Temoignage

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Aimer dans un monde raciste

 

 

Témoignage de Kimia Obiriga1

kimia-obiriga

recueilli par Jonathan Hanley

 

 

dialogue1Peux-tu me citer un exemple où tu as vécu le racisme ?

Plusieurs fois à l’Église, j’ai entendu des personnes, se croyant pleines de compassion ou de sympathie, dire des généralités symptomatiques de cette culture du racisme, qui est pourtant profondément pécheresse. Un frère, par exemple, commence et termine la réunion avec « Vous, les Africains, vous êtes comme ça… Vous, les Africains, vous connaissez mieux la souffrance que nous… » Alors que deux sur trois des noirs présents sont français, ont des parents dans des professions intellectuelles supérieures, et n’ont jamais connu la guerre ou la famine. Ou bien, je pense à une soeur qui, en proposant un sujet de prière après avoir vu le film L’homme qui réparait les femmes, lance : « Là-bas, ils ont fait du viol une arme de guerre », et souligne que la faute revient aux Congolais pour cette situation, alors qu’elle trouve des excuses pour les soldats français qui violent des enfants en Centrafrique.

 

dialogue1Le racisme est-il présent dans les Églises en France aujourd’hui ? À quoi est-ce dû, d’après toi ?

Le racisme est moins une attitude ou un comportement qu’une culture, qu’il s’agisse de la France continentale ou des colonies, du blanc ou du noir. Comme ça relève du paradigme, les gens ne le remettent pas en question, à plus forte raison lorsqu’ils pensent venir d’une culture « chrétienne ».

 

dialogue1Comment réagis-tu au commandement de Jésus qu’il nous faut aimer nos ennemis ?

J’ai grandi dans une famille chrétienne, alors je pense que c’est la moindre des choses. Mais je réalise qu’en fait ce n’est pas seulement « ne pas faire de mal », c’est aussi ne pas penser du mal, même de cette personne qui recommence toujours le même comportement. Il y a des personnes que je n’arrive pas du tout à aimer, mais, au final, je réalise que le problème, c’est moi qui m’enferme dans des automatismes au lieu d’être libre.

 

En ce qui concerne le racisme, je me souviens être allée à une réunion organisée par France-Évangélisation et avoir entendu par-dessus mon épaule quelqu’un parler du ministère qu’il avait reçu de réconciliation entre les noirs et les blancs. Je me souviens avoir pleuré toutes les larmes de mon corps lorsqu’il a dit avoir symboliquement porté des jougs. Je suppose qu’il l’a fait pour demander le pardon des Antillais présents. Je pleurais parce que mes ancêtres, mes frères, mes cousins, ont vraiment porté ces chaînes, et les portent encore dans leur esprit.

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Cet homme me demandait pardon et il avait honte. Mais je m’interdisais de lui accorder ce pardon, alors qu’il avait fait ce que je n’ai jamais vu un homme occidental ou oriental faire : reconnaître le péché de ses pères, s’en repentir sincèrement et demander pardon. Un peu plus tard, en travaillant le sujet avec Dieu, je me suis rendu compte que je m’empêchais de ressentir de la compassion, car je croyais inconsciemment que si je le faisais, je n’aurais plus assez de compassion pour prendre soin de mes frères dans la chair. Mais une vérité est descendue dans mon coeur : c’est Dieu qui me protège et qui protège les miens. Moi, mon travail, c’est d’aimer et d’avoir de la compassion pour tous. C’est comme : Cherchez d’abord le royaume de Dieu et toutes choses vous seront données en plus. Aimez, et tout ce qui vous retient ne vous retiendra plus.

 

dialogue1Quel message aimerais-tu passer aux chrétiens qui veulent agir pour faire cesser le racisme ?

Ne vous trompez pas d’ennemi. Le racisme n’est pas juste le fait de ne pas aimer certains peuples, ce n’est pas seulement ne pas les compter parmi ses amis. Le racisme fait partie de notre culture. Ne vous conformez donc pas au siècle présent, nous dit la Parole. Le racisme, ce sont des millions de morts, en ce moment – en Israël, au Maghreb, aux États-Unis, au Congo, au Brésil… C’est l’esclavage aujourd’hui en Mauritanie et à Dubaï. C’est l’exploitation présente des « ex »-colonies françaises en Afrique. Le problème de l’homme, c’est le péché. Le meilleur investissement contre le racisme, c’est connaître, comprendre et vivre l’Évangile. L’antidote aux insécurités, au désir d’acceptation et de rédemption, ainsi qu’au racisme, c’est l’Évangile.

 


NOTES

 

1. Kimia Obiriga est étudiante en architecture. Née à Toulouse de parents camerounais, elle a vécu sept ans au Cameroun. Passionnée d’écriture, ses écrits portent sur la foi chrétienne, la sexualité et l’identité, et les questions de race en lien avec l’histoire et la culture.