À la découverte des Psaumes1

 

 

Par Thierry SEEWALD

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Le livre des Psaumes est le livre biblique qui comporte le plus grand nombre de chapitres. II est aussi celui qui comporte le plus long chapitre (Psaume 119, 176 versets). Mais il n’est pas le livre le plus long : il a 1527 versets, et est devancé par le livre des Chroniques (1765 versets) et le livre des Rois (1534 versets). Il est l’ouvrage principal de la troisième partie du canon, celle des Écrits (cf. la formule de Luc 24.44, où l’Ancien Testament est appelé la loi de Moïse, les prophètes et les psaumes).

 

 

Il est le seul livre de son espèce dans l’Ancien Testament ; néanmoins, le livre des Lamentations s’y apparente. Et on trouve aussi dans les autres livres, des cantiques et des prières qui correspondent à ceux que l’on trouve dans le recueil des Psaumes :

• Le cantique de la mer (ou cantique de Myriam) : Ex 15.1-21

• Le cantique de Moïse : Dt 32.1-43 

• Le cantique de Déborah : Jg 5.1-32

• Le cantique d’Anne : 1 S 2.1-10

• Le cantique de David : 2 S 22 (qui correspond au Ps 18)

• Le cantique d’Ézéchias après sa guérison : Es 38.10-20

• La prière de Jonas : Jon 2.3-10

• La prière d’Habakuk : ch. 3 (avec une notice finale semblable à celles que l’on trouve dans le livre des Psaumes : au chef de choeur, avec instruments).

 

On peut y ajouter 1 Ch 16.8-36 (le psaume des chantres de David), qui est composé d’extraits de trois psaumes : 105.1-15 ; 96.1-13 ; 106.1, 47, 48.

 

De tous les livres de l’Ancien Testament, le livre des Psaumes est celui qui a le plus marqué la piété des chrétiens au cours des âges – et sans doute aussi de nos jours. Il se présente comme un recueil de chants, de prières, de poèmes. Ce sont des textes dont les orientations principales sont la requête2 et la louange. Il y a quelques textes de nature différente, comme le Ps 1, qui est un psaume d’instruction.

 

 

Le titre du recueil

 

Dans la Bible hébraïque, le livre porte le titre « Louanges ». Ce titre de « louanges » pour désigner l’ensemble du livre des Psaumes est un peu surprenant lorsque l’on pense que le recueil comprend autant de prières de requête que de prières de louange.

 

De plus, le mot louange, même s’il est employé une trentaine de fois dans le livre, ne sert qu’une fois comme titre de psaume (Ps 145.1). On peut penser que le titre grec de Psalmoi, qui indique vraisemblablement un chant accompagné (puisque le verbe peut vouloir dire « faire de la musique instrumentale »), convient mieux, car c’est un terme neutre qui ne dit rien quant au contenu (c’est un terme qui peut aussi bien s’appliquer aux requêtes, aux appels au secours qu’aux psaumes de reconnaissance et de louange). D’autre part, il correspond au titre le plus fréquent qui est donné aux psaumes, lorsqu’un titre leur est donné : 57 sont appelés « psaumes ».

 

Le titre hébreu correspond plutôt à la fin du livre, qui est très fortement marquée par la louange. Les psaumes 145 à 150 commencent tous par « Louez l’Éternel » (alléluia). Le Ps 150 reprend l’invitation à chaque ligne. Il y a donc un crescendo manifeste dans la fin du psautier pour mettre l’accent sur la louange.

 

 

Les titres individuels

 

La plupart des psaumes du recueil ont un titre. Il n’y a que 35 psaumes sur 150 qui n’en ont aucun. Dans certains cas, on peut penser que l’absence d’un titre provient du fait qu’un seul et même psaume a été artificiellement scindé en deux par la division en chapitres. C’est le cas pour les Ps 42 et 43. Le Ps 43 n’a pas de titre, alors que ses voisins en ont. On note qu’il a le même refrain que le Ps 42. C’est la même chose pour le Ps 10. Il est sans titre, alors que tous les psaumes du Ps 3 au Ps 32 ont un titre. Il est probablement la suite du poème acrostiche alphabétique du Ps 9. D’ailleurs, ces deux psaumes n’en forment qu’un dans la version des Septante et les bibles catholiques actuelles. Néanmoins, les absences de titre n’ont pas toutes une explication.

