Rencontres avec Dieu

 

 

Par Marcel REUTENAUER

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La lecture et la méditation de cette grande collection de prières et de cantiques que sont les Psaumes constituent une plongée dans le vécu des psalmistes et leur dialogue avec Dieu. En même temps nous y trouvons une révélation de la personne de Dieu qui se laisse interpeller, qui écoute et qui répond.

 

 

 

 

La personne de Dieu1

 

Dieu, dont le nom est cité 484 fois dans les Psaumes, est aussi nommé l’Éternel (759 occurrences), le Seigneur (62 occurrences) et désigné aussi comme le Sauveur (19 fois), le Saint ou Saint d’Israël (5 fois), le Tout-Puissant (2 fois) et le Très-Haut (1 fois).

 

Le mot « dieu » désigne au sens général un être supérieur en connaissance et en pouvoir. Mais dans le langage biblique, le nom « Dieu » désigne l’être unique, omniscient, omniprésent et omnipotent, créateur de l’univers, auquel toutes choses sont soumises. Et le croyant en Dieu lui exprime sa soumission. C’est un choix volontaire que le psalmiste confesse : Ô Dieu : tu es mon Dieu ! (Ps 22.11 ; 43.4 ; 63.1 ; 86.2 ; 91.2 ; 140.7) En cela, il se détourne manifestement de tous les autres dieux, puissances imaginaires ou puissances spirituelles que Dieu domine : Qui dans le ciel est égal à toi, Éternel ? Qui donc est semblable à toi, qui, parmi les dieux ? (Ps 89.7 ; cf. Ps 86.8 ; 95.3 ; 96.5 ; 97.7 ; 97.9 ; 135.5 ; 136.2) et il fait sien le 1er commandement : Tu n’auras chez toi aucun autre Dieu, tu n’adoreras aucun des dieux étrangers ! (Ps 81.10)

 

Le nom « Éternel » est la traduction du nom Yahvé qui, en hébreu, se présente sous la forme du tétragramme YHVH. « C’est le nom ineffable, que les Juifs n’avaient pas le droit de prononcer et auquel ils devaient substituer dans la lecture le nom “Seigneur” (mon Seigneur, Adonaï). »2

 

YHVH signifie Celui qui est (Ex 3.14). « Nous trouvons dans ce nom à la fois l’affirmation métaphysique de l’Être éternellement présent (Je suis), qui est à l’origine et au terme de toute existence, Dieu unique, incomparable, sans limitation, et l’affirmation morale et spirituelle de la fidélité divine. »3 Nous en trouvons l’écho en Apocalypse 1.8 : Je suis l’alpha et l’oméga, dit le Seigneur Dieu, celui qui est, qui était, et qui vient, le Tout- Puissant.

 

Dieu est aussi désigné de plusieurs manières en raison des caractéristiques de sa personne : le Saint (Ps 22.4 ; 33.21 ; 71.22 ; 78.41 ; 89.19) et le Très-Haut (Ps 91.1) ; ou en rapport à ses actions : le Sauveur, par exemple au Psaume 27.1 : Oui, l’Éternel est ma lumière et mon Sauveur : de qui aurais-je crainte ? L’Éternel protège ma vie : de qui aurais-je peur ?

 

 

Dialogues avec Dieu

 

Le livre des Psaumes est, parmi les livres de l’AT, celui qui a la préférence des croyants. En effet, le lecteur y trouve tous les mouvements de la prière : adoration et louange, consécration et confession, requêtes et intercession ; et ceci dans toute la variété des situations de la vie quotidienne. Pour Calvin, nous y trouvons la formulation de « toutes les douleurs, tristesses, perplexités, voire jusqu’aux émotions dont les esprits des hommes sont continuellement agités » et A. Chouraqui y voit les « miroirs de nos révoltes et de nos fidélités, de nos agonies et de nos résurrections »4. Il est impossible, dans le cadre de cet article, de rendre compte de toute la variété des circonstances et des formes de la prière des psalmistes et nous ne pourrons tracer que quelques grands traits en laissant au lecteur la joie de découvertes renouvelées au cours de ses lectures personnelles.

