. Il ne s’agit pas là simplement du constat d’un aspect utilitaire du mariage en faveur de l’homme, mais d’une intention précise et importante de la part de Dieu pour les deux conjoints (2.18a). Cela signifie que la sexualité humaine dépasse largement le cadre biologique ou comportemental de la constitution et de la vie du couple.

 

Cet aspect relationnel et social est développé par les paroles qu’on appelle institutionnelles du mariage : « C’est pourquoi… » (2.24). Les trois verbes « quitter, s’attacher, devenir… » décrivent l’ensemble des changements physiques, affectifs et sociaux qui s’opèrent normalement dans ces trois étapes menant au mariage. Sur un plan personnel, il s’agit des changements de rapport de l’enfant à sa mère et à son père pour entrer dans une relation d’adulte, qui trouvera un nouvel accomplissement dans une nouvelle communion d’âme et de corps, par un lien plus fort que celui avec les parents. Sur un plan social et juridique, il s’agit de la reconnaissance d’une nouvelle cellule familiale naissante et de l’engagement réciproque, déclaré publiquement, dans une alliance de fidélité. Cela implique, pour Dieu comme pour Jésus-Christ (Mt 19.4-6), que le mariage doit être monogame et permanent.

 

Le mariage est une institution « créationnelle », c’est-à-dire de l’ordre de la création. C’est pour cette raison qu’on peut trouver la trace de ses valeurs et caractéristiques fondamentales dans l’ensemble des cultures de tous les temps. Étant donné le rôle du couple et de la famille pour la cohésion et la pérennité de la vie du groupe humain, toute société a toujours cherché à entourer l’union d’un homme et d’une femme, fondant un nouveau foyer et une famille, de coutumes, de rites, de symboles, de lois.

 

 

DIVORCE ET REMARIAGE DANS LA BIBLE

 

La première mention biblique explicite du divorce se trouve dans un passage de la Loi de Moïse (Dt 24.1-4). Ce texte capital de l’Ancien Testament est le seul à contenir une réglementation précise du divorce appelé répudiation. Les références faites à son sujet aussi bien dans l’Ancien que dans le Nouveau Testament le soulignent.

 

Ce texte n’a pas toujours été bien compris. En effet, son intention n’est pas d’apporter un jugement sur le divorce en lui-même, mais, partant d’un état de fait peut-être assez courant, plutôt d’en écarter certains effets pervers. Il stipule l’interdiction à un homme de reprendre comme épouse la femme qu’il a répudiée et qui, entre temps, se serait remariée. En aucun cas, il n’énonce le divorce comme une obligation à cause de la découverte de « quelque chose d’inconvenant », mais il prend acte du fait que cela est possible. En déclarant que, sous certaines conditions, le divorce est permis, il établit des règles pour en limiter la pratique et les abus.

 

La « chose inconvenante »

Quelle était cette chose « inconvenante » ou « honteuse » ? Son interprétation pose problème. Littéralement, le mot signifie : « la nudité d’une chose ». Plusieurs exégètes mettent cette expression en parallèle avec les paroles de Jésus traduites par « sauf pour cause d’infidélité », ou « d’impudicité » (Mt 5.32 et 19.9), à cause de l’expression dans certains textes de la Loi de Moïse parlant de « découvrir la nudité de quelqu’un ».

 

La chose inconvenante ou « nudité d’une chose » semble donc être quelque chose de caché qui apparaît après le mariage, ayant trait à une indécence persistante, pas nécessairement de nature sexuelle, ou à un comportement entraînant l’indignation du conjoint et la réprobation de la société (conduites psychotiques, immorales ou perverses, homosexualité, exhibitionnisme, blocages profonds dus à des violences ou des abus).

 

Résumé des principes bibliques

 

  • 1. Dans son intention première de la création, Dieu veut le bonheur des hommes et des femmes qu’il a créés. Le mariage est un don de Dieu et fait partie de ce bonheur.