 

Ces titres fournissent un certain nombre d’indications. La plus fréquente est un nom propre précédé d’une particule signifiant « de » ou « pour ». Dans les psaumes, cette particule devant être comprise comme désignant l’auteur. Cent psaumes comportent une indication de ce type.

 

Les personnages cités dans cette partie sont les suivants : David (73 fois), Asaph (12 fois), les fils de Coré (11 fois), Yedoutoun (trois fois), Salomon (deux fois), Héman, Étan, Moïse (une fois). Les autres psaumes dont le nom d’auteur n’est pas signalé sont dits psaumes orphelins.

 

Les noms cités sont tous de l’époque de David (sauf Moïse). Asaph, Héman et Yedoutoun sont des chefs de famille de chantres (1 Ch 25.1, 6). Quant à Étan, on le retrouve en 1 Ch 6.29 parmi les chantres répartis en trois groupes, suivant leurs familles (1 Ch 6.18, 24, 29 – Asaph, Héman, Étan). Certains pensent que Yedoutoun et Étan sont une même personne. Asaph, Héman et Étan sont des descendants de Coré.

 

La deuxième indication que l’on a dans les titres est une mention traduite habituellement par « au chef des choeurs, des chantres ». Le mot est employé au moins une fois en rapport avec la musique (1 Ch 15.21). On le comprend traditionnellement comme « diriger la musique ».

 

Le troisième type d’indication est un nom qui renseigne sur le genre du texte. On trouve 97 fois un nom de ce type donné au texte, et celui qui revient le plus fréquemment est « psaume ».

 

On a aussi des notations musicales plus ou moins intelligibles. Elles peuvent préciser l’instrument qui accompagne le chant (harpe, …), peut-être le registre de la voix (grave, aiguë – on n’est pas sûr du sens des termes, donc ceci est sujet à caution), des indications sur le rythme, le genre musical. On a des indications sur l’air connu sur lequel le psaume devrait être chanté. C’est ainsi qu’on interprète « biche de l’aurore » (Ps 22), « colombe des térébinthes lointains » (Ps 56), mais on n’est pas sûr du sens de ces indications.

 

L’usage liturgique peut être mentionné, mais c’est rare ; par exemple, Ps 92 (pour le jour du sabbat), Ps 30 (pour la dédicace de la maison).

 

Pour certains psaumes attribués à David, on peut aussi avoir une notice brève indiquant les circonstances de composition. Il y a une quinzaine de notices de ce genre.

 

Le rapport entre les circonstances de composition et le psaume lui-même n’est pas toujours évident. Cela tient au fait que les psaumes contiennent très peu d’allusions historiques précises, sauf ceux qui célèbrent les actes de Dieu dans l’histoire passée (miracles d’Égypte, conquête de Canaan). Ainsi, ils sont directement utilisables par des croyants qui traversent des circonstances comparables à celles du psalmiste, ou qui éprouvent des états d’âme similaires aux siens.

 

 

État de la collection

 

La collection est composée de cinq livres (1-41, 42-72, 73-89, 90-106, 107-150). Cela est confirmé par l’existence de doxologies (bénédictions) caractéristiques à la fin des livres I, II, III et IV (du type : Béni soit l’Éternel le Dieu d’Israël). Ces doxologies constituent une preuve solide de l’existence des différents livres, en raison de leurs similitudes et de leur peu de rapport avec les psaumes qui les précèdent (voir par exemple Ps 89 – le verset 53 est plutôt la fin du livre III des Psaumes).

 

On possède des indices assez sûrs pour montrer que les cinq livres existaient indépendamment avant d’être rassemblés en un seul. On en a une preuve à la fin du Ps 72. Le verset 20 dit : fin des prières de David – or, on en trouve ensuite : Ps 86, 101, 103, 108-110, 112, 124, 131, 133, 138-145. Un autre indice est la présence de psaumes identiques – à quelques détails près – d’un livre à l’autre : par exemple les Ps 14 et 53. Le Ps 70 est égal aux versets 14-18 du Ps 40. Le Ps 108 est composé de Ps 57.8-12, 60.7-14.