 

 

• Formes de la prière

 

Il n’y a pas d’heure où la prière ne pourrait avoir sa place : Oui, je chanterai ta justice et ta louange tout le jour (Ps 35.28). De l’aube (Ps 5.4) jusqu’aux veilles de la nuit (Ps 63.7) nous pouvons parler à Dieu et méditer. Mais tout particulièrement, lors des rencontres cultuelles, il est bon de louer l’Éternel, de célébrer par des chants le Très-Haut ! (Ps 92.1-2) À l’instar du croyant de l’AT qui vivait sa piété en priant sept fois par jour (Ps 119.164), l’apôtre Paul nous exhorte : Priez sans cesse ! (1 Th 5.17)

Selon les circonstances et les sentiments éprouvés, la prière sera cri de détresse (Ps 3.5), cri de joie (Ps 84.3) ou soupir (Ps 42.1-2) mêlé de pleurs (Ps 39.13). Alors que l’Israélite se tournait vers le temple de Jérusalem (Ps 138.2), le croyant de la nouvelle alliance est luimême temple du Saint-Esprit (1 Co 6.19). Plutôt que la position corporelle – mains élevées (Ps 28.2), couché (Ps 63.7) – c’est la disposition de coeur qui compte : Car l’Éternel est proche de ceux qui ont le coeur brisé. Il sauve ceux qui ont un esprit abattu (Ps 34.19 ; cf. Ps 66.18).

Quant au vocabulaire, le livre des Psaumes est caractéristique par l’utilisation que font les psalmistes de nombreux anthropomorphismes et de comparaisons. Ainsi ils parleront du « bras de l’Éternel » (Ps 79.11 ; 89.11), de « sa main » (Ps 18.17 ; 31.16 ; 43.1), de « ses yeux » (Ps 116.15 ; 139.15), de « son oreille » (Ps 17.6 ; 40.2 ; 116.2), sans qu’il y ait aucune intention de réduire Dieu à la condition humaine5.

 

 

• Confession de foi

 

Parler à Dieu suppose d’avoir la foi et d’être disposé à se soumettre à sa Parole, sans quoi cela n’aurait aucun sens de l’appeler au secours. Ainsi, dans les difficultés qu’il traverse, le psalmiste affirme : Mais moi, ô Éternel, je me confie en toi. Je dis : « C’est toi qui es mon Dieu ! » Mes destinées sont dans ta main (Ps 31.15- 16a). Il reconnaît la puissance de Dieu : Oui, l’Éternel est un refuge pour les pauvres, les opprimés, un lieu fort en temps de détresse (Ps 9.10).

Cela suppose aussi la connaissance et le respect de la Loi comme règle de vie. Heureux l’homme qui ne marche pas selon le conseil des méchants… mais qui trouve son plaisir dans la loi de l’Éternel, et qui la médite jour et nuit ! (Ps 1.1-2) Le monumental Psaume 119 est tout entier consacré à exprimer l’amour du psalmiste pour la Parole de Dieu : Moi, j’aime tes commandements plus que l’or, oui, plus que l’or fin (Ps 119.127).

 

 

• Humiliation et confession des péchés

 

La révélation de Dieu et la connaissance de sa Loi ont pour conséquence immédiate pour l’homme, la prise de conscience de ses transgressions et de son indignité. Je suis, depuis ma naissance, marqué du péché ; depuis qu’en ma mère j’ai été conçu, le péché est attaché à moi (Ps 51.7). La démarche juste est alors de confesser aussi bien les actions mauvaises que les infidélités à la Loi en général. Éternel, mon Dieu, malgré ta colère, ne me punis pas et, dans ton courroux, ne me châtie pas ! (Ps 6.2)  Ne tiens plus compte de ces péchés de ma jeunesse, de mes fautes passées, mais traitemoi selon ta grâce, ô Éternel, toi qui es bon ! (Ps 25.7)

Quelle grâce de pouvoir alors expérimenter le pardon ! Je t’ai avoué ma faute, je n’ai plus caché mes torts, j’ai dit : « Je reconnaîtrai devant l’Éternel les péchés que j’ai commis. » Alors tu m’as déchargé du poids de ma faute (Ps 32.5). La communion avec Dieu est alors rétablie : Car l’Éternel est un Dieu juste, un Dieu qui aime la justice. Les hommes droits verront sa face (Ps 11.7).

