Comprendre notre société postmoderne

 

 

 

Par Aurélien Lang

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Vers la fin du XXe siècle, l’Occident a quitté la modernité et ses idéaux pour entrer dans la postmodernité. Les idées selon lesquelles l’homme peut parvenir, grâce à la raison, à une connaissance toujours meilleure de lui-même et de la nature qui l’entoure ont échoué. Cette crise des fondements impacte notre manière de vivre l’évangélisation, l’apologétique et l’implantation d’église.

 

 

 

 

1) La crise de confiance

 

Avant la Renaissance, ce qui caractérise les gens, c’est l’obéissance à la tradition. Or, la modernité permet l’émancipation. L’individu devient autonome, responsable. Il peut remettre en cause la religion et choisir pour lui-même ce qu’il veut croire : une religion à la carte.

 

Sur le marché des idées, l’individu se méfie de l’institution ; c’est lui qui détermine ce qui est vrai ou faux, ce qui est bon ou mauvais. L’Église devient prestataire de services pour célébrer les grands moments de la vie (deuil, naissance, mariage, etc.).

 

La société se sécularise. On peut vivre sans croire en Dieu ou en s’inventant un dieu de son propre cru. La foi, la croyance sont écartées de la sphère publique et sont du domaine de la vie privée.

 

Parler de Dieu est donc délicat et prend du temps. Il faut des relations régulières avec les mêmes personnes et espérer dans la prière que des opportunités de parler de l’Évangile se présentent (Col 4.5-6). Les gens veulent nous connaître avant de parler de ce qui est intime. Il faut gagner la confiance, gagner le droit de parler de notre foi. L’apologétique et l’évangélisation se font sur le vif ou ne se font pas. Il faut privilégier les contacts chaleureux et encourager davantage nos membres à aller de l’avant dans leurs discussions avec leurs amis et ne pas attendre le prochain événement dit d’évangélisation.

 

 

2) La crise de la connaissance

 

Le projet moderne a échoué. On assiste à une perte d’espoir dans la possibilité de connaître vraiment. Plus aucun discours ne peut prétendre être la vérité. Mais cette absence de certitude ramène la question de la foi et des spiritualités sur le devant de la scène médiatique ! Si on ne peut être sûr de rien, il vaut peutêtre mieux croire. À chacun de choisir. Toutes les religions se valent, mais toute religion qui prétend détenir la vérité est intolérante.

 

Selon 1 Pierre 3.15, nous devons être prêts à défendre notre conception de la vérité avec humilité et douceur. Puisque l’autorité est contestée, nous devrions favoriser des réunions qui mettent la Bible au centre et montrer que nos convictions et attitudes sont fondées sur une autorité qui n’est pas un individu, mais le Dieu tout-puissant.

 

De plus, la vérité n’est pas constituée que de propositions, c’est une relation avec Dieu. Si tout ce qu’on croit, vit et en fait dérive de la pensée même de Dieu, on augmente notre crédibilité et la confiance en la Parole de Dieu. Exposer et appliquer la pensée de Dieu est particulièrement pertinent dans ce contexte.

 

Une communauté joyeuse qui exalte le Christ est un puissant témoignage pour nos contemporains. Elle est ellemême apologétique quand elle vit les spécificités de l’Évangile : le pardon, le service, l’amour du prochain, etc. Ces valeurs vécues sont un puissant média utilisé par Dieu pour éclairer les hommes (1 Jn 4.16). Il faut parler un langage contemporain1, en expliquant ce que nous faisons et pourquoi.

 

 

3) La crise de l’espérance

 

Les deux guerres mondiales et l’échec du communisme ont mis un terme à l’espérance d’une société meilleure. Les gens croient de moins en moins à la politique pour changer le quotidien. L’espérance s’intériorise. L’individu doit se réaliser et il peut le faire par le biais de la spiritualité. C’est pourquoi, quand on affirme « Je suis chrétien », on entend ensuite : « Ah, c’est bien, t’as trouvé ton truc. Tu as la foi, moi, je ne l’ai pas. » Les individus ont importé le consumérisme dans leur intériorité : « Je dois me réaliser ». On juge pragmatiquement les rituels. Si ça marche, c’est donc vrai. Mais les réponses postmodernes ne satisfont pas. Le philosophe Pascal Chabot écrit : « La soif de la reconnaissance paraît la plus partagée des passions contemporaines. Je dois me prouver, je dois me réaliser. » Mais l’individu ne peut pas porter ce poids tout seul sur ses frêles épaules. Sans espérance, les symptômes du malêtre sont la dépression et l’addiction. L’Évangile, message d’espérance, a toute sa pertinence. Il nous faut le rendre audible. Parler du péché comme d’une addiction ou une dépendance qui rend esclave est approprié dans notre contexte. Le péché est bien le fait de ne pas respecter la loi de Dieu, mais l’angle d’approche proposé résonne particulièrement chez notre interlocuteur non chrétien.

 

En résumé, voici ce qu’on peut retenir de la spiritualité de nos contemporains :

 

1) Individualisation du croire :

La croyance est librement choisie, c’est un choix personnel, une adhésion intime. D’où le refus des dogmes. L’individu préserve jalousement son aptitude à tout évaluer. La foi évangélique a une grande force puisque selon la Bible, on ne naît pas chrétien, on le devient.

 

2) Globalisation de l’offre religieuse :

Pour la première fois, les grandes religions se côtoient. Plus que jamais, l’apologétique est pertinente pour nous aujourd’hui. À nous de nous former en apologétique, pour affirmer dans l’humilité et la douceur la vérité du christianisme.

 

3) Recherche de sens et d’espérance :

Nos contemporains sont hantés par la transcendance et les questions existentielles. Dans Nothing to be frightened of2, Julian Barnes démarre son ouvrage par cette phrase qui résume assez bien l’état dans lequel se trouvent la plupart de nos contemporains : « Je ne crois pas en Dieu, mais il me manque. » L’Évangile répond de manière pertinente à cette soif.

 


NOTES

 

1. Sans « patois de Canaan »

 

2. « Il n’y a rien à craindre »