 

Ces livres présentent une certaine homogénéité. Ainsi, hormis le Ps 33, les Ps 3 à 41 sont tous de David (notamment si le Ps 10 est la suite du Ps 9). Le livre II commence par une série de psaumes des fils de Coré, il y a ensuite des psaumes d’Asaph. Les autres sont de David. Le livre III commence par une série de psaumes d’Asaph. Dans le livre IV, la plupart des psaumes sont orphelins. Le livre V est la collection la moins homogène, on y trouve la collection des quinze cantiques des degrés (120-134). Il y a aussi deux séries de psaumes de louange (111-118, 145-150).

 

On conclut que le livre des Psaumes s’est constitué progressivement par le regroupement de collections plus réduites.

 

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La théologie des Psaumes

 

La présence dans la Bible d’un recueil de prières aussi important, où l’homme s’adresse à Dieu, signale l’importance de la prière dans la perspective biblique. On peut étudier la théologie du livre des Psaumes en analysant leur contenu objectif. Que disent les psaumes sur Dieu, sur la création, la providence de Dieu, ses attributs ? Que disent-ils sur l’homme, le péché, la souffrance, la mort, la rédemption, l’eschatologie ? Cette étude est déjà très instructive sur les sujets de théologie classique, mais il serait dommage de limiter à cela l’étude de la théologie des psaumes. En effet, ce qui est le plus significatif dans cette théologie est qu’elle s’exprime dans un dialogue entre Dieu et l’homme. Si on fait la somme de tout ce qui est dit au sujet de Dieu et de son rapport avec l’homme, il est essentiel pour nous de comprendre que ces vérités ne sont pas simplement énumérées pour constituer une sorte de catalogue théologique de vérités, mais qu’elles sont dites à Dieu et aux hommes qui l’entendent (il y a un aspect public, que l’on voit par exemple dans : venez, je raconterai… – Ps 66.16) dans la prière, soit pour louer Dieu, soit pour l’appeler à l’aide. Le livre des Psaumes est le coeur de l’Ancien Testament, car c’est là que s’exprime la relation entre Dieu et l’homme qui correspond au but de l’action de Dieu dans le monde et dans l’histoire.

 

Cette observation doit être rapprochée de celle que l’on peut faire sur la forme poétique des psaumes. La poésie a pour fonction de donner à la pensée qui est communiquée une forme suffisamment expressive, évocatrice, pour qu’elle transmette avec l’idée exprimée, la manière dont elle est ressentie par celui qui l’exprime, les sentiments qui animent l’auteur et qu’il veut communiquer à celui qui écoute le texte. L’auditeur ou lecteur n’est pas seulement invité à écouter le texte, mais aussi à le répéter et le reprendre comme une prière à Dieu. Il n’y a donc pas seulement communication d’un ensemble de vérités, mais de la façon dont ces vérités sont ressenties et de la place qu’ont ces vérités dans la relation entre Dieu et l’homme. Celui qui lit et qui reprend les paroles va pouvoir exprimer à l’aide des Psaumes son admiration pour Dieu, sa reconnaissance, son inquiétude, sa détresse, voire son désespoir.

 

La présence du livre des Psaumes révèle la dimension relationnelle de la révélation. C’est essentiel à la théologie. Si la théologie ne tient pas compte de cela, elle risque de devenir une simple entreprise humaine. Tout théologien qui étudie et ne prie plus ou qui étudie et ne prie pas davantage s’expose à faire de la mauvaise théologie, car la théologie qu’on écoute dans la Bible est une théologie qui chante, prie et pleure.

 


NOTES

 

1. Rédigé à partir de notes du cours d’Ancien Testament donné à la Faculté de Vaux-sur- Seine par le professeur Émile Nicole. Si la valeur du texte est à attribuer à M. Nicole, celui-ci étant un résumé et une reformulation de notes, il ne reflète pas forcément la pensée du professeur.

 

2. Nous incluons dans la requête la confession des péchés et la demande de pardon.