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Le péché contre le Saint-Esprit

 

(Mt 12.31)

 

 

Par David Steinmetz

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C’est pourquoi je vous dis : tout péché, tout blasphème sera pardonné aux hommes, mais le blasphème contre l’Esprit ne leur sera pas pardonné. Celui qui parlera contre le Fils de l’homme, cela lui sera pardonné ; mais celui qui parlera contre le Saint-Esprit, le pardon ne lui sera accordé ni dans le monde présent ni dans le monde à venir.

 

 

Ces paroles de Jésus peuvent semer le doute dans l’esprit de certains chrétiens. Alors que nous avons grandi avec l’enseignement de l’apôtre Jean, selon lequel Dieu est un Dieu qui fait grâce, qui nous pardonne quand nous confessons nos péchés, voilà que Jésus affirme qu’il y a un péché qui ne sera jamais pardonné. Si nous avons péché contre le Saint-Esprit, le ciel semble nous être à jamais fermé… On peut donc constamment vivre avec cette crainte de risque de pécher contre le Saint-Esprit (ou même dans la crainte de l’avoir déjà réalisé !). Mais pour étudier tout texte, il faut le replacer dans son contexte.

 

Jésus vient de guérir un démoniaque aveugle et muet, de sorte que celuici s’est mis à voir et à parler. La foule, pleine d’admiration devant un tel signe, commence à se demander si ce Jésus ne pourrait pas être le Fils de David, le Messie tant attendu par Israël. Mais les pharisiens, offusqués par cet homme qui prétend être le Fils de Dieu et qui se permet de ne pas respecter la loi de Moïse (du moins, leur interprétation de cette loi), rabrouent la foule en prétendant que le pouvoir de Jésus lui a été donné par Satan.

 

Jésus, connaissant leur pensée, se met à leur démontrer l’illogisme de ces propos. Puisqu’il vient de chasser un démon, Satan s’en prendrait à son propre royaume si Jésus était son envoyé. De plus, les disciples des pharisiens eux-mêmes chassent des démons, démontrant ainsi que l’exorcisme a pour but de nuire à Satan, et non l’inverse.

 

Puis le Seigneur emploie une image pour manifester qu’il est réellement le Messie. Un homme fort est entré dans une maison pour piller ses biens, et seul un être capable de lier cet homme fort pourra récupérer la maison. Ainsi, un démon est entré dans un être humain pour prendre possession de lui, et seul l’Esprit de Dieu pourra chasser ce démon et venir habiter à son tour chez lui. Si donc Jésus a pu chasser le démon, c’est qu’il est rempli de l’Esprit de Dieu, accréditant l’hypothèse de la foule. Et si Jésus est vraiment le Fils de David, alors le Royaume de Dieu est venu jusqu’à eux (v.28).

 

Mais par leurs accusations, les pharisiens refusent d’accepter l’évidence. En l’accusant d’être un instrument de Satan, ils continuent de manifester qu’ils refusent de le reconnaitre comme le Messie. C’est pourquoi, leur dit Jésus, tout blasphème sera pardonné aux hommes, mais le blasphème contre l’Esprit ne leur sera pas pardonné. Il y a un lien de cause à effet. Jésus associe le blasphème contre le Saint-Esprit au refus de reconnaitre l’évidence, au refus de le reconnaitre comme Messie et Sauveur.

 

Après tout, n’est-ce pas là l’un des rôles de l’Esprit que de convaincre le monde qu’il est pécheur (Jn 16.8) et qu’il a besoin d’un sauveur ? L’apôtre Jean ne s’était pas trompé. Tout péché confessé à Dieu avec un coeur repentant, fût-ce un blasphème, peut être pardonné. Chaque fois que l’on confesse notre péché, on manifeste notre besoin de Dieu, on reconnait notre désobéissance envers sa juste loi et on se souvient que Jésus a pris notre place sur la croix, nous faisant bénéficier de la grâce divine.

 

Mais l’attitude des pharisiens consistait à se croire justes grâce à leur respect de la loi, n’ayant ainsi pas besoin d’un sauveur qui viendrait prendre leurs péchés à leur place. Pire, devant l’évidence, ils insultent le Fils de Dieu et l’Esprit qui est en lui. Puisqu’ils croient ne pas avoir besoin de pardon, le pardon ne pourra donc pas leur être accordé. Malgré l’évidence qui démontre que Jésus est le Messie, ils refusent de le laisser travailler leur coeur. Ils ne laissent pas l’Esprit de Dieu les convaincre de leur péché…

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Nous sommes donc ici devant un public qui refuse d’accepter Jésus comme son Sauveur, et non devant un public de convertis. F.F. Bruce dit dans son commentaire1 sur le passage parallèle en Luc 12.10 que l’auteur situe cette parole de Jésus entre un enseignement sur le rôle de l’Esprit comme défenseur de ceux qui reconnaissent publiquement son Nom (v.8-9) et un soutien à ceux qui sont traduits devant des tribunaux afin qu’ils disent les bonnes paroles (v.11-12). Luc semble suggérer l’idée que le blasphème contre le Saint-Esprit implique un refus de son aide pour éviter aux disciples de le renier et, ce faisant, d’apostasier.

 

C’est à son fruit que l’on reconnait un arbre (v.33). L’Esprit s’est pleinement manifesté en Jésus, mais les pharisiens ont refusé de le reconnaitre. Leurs propos ont même révélé la haine dont ils étaient emplis à son égard. Ils ont refusé Dieu, et Dieu les refusera à son tour s’ils ne se repentent pas. Bien plus qu’un acte que nous aurions pu commettre, le blasphème contre l’Esprit concerne une attitude de coeur, celle de refuser Jésus comme le Messie malgré l’évidence, celle de ne pas laisser l’Esprit de Dieu nous convaincre que nous avons besoin de lui. Et pour ceux qui culpabiliseraient à l’idée d’avoir peut-être commis ce péché-là, pas d’inquiétude. Le simple fait de vous demander si vous n’avez pas péché contre Dieu manifeste par là que vous reconnaissez votre état de pécheur et votre besoin du Sauveur. En d’autres termes, que le Saint-Esprit est en train de travailler en vous !

 


NOTES

 

1. F.F. Bruce, The Hard Sayings of Jesus, London- Sidney, Hodder & Stoughton, 1983.