« Montre-nous le Père »

 

 

 

Par Thierry SEEWALD

Thierry Seewald

 

 

La réponse de Jésus à cette demande de Philippe surprend : Il y a si longtemps que je suis avec vous, et tu ne m’as pas connu, Philippe ! (Jn 14.8)

 

 

À première vue, la théologie de Philippe es t meilleure que celle de Jésus : il ne confond pas le Père et le Fils, alors que Jésus répond comme s’il était le Père !

 

D’autres versets soulignent la proximité entre le Père et le Fils, notamment la suite, Je suis dans le Père et le Père est en moi (Jn 14) ou personne ne connaît qui est le Fils, si ce n’est le Père, ni qui est le Père, si ce n’est le Fils et celui à qui le Fils veut le révéler (Lc 10.22).

 

Notre Dieu est un Dieu trinitaire : le Fils n’est pas le Père, l’Esprit n’est ni le Père ni le Fils, mais ce verset nous rappelle que nous n’avons bien qu’un seul Dieu, même si, dans le mystère de la trinité, celui-ci est trois personnes. Jésus n’est pas que le Fils de Dieu, il est « Emmanuel », l’unique Dieu avec nous.

 

Il n’y a pas au ciel un Père, juge tout-puissant, créateur de toute chose et régnant sur l’univers, parfois effrayant dans sa sainteté, et sur terre le Fils, soumis au Père, serviteur qui nous aime et compatit à nos difficultés.

 

Ce qui est dit du Père est aussi dit du Fils dans le Nouveau Testament : le Fils juge (Jn 5.22- 27), tout a été créé par lui (Col 1.16), il soutient tout par sa parole puissante (Hé 1.3).

 

Et à l’inverse, à la demande de Moïse : Fais-moi voir ta gloire, la révélation de Dieu en Exode 33- 34 souligne que la compassion et la grâce sont bien des traits du Dieu trinitaire et non du Fils seulement : Je ferai passer devant toi toute ma bonté (Ex 33.19).

L’Éternel, l’Éternel ! Dieu, miséricordieux et faisant grâce, lent à la colère, et grand en bonté et en vérité (Ex 34.6, Darby).

La grâce et la vérité venues par Jésus-Christ (Jn 1.17) font partie de la manière dont Dieu se présente à Moïse.

 

Un autre article de ce numéro a souligné que le commandement de ne pas façonner d’image de Dieu se justifiait par le fait que Dieu avait déjà placé une telle image dans la création : l’être humain. En Jésus-Christ nous avons la plus parfaite de ces images, reflétant ce que nous aurions pu être si nous n’étions pas marqués par le péché, tout en étant le vrai Dieu corporellement présent dans sa création.

 

Toute la plénitude de la divinité réside dans le Fils (Col 2.9), il est le rayonnement de sa gloire et l’expression de sa réalité même (Hé 1.3).

 

Jésus le dit clairement dans la suite de sa réponse à Philippe : Celui qui m’a vu a vu le Père ; comment dis-tu : Montre-nous le Père ? D’ailleurs les pharisiens ne s’y trompent pas, eux qui accusent Jésus par deux fois au moins de blasphémer, de se prendre pour Dieu. En Marc 2, lorsque Jésus annonce au paralytique que ses péchés sont pardonnés, quelques scribes se disent au dedans d’eux : Il blasphème. Qui peut pardonner les péchés, si ce n’est Dieu seul ?

 

Et surtout lorsque Jésus affirme pouvoir donner la vie éternelle parce que lui et le Père sont un (Jn 10.28, 30), les pharisiens veulent le lapider pour blasphème parce qu’il se fait Dieu (v. 33).

 

Lorsque nous lisons les évangiles, nous commettons sans doute parfois la même erreur que Philippe, pensant n’y voir « que » le Fils. Mais en Jésus- Christ, c’est bien Dieu qui s’incarne, Dieu qui vient à nous. La soumission du Fils au Père1 nous révèle un aspect du mystère de la trinité, mais ne doit pas nous donner l’impression qu’en Jésus nous n’aurions à faire qu’à un subordonné, Matthieu 8.27 nous le rappelle utilement.