Et quel privilège de se placer sous le regard de Dieu pour marcher dans la fidélité au quotidien ! Sonde-moi, ô Dieu, et connais mon coeur ! Éprouve-moi, et connais mes pensées ! Regarde si je suis sur une mauvaise voie, et conduis-moi sur la voie de l’éternité ! (Ps 139.23-24)

 

 

• Adoration et louange

 

Contempler Dieu, sa personne, sa création et ses oeuvres, fait éclater la louange. Elle tient une grande place dans les Psaumes et s’exprime dans tous les registres :

 

Éternel, notre Seigneur, que ta gloire est admirable sur la terre tout entière (Ps 8.10).

 

– Célébrez par des chants l’Éternel, le roi de Sion, et proclamez parmi les peuples ses hauts faits (Ps 9.12).

 

Pour moi, j’ai confiance en ta bonté. La joie remplit mon coeur à cause de ton grand salut. Je veux chanter en ton honneur, ô Éternel, tu m’as comblé de tes bienfaits (Ps 13.6).

 

Loué soit l’Éternel : quand je l’ai appelé, j’ai été délivré de tous mes ennemis (Ps 18.4).

 

Dès à présent, je peux lever la tête pour dominer mes ennemis autour de moi. J’offrirai dans son tabernacle des sacrifices avec des cris de joie, je célébrerai l’Éternel par le chant et les instruments (Ps 27.6).

 

Je veux louer l’Éternel tant que je vivrai, je célébrerai mon Dieu en musique tout au long de mon existence (Ps 146.2).

 

 

• Requêtes et intercession

 

C’est d’une manière très directe que les psalmistes exposent leurs demandes à Dieu, que ce soit pour des situations personnelles ou pour autrui (Ps 3.9). Le ton peut être celui des soupirs (Ps 5.2), des lamentations (Ps 13.2) ou l’interpellation vive (Ps 7.9 ; 17.1), même l’imprécation6, tout en restant dans le respect de la souveraineté de Dieu (Ps 19.15).

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• Écoute

 

Il n’y a pas de dialogue s’il n’y a pas aussi écoute, que ce soit avant ou après avoir parlé. Plusieurs Psaumes sont intitulés « méditation » (par ex : Ps 32.1 ; 42.1 ; 53.1 ; 74.1) et peuvent donc être compris comme le fruit d’un temps d’écoute. Un autre mouvement est celui de la prière déposée devant Dieu et suivi de l’attente (Ps 5.4). Pour Asaph, alors qu’il s’interrogeait sur la bonté de Dieu et était jaloux de la prospérité des méchants, l’Éternel l’éclaire. Je me suis mis à réfléchir : j’ai cherché à comprendre, je trouvais tout cela bien trop injuste jusqu’au jour où je suis entré dans le Temple de Dieu et où j’ai réfléchi au sort qui les attend (Ps 73.16-17).

 

Que de trésors il reste encore à découvrir dans le livre des Psaumes ! Croyants de tous âges et de toutes époques, continuons à lire, méditer, étudier et prier les Psaumes !

 


NOTES

 

1. Nous nous appuierons sur la version du Semeur 2000 pour l’étude des diverses notions.

 

2. Nouveau dictionnaire biblique illustré, Emmaüs, article : Dieu (les noms de).

 

3. Ibid.

 

4. Cités par F. Bailet, Prions les Psaumes, dans Servir en L’attendant, N° 5-1994

 

5.Geoff Cawston, Vous avez dit anthropomorphisme ? Servir en L’attendant N° 4-2004. « Par les anthropomorphismes de sa parole, Dieu s’accommode à notre faiblesse pour nous faire comprendre qu’il est vivant et personnel. Ce langage est donc une grâce, même si nous avons besoin de l’interpréter avec retenue. »

 

6. Le lecteur voudra bien se reporter à l’article spécifique sur les Psaumes d’imprécation, pages 27 à 29.