 

  • 2. Le mariage est une alliance d’amour réciproque d’un homme et d’une femme, monogame et permanente. C’est dans ce cadre que la sexualité s’exprime pleinement. Dans sa bonté, Dieu peut accorder des enfants qui grandiront au sein de cette famille sécurisante.

 

 

  • 3. Le mariage est une institution divine dans le cadre de la création. Il est toujours conclu et attesté par un acte public et social.

 

  • 4. Depuis l’entrée du péché dans le monde, le mariage, la vie du couple et de la famille sont mis à mal.

 

 

  • 5. L’adultère est condamné sans réserve (Ex 20.14 ; Mt 5.27-28 ; 19.6).

 

  • 6. Le divorce n’est initialement pas dans la volonté de Dieu (Ml 2.14, 16 ; Mt 19.6).

 

  • 7. Cependant, à cause de la dureté du coeur humain et dans certaines situations et sous des conditions particulières, le divorce est permis (Dt 24.1s ; Mt 19.7-9).

 

  • 8. Bien entendu, l’apôtre n’omet pas d’envisager aussi une autre voie : la réconciliation (1 Co 7.11), sans toutefois indiquer les conditions.

 

  • 9. Le divorce signifie la rupture du lien conjugal ou, en d’autres termes la dissolution de l’alliance du mariage, ce qui permet le remariage. C’est la thèse soutenue par les auteurs de cette étude. Certes, Paul conseille aux couples dont l’un des conjoints est croyant de ne pas se séparer. Mais si le conjoint non croyant veut divorcer, le conjoint croyant n’est plus lié (1 Co 7.15).

 

  • 10. Le remariage est admis, mais Paul souligne l’importance d’un choix responsable qui tient compte de l’appel particulier que Dieu réserve à chacun (1 Co 7.17, 23-24).

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L’APÔTRE N’OMET PAS D’ENVISAGER AUSSI UNE AUTRE VOIE : LA RÉCONCILIATION (1 CO 7.11).

 

Principes d’aide pastorale

 

  • 1. À l’exemple de Jésus qui s’est montré compatissant, mais juste et sans faiblesse envers les personnes qui l’ont approché, tout pasteur ou ancien doit s’inspirer de cette attitude d’accueil, d’écoute et de compréhension à l’égard des couples aux prises avec des problèmes conjugaux.

 

  • 2. Il importe de poser dès le jeune âge les fondements d’une approche saine de tout ce qui touche à la sexualité et à l’amour conjugal par un enseignement adapté et réaliste.

 

  • 3. L’accompagnement des personnes impliquées dans un divorce demande beaucoup de tact et de retenue à cause de leurs souffrances. Il ne doit pas se substituer aux démarches de la justice. À aucun moment, il ne peut être question de faire pression sur les consciences et la liberté de décision. Par l’appel à une prise de conscience et à un repentir sincère, ce travail vise l’apaisement, le pardon et la guérison, peut-être la réconciliation, à condition que celle-ci soit assumée par les deux parties.

 

  • 4. La discipline exercée à l’encontre des personnes qui échouent dans leur mariage ne doit pas être conçue comme une punition, mais comme un processus de restauration. La doctrine nous rappelle notre condition face à la volonté et à la sainteté de Dieu, la pastorale proclame l’Évangile de sa grâce libératrice et de son pardon réconciliateur. Les deux sont à vivre étroitement liés.

 

  • 5. Il est nécessaire que les responsables – pasteurs et anciens –, engagés dans cette relation d’aide, reçoivent une instruction biblique et théologique adéquate et soient formés à une certaine pratique pour répondre aux besoins spécifiques de ces personnes.

 


NOTES

 

1. Daniel BRESCH, François-Jean MARTIN et Pierre WHEELER

 

2. Mariage, divorce, remariage – Réflexion biblique, historique et pastorale, Excelsis, 80 pages, 10.00 €