 

En Ésaïe 40.3, le précurseur, auquel Jean-Baptiste s’identifie, crie dans le désert pour ouvrir une route à Dieu lui-même. En Ésaïe 40.10-11 et Ézéchiel 34.15-16, c’est Dieu qui est le bon berger qui prendra lui-même soin de ses brebis.

 

Si, du fait de l’incarnation, le Fils a renoncé à certains aspects de sa divinité, et qu’en Jésus-Christ nous ne le voyons pas dans toute sa gloire, son immensité et sa toute-puissance, en Jésus-Christ nous voyons bien néanmoins Dieu qui se révèle. Et cette renonciation à sa gloire pendant le temps de l’incarnation est déjà elle-même une révélation sur le caractère de Dieu. Notre Dieu est un Dieu qui a renoncé à sa gloire par amour pour nous.

 

Alors que Jésus pleure à la mort de Lazare, est ému de compassion lorsque la veuve enterre son fils ou lorsqu’il voit la foule languissante et abattue, comme des brebis qui n’ont pas de berger, nous voyons la compassion de Dieu, sa tristesse devant la souffrance et le malheur. Quand Jésus fréquente les personnes de mauvaise vie, des prostituées, qu’il entre manger chez Zachée, nous voyons l’amour de Dieu pour le pécheur. Quand Jésus critique les pharisiens pour leur hypocrisie, leur manque de compassion et les fardeaux qu’ils mettent sur les croyants ou se met en colère contre ceux qui transforment le Temple, maison de prière, en caverne de voleurs, nous voyons la colère de Dieu contre la dureté des coeurs et le péché. À la croix, nous ne voyons pas l’amour du Fils qui s’oppose à la colère du Père, mais l’amour de Dieu, qui a tant aimé le monde qu’il a donné son Fils unique afin que quiconque croit en lui ne périsse pas, mais ait la vie éternelle.

 

En Jean 13, ce n’est pas un Fils diminué, transformé en petit serviteur, ayant renoncé à son estime de soi qui lave les pieds de ses disciples : Vous m’appelez Maître et Seigneur, et vous dites bien, car je (le) suis2 (verset 13). Non seulement Jésus est « roi-serviteur », comme le dit le cantique, mais il nous révèle que Dieu est « roi-serviteur ».

 

En méditant le Christ des évangiles, nous apprenons à connaître notre Dieu.

 

lavement piedsJésus est l’image parfaite de Dieu, et nous, images déformées de Dieu, il nous appelle à suivre son exemple : Si donc je vous ai lavé les pieds, moi le Seigneur et le Maître, vous aussi vous devez vous laver les pieds les uns aux autres (Jn 13.14). Et les apôtres Paul et Pierre ont bien compris que cet appel à suivre l’exemple du Christ ne s’applique pas seulement à cette situation.

 

Paul affirme : Soyez mes imitateurs, comme je le suis moi-même de Christ (1 Co 11.1) et vous-mêmes, vous avez été mes imitateurs et ceux du Seigneur (1 Th 1.6). Pierre, faisant référence à l’esprit de service et de soumission de Jésus dit : c’est à cela que vous avez été appelés, parce que Christ aussi a souffert pour vous, vous laissant un exemple, afin que vous suiviez ses traces (1 P 2.21).

 

Paul et Pierre ne semblent pas ennuyés par l’argument classique que nous ne pouvons pas donner notre vie pour les autres, donc il ne faut pas chercher à imiter le Christ. Ils trouvent tous les deux en Jésus un exemple à imiter. Et alors, de gloire en gloire, nous serons transformés en la même image (cf. 2 Co 3.18). À l’image du Fils, nous serons « images de Dieu ».

 

T.S.

 


NOTES

 

1. « Non pas ma volonté, mais la tienne » (Lc 22.42), par ex.

 

2. La Bible à la Colombe, en mettant « le » entre parenthèses, souligne qu’avec ce « je suis », Jésus, Maître et Seigneur, fait référence à Exode 3.14 et s’affirme en plus comme étant Dieu lui